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Pour les touristes amateurs de grands espaces, la province montagneuse de Hà Giang (Nord) est un lieu béni des Dieux, avec ses routes en lacet, ses chutes d’eau, ses rizières en terrasses partant à la conquête des pentes.
Un univers minéral et végétal parcouru par des hommes et des femmes aux tenues colorées, aux caractères bien trempés, façonnés depuis des générations par une nature qui ne fait pas dans la demi-mesure.
Si vous choisissez de visiter ces lieux au début de l’année lunaire, vous aurez certes un peu froid, mais ce désagrémentsera largement compensé par les découvertes que les habitants locaux vous réservent; en premier lieu la mystérieuse "danse divinatoire" des Dao áo dài (Dao à chemise longue).
La danse divinatoire est un rituel de passage destiné aux hommes qui souhaitent devenir devin. "Ceux qui participent à ce type de rituel doivent passer plusieurs fois dans l’année. Les hommes peuvent y assister dès l’âge de 10 ans", affirme Hoàng Van Giang, un chaman du district de Hoàng Su Phi, province de Hà Giang. "Nous organisons cette danse entre les 1er et 5e jours du 1er mois lunaire. C’est l’une des manifestations festives les plus importantes de l’année", poursuit-il.
Avant la danse divinatoire, le chaman demande aux esprits leur permission. |
La danse divinatoire se déroule à la nuit tombée. Le chaman prépare le rituel avec trois feuilles de rau cai (chou), des bâtonnets d’encens, trois tasses d’alcool, une liasse de papier et une bouteille d’eau. "La cérémonie commence par un rite culturel, revèle Hoàng Van Giang. Le chaman appelle les divinités pour leur demander s’il peut organiser la danse divinatoire".
Une fois l’autorisation reçue, la cérémonie peut débuter. Tout d’abord, chaque participant se munit d’un bambou. Les hommes, bambou à la main, dansent autour de l’autel.
"Nous sentons qu’il y a une force particulière qui nous demande de bien danser", affirme Dang Van Nam, un habitant de la commune de Ban Luôc, participant à la cérémonie. Les participants dansent enimitant la gestuelle d’une personne à cheval. Ils hennissent sous les applaudissements des spectateurs.
Toutefois, la scène la plus importante réside dans l’épreuve de l’eau bouillante. C’est un passage décisif pour savoir lequel sera reconnu par les esprits. "À la
suite de ce rituel, si l’un d’eux réussit alors il deviendra devin", déclare Hoàng Van Giang.
Ceux qui ne seront pas élus, considèrent cette cérémonie comme une rencontre festive. "C’est la première fois que j’assiste à une telle scène. Tout d’abord, j’ai eu extrêmement peur. Je ne comprenais pas pourquoi les hommes devaient boire de l’eau bouillante. Quel spectacle ! Je trouve cette fête magnifi que, mystérieuse et puissante", confie Lê Ngoc de Hanoï.
Les hommes participants dansent, un bambou en main, en hennissant. |
La danse divinatoire des Dao áo dài de Hoàng Su Phi a aussi provoqué des émotions inattendues sur les étrangers "Dès le début, je me suis senti bien. C’est en raison de l’atmosphère qui se dégage de cette région montagneuse. J’ai compris la force de cette cérémonie païenne d’où les montagnards tirent leur énergie", remarque Henry Eric, un Français.
Une cérémonie très protocolaire
Avant de démarrer le rituel, les participants doivent respecter certaines règles comme ne pas avoir de rapport sexuel avec leur femme, se laver les mains, ne pas toucher la viande...
En réalité, la majorité des hommes de l’ethnie Dao áo dài ont tous participé au moins une fois à l’apprentissage et à la pratique de ce type de danse. Ils sont convaincus que s’ils sont appelés par les esprits, alors ils seront en mesure de communiquer avec les divinités. Par exemple, si quelqu’un rêve ou voit quelque chose d’inhabituel, les Dao áo dài pensent immédiatement qu’il s’agit d’une mauvaise prémonition telle qu’une maladie ou un accident, etc. Dans ce cas, ils consultent un devin pour en comprendre l’origine.
"Mon grand-père m’a raconté que jadis, quand les habitants étaient malades, la famille allait chercher un chaman dans le but de trouver la cause de leurs maux. Cette coutume est toujours d’actualité. Ainsi, apprendre à devenir chaman, devin, constitue une coutume importante de notre ethnie", fait savoir Dang Van Nam.
Par ailleurs, les devins ne gagnent pas d’argent. Parfois, ils peuvent recevoir des présents (des produits locaux généralement) en guise de remerciement. "Nous pratiquons la divination, en d’autres termes, nous venons en aide à ceux qui en ont besoin. Par conséquent, à l’instar des fidèles, les devins sont très respectés, parce qu’ils aident les villageois à trouver l’origine de leurs problèmes", affirme Dang Van Nam.
Cette danse divinatoire est une expérience communautaire qui traduit la foi des Dao áo dài en les énergies et esprits de la nature.
Texte et photos : Phuong Mai/CVN