Le marché immobilier en pleine mue sous les difficultés

«Le marché de l’immobilier qui a connu cette année de fortes fluctuations connaîtra encore des difficultés l’année prochaine», a estimé le ministre de la Construction, Trinh Dinh Dung. Une déclaration qui n’est pas faite pour rassurer...


Le marché de l’immobilier est actuellement en plein marasme au Vietnam.


Le chantier de la Résidence Saigon, un ensemble d’appar-tements haut de gamme au centre de Hô Chi Minh-Ville, est aujourd’hui abandonné. Il n’est plus que piles de briques moisies et tiges de fer rouillées, gardées par une petite équipe d’agents de sécurité qui a transformé les fondations en parking pour motos.
Ce cas n’est pas unique : de fait, le marché de l’immobilier est actuellement en plein marasme au Vietnam. Pourquoi une telle situation ? Plusieurs causes, qui font dire aux spécialistes que 2013 sera en grande partie semblable à cette année.
Parmi celles-ci, c’est d’abord l’existence d’une certaine bulle spéculative de l’immobilier au Vietnam qui est en train d’éclater. Le pays est en effet en plein développement et, ces dernières années, tous les secteurs de son économie ont connu une forte croissance. Les investisseurs se sont précipités au Vietnam pour réaliser des projets de forte rentabilité, ce qui était d’autant plus aisé avec un marché du crédit bancaire lui aussi en plein essor. Exploitant la forte croissance du crédit, ils ont construit pour la plupart des immeubles haut de gamme pour maximiser les profits.
Mais la situation a bien évolué entre-temps. D’abord, la crise économique qui, finissant par rejoindre plus intimement le Vietnam, a entraîné un recul des ventes. Recul d’autant plus important que l’offre sur le marché - majoritairement des appartements haut de gamme, ne correspond pas à ce que souhaite la majorité des candidats à l’accession à la propriété.
C’est ensuite l’effet des politiques de rigueur du gouvernement destinées à améliorer les indicateurs macroéconomiques, à commencer par l’inflation, mais aussi faire face à la crise puis au ralentissement de l’économie mondiale. Parmi les conséquences qui en sont résultées, un tarissement du crédit dans ce secteur qui a remis en cause la pérennité des projets en cours comme la faisabilité de ceux en gestation, tarissement d’autant plus net d’ailleurs que les banques connaissent également leurs propres difficultés...
À ces causes conjoncturelles s’en ajoutent d’autres, plus structurelles : une gestion publique pas toujours à la pointe, des politiques pas toujours adéquates, une réglementation touffue...
Une bonne partie des constructeurs de logements s’est retrouvée en proie à de grandes difficultés. Le parc d’appartements ne trouvant pas acquéreur est devenu critique puisque, actuellement, il est de près de 70.000 logements dont 40.000 à Hô Chi Minh-Ville et 30.000 à Hanoi. Une mévente qui perdure en dépit de la forte baisse du prix du mètre carré sur le marché, laquelle constitue à son tour un nouveau problème en termes de retour sur investissement dans les opérations réalisées... Résultats, compte tenu de la situation sur le marché, les spécialistes estiment qu’il faudrait de 6 à 7 ans pour commercialiser le parc existant.
Quant aux projets en cours, nombre sont abandonnés faute de capitaux, tel celui de la Résidence Saigon, de même que ceux en cours de conception, à moins qu’ils ne soient ajournés sine die.
Alors 2013, marasme ou relance ?
C’est bien sûr la reprise qu’ils attendent et, à vrai dire, aujourd’hui la réponse est «oui, mais...» Il est clair en effet pour la plupart des spécialistes, gestionnaires et grandes institutions internationales que 2013 verra les difficultés économiques se poursuivre.
Le marché immobilier va donc «rester morose» au Vietnam : les prix continueront de baisser, ce tous segments confondus, à commencer par l’immobilier haut de gamme. C’est ce que considère Leon Cheneval, de l’agence Cushman Wakefield, mais pour une raison supplémentaire : l’offre ne correspond pas aux besoins du marché d’aujourd’hui. En effet, la majorité des gens, par choix ou par contrainte financière, ne s’intéressent qu’à des logements de petite ou moyenne superficie à des prix raisonnables.
Ainsi, de l’avis général des spécialistes, la morosité restera de mise, la reprise ne devant intervenir que vers la fin de 2013.

Le pays manque toujours d’une stratégie et d’orientations précises, notamment pour une meilleure adéquation entre les besoins réels et l’offre.

Toutefois, elle pourrait bien survenir plus rapidement. La crise mondiale et ses effets ne suppriment aucunement les grands potentiels du marché domestique, le besoin en logement demeurant particulièrement important.
Une possibilité qui implique cependant de régler certains problèmes. En effet, selon le vice-directeur du Département de gestion des logements et du marché immobilier du ministère de la Construction, Nguyên Trong Ninh, six facteurs limitent actuellement le développement du marché.
Parmi les trois premiers figure, d’abord, un financement défaillant sur le moyen comme le long terme, lourd de conséquence en raison des spécificités des entreprises et investisseurs de ce secteur. En effet, au Vietnam, ceux-ci ne recourent que faiblement au financement interne, ne pouvant engager en général que 15-20% de l’investissement nécessaire. Le solde fait l’objet d’un financement externe, principalement sous forme de crédit bancaire. Il en est de même à Hô Chi Minh-Ville pour 70,5% des projets de moins de 10 milliards de dôngs, 19% de ceux de 10 à 50 milliards, et 8% pour ceux de 50 à 200 milliards.
Si le gouvernement a déjà accordé une assistance aux constructeurs, notamment sous forme de politiques de taux d’intérêts préférentiels, cela n’est plus suffisant. Mais le système bancaire national, confronté à ses problèmes, est en cours de restructuration, rappelle Nguyên Van Hiêp, président de la compagnie GP Invest, et son achèvement prévu pour mi-2013 laisse espérer une relance du crédit au profit du secteur immobilier, et ce dans de meilleures conditions, ce qui favorisera directement la reprise de l’immobilier, analyse-t-il.
Ensuite, le cadre juridique de l’immobilier qui, en comprenant pas moins de dix lois et leurs textes d’application, est complexe, ce qui souligne la nécessité d’un toilettage... C’est déjà le cas pour certains textes, telle la loi sur le foncier.Enfin, le marché vietnamien manque toujours d’une stratégie et d’orientations précises, notamment pour une meilleure adéquation entre les besoins réels et l’offre.
En tout état de cause, il faut éviter d’être trop alarmiste comme le fait remarquer le secrétaire de l’Union de l’immobilier du Vietnam, Nguyên Thành Mai, pour qui il faut regarder le marché sous un angle positif.
En effet, c’est pour lui ni plus ni moins que la fin d’une première phase de l’essor de l’immobilier au Vietnam, avec tous ses errements spéculatifs. On assiste actuellement à une véritable mutation et réorganisation du marché qui en sortira plus sain et plus fort, répondant mieux aux besoins du pays.
Mutation, par exemple, en ce que davantage d’appartements accessibles au plus grand nombre seront construits. Réorganisation, avec la disparition - conformément à logique d’un marché pleinement concurrentiel - des entreprises les plus faibles qui n’étaient présentes que pour profiter du marché...
En d’autres termes, en réglant ses difficultés, le marché évolue vers davantage de maturité pour répondre efficacement aux exigences du développement socioéconomique du pays...

Thê Linh/CVN


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