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Un employé de Recyclivre, géant du secteur du livre d'occasion, range des ouvrages dans l'entrepôt de l'entreprise à Villabé, au Sud de Paris, le 29 mars. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Revendre les livres dont on ne veut plus était autrefois une activité artisanale. Elle s'est industrialisée avec Recyclivre, entreprise avec laquelle doivent composer les éditeurs.
Son fondateur David Lorrain a démarré très modestement en 2008, dans la cave de son appartement à Paris, un peu comme Jeff Bezos avait fondé Amazon en 1994 dans le garage de sa maison à Seattle (États-Unis).
Sa conviction aujourd'hui : "Tout livre se vend, du moment que le prix est le bon. Je me souviens que, quand j'ai commencé, j'avais une anthologie des nanars du cinéma français et je pensais que ça ne se vendrait jamais. Mais si, j'ai trouvé un acheteur".
C'était sur Amazon.fr, avec lequel Recyclivre entretient une relation ambiguë. Il en a besoin, car il vend encore beaucoup via cette plateforme, mais il en est concurrent, car il essaie d'attirer les clients sur son propre site internet. Celui-ci assure 30% de ses ventes aujourd'hui, contre seulement 10% en 2019.
Longs rayonnages
Sachant qu'Amazon prend une commission de 20%, "c'est mieux quand l'acheteur soutient une entreprise française à vocation sociale", souligne David Lorrain, en faisant visiter son entrepôt à Villabé, à 20 km au Sud de la capitale.
Par ici transitent des centaines de milliers de volumes, posés au hasard sur de longs rayonnages. Pas de classement spécial : là où il a été déposé, l'informatique sait qu'il se trouve, et envoie le magasinier au bon endroit.
Ce jour-là de la fin mars, il faut retrouver quelque 4.000 livres commandés. Ils sont empilés dans deux types de caisses : celles pour les clients qui ont commandé un seul livre, et celles pour ceux qui en ont commandé plusieurs.
D'autres employés les mettront dans des enveloppes ou des colis, prêts à être expédiés.
À l'autre bout de l'entrepôt a lieu un autre tri, celui de cartons de livres expédiés par des vendeurs. Il faut vérifier soigneusement leur état : "comme neuf", "très bon", "bon", "moyen", invendable. Les défauts sont photographiés, en prévision de contestations.
Recyclivre a atteint 10 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2022 et compte grimper à 11,5 ou 12 millions d'euros cette année. "Nos volumes augmentent, mais c'est aussi une croissance portée par une tendance inflationniste", précise le fondateur.
Concurrent aux éditeurs
"On est rentable depuis l'année 2, en 2010. Ça nous a permis de mettre en place un intéressement, calculé non pas selon le salaire, mais selon le temps dans l'entreprise", souligne-t-il aussi.
Un employé de Recyclivre, géant du secteur du livre d'occasion, range des ouvrages dans l'entrepôt de l'entreprise à Villabé, au Sud de Paris, le 29 mars. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le livre d'occasion est un concurrent aux maisons d'édition, qui voient arriver à prix réduit des titres récents. Exemple : le dernier Virginie Despentes, Cher connard, sorti en août, vaut 22 euros neuf, et 20,30 euros d'occasion sur Recyclivre. Il est encore moins cher chez certains concurrents comme l'allemand Momox ou La Bourse aux livres.
Le cabinet Xerfi estimait en 2020 ce marché de l'occasion à 888 millions d'euros. Celui du neuf a été de 4,3 milliards d'euros, d'après le cabinet GfK.
Les éditeurs préfèrent qu'on parle le moins possible du phénomène. Leur organisation professionnelle, le SNE, s'est battue pour que les internautes sachent le plus clairement possible s'ils achètent neuf ou d'occasion, au nom de la loi sur le prix unique du livre. Objectif atteint dans la loi sur l'économie du livre du 30 décembre 2021.
Ils ont aussi souhaité que les bibliothèques publiques ne puissent pas revendre les livres dont elles ne veulent plus. Finalement, elles le peuvent, à condition que ce soit à une entreprise à caractère solidaire. Recyclivre, qui recrute via des structures d'insertion, en est une.
AFP/VNA/CVN