La fabrication des livres de la Pléiade, un savoir-faire qui perdure

Une usine pour un papier ultrafin, une autre pour l’impression, une dernière pour la reliure et la décoration. La fabrication d’un volume de la Pléiade est un processus industriel et artisanal de haute précision.

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La couverture en cuir d’un volume de la Pléiade des romans de John Steinbeck à l’usine Ateliers Baouot, à Lagny-sur-Marne, près de Paris.
Photo : AFP/VNA/CVN

John Steinbeck vient de faire son entrée, plus de 60 ans après son prix Nobel, dans la fameuse Bibliothèque dont le catalogue forme un Panthéon des lettres.

Depuis la création de la collection en 1931, intégrée aux Editions Gallimard en 1933, la maquette n’a pas bougé.

Format poche, papier bible opacifié, caractères Garamond, couverture cuir avec dos doré à l’or fin, étui blanc. Les Pléiades sont immédiatement reconnaissables.

“L’exigence” dans la qualité de fabrication est un terme qui revient souvent chez le directeur de production de Gallimard, Pascal Lenoir. “Le lecteur de la Pléiade s’attend à ce que son volume acheté en librairie soit parfait”, souligne-t-il.

Réimpressions sur des décennies

Cela se termine dans l’usine Ateliers Babouot à Lagny-sur-Marne, à l’est de Paris, par le coup de main qui glisse le volume de 1.664 pages dans un étui cartonné blanc. Sous une photo de l’auteur, “John Steinbeck” en rouge, “Romans” en noir.

Et cela commence par la fabrication du papier à la Papeterie du Léman, près du lac du même nom, à Publier (Haute-Savoie). Cette usine, quand elle a commencé à travailler pour la Pléiade, appartenait au groupe Bolloré, qui l’a revendue en 2009. Ce rival de Gallimard dans le secteur de l’édition voit encore son nom imprimé en fin de volume. Le précieux papier est signé Bolloré Thin Papers, qui a peu à peu supplanté d’autres fournisseurs.

Une machine y travaille, à la commande, quelques fois par an seulement. Pour le volume de John Steinbeck, c’était début décembre.

“La machine à papier N°4, c’est celle qui produit entre autres le papier pour Gallimard, qu’on appelle dans notre gamme le Bible 36 chamois”, explique le responsable de production Ivan Fourmond.

La Bibliothèque de la Pléiade existe depuis 1931. 
Photo : AFP/VNA/CVN

Trente-six grammes par mètre carré, couleur chamois (une nuance du jaune proche du beige). “Elle fait à peu près 80 m de long, du début à la fin, sur trois étages, puisqu’il y a énormément d’étapes pour fabriquer une feuille de papier”, ajoute-t-il. De gros rouleaux sortent de cette machine, parfaitement lisses et uniformes.

Direction le site de Normandie Roto Impression, en périphérie d’Alençon, à 800 km de là. Il est le seul qui ait la confiance des éditions Gallimard.

“La bobine, le papier vierge rentre dans le groupe d’impression. On imprime recto-verso et on imprime en deux cahiers de 48 pages, c’est-à-dire qu’on imprime 96 pages en une rotation du groupe d’impression”, informe en janvier son directeur général Christophe Pillon.

Le résultat est vérifié par l’œil humain. L’alignement des blocs de texte entre recto et verso doit être impeccable.

Ces cahiers posés à plat partent pour la dernière étape, chez Babouot. Ils vont commencer par y reposer dans l’entrepôt de l’usine. Sur 3.700 m², celui-ci compte en réserve quelque 300 auteurs différents dont les œuvres sont prêtes à être reliées de nouveau.

Car la Pléiade est un cas quasi unique de réimpressions s’étalant sur des décennies. “Nos machines doivent se plier à l’exigence de Gallimard” et “l’opérateur doit s’adapter aux machines de différentes époques”, souligne Marie-Amandine Erika, technicienne de fabrication.

Cuir de Nouvelle-Zélande

Installé près des bords de Marne depuis un demi-siècle, le lieu est volontairement humide. Ce papier bible garde plus de souplesse et de régularité dans une hygrométrie plutôt élevée.

Un volume de la Pléiade réclame trois semaines de fabrication, entre la sortie d’entrepôt des cahiers imprimés et le produit fini. On traque dès l’origine défauts d’impression ou de pliure. Les cahiers sont assemblés avec du fil de couture en coton, ensuite collés ensemble, dotés d’une page de garde, maintenus dans une “mousseline”, enfin massicotés.

Il faut ensuite leur adjoindre la fameuse couverture cartonnée habillée de cuir. Les peaux venues de moutons de Nouvelle-Zélande sont tannées et teintes en France.

À chaque époque ou siècle sa couleur : havane pour le XXe, donc Steinbeck. Quelle sera celle des auteurs du XXIe ? “On ne le sait pas encore nous-mêmes...”, répond Hélène Ladégaillerie, directrice de production chez Babouot.

Les dos sont décorés à l’or 23 carats, avec des fers qui appliquent les rayures horizontales caractéristiques de la collection. Pour 260.000 exemplaires par an, Gallimard consomme quelque 45 kg du métal précieux. Une machine applique à ces dos la courbure appréciée des bibliophiles.

Contrôlé et recontrôlé à chaque étape, chaque volume est achevé à la main quand il reçoit sa jaquette plastique transparente en rhodoïd, est inséré dans son étui, puis placé ensemble en carton.

Les quatre romans de Steinbeck réunis peuvent partir chez le diffuseur, puis en librairie. Au début de l’introduction, page IX, le lecteur découvrira ces mots de 1939. “Je n’ai jamais voulu être un écrivain populaire”.

AFP/VNA/CVN

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