Le hat cua dinh renaît de ses cendres

Le hat cua dinh, ou chant de culte, constitue le fondement même du ca trù, art musical classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Peu de gens connaissent ce chant qui a presque disparu au cours de ces 60 dernières années. Mais c’était sans compter sur l’opiniâtreté de Bùi Trong Hiên, chercheur à l’Institut culturel et artistique du Vietnam, et de ses collaborateurs, qui ont réussi à restaurer la pratique de ce chant rituel.

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Un spectacle de hat cua dinh interprèté par le maître Nguyên Phu De (droite) et l'artiste d'élite Dô Quyên.

C’est en septembre 2014 que Bùi Trong Hiên a démarré ses recherches sur le hat cua dinh, littéralement «le chant qu’on interprète devant la maison communale», en français. La maison communale est l’un des deux espaces de représentation du ca trù, l’autre étant le cabaret, lieu de rencontre élégante des lettrés mélomanes. Pour commencer, Bùi Trong Hiên est allé chercher Nguyên Phu Dê, l’unique professionnel du ca trù encore en vie à s’être produit dans ces deux espaces. Ce joueur de dan day, luth à trois cordes, est une référence en termes de règles musicales du ca trù.

Fin 2016, ses recherches individuelles ayant donné lieu à un projet plus conséquent, Bui Trong Hiên s’est officiellement vu confier, par l’Institut culturel et artistique du Vietnam, la réalisation d’un «projet de préservation du ca trù à Hanoï suivant une nouvelle approche». Début 2017, il a créé un groupe de ca trù à Phu Thi, une commune de la banlieue est de Hanoï, qu’il allait former aux règles musicales qui lui avaient été communiquées par le maître Nguyên Phu Dê.

Ce processus d’apprentissage entre le chercheur Bùi Trong Hiên et le maître Nguyên Phu Dê aura été un vrai travail de fourmi. Chaque fois qu’il réussissait à collecter ou reconstituer une œuvre de hat cua dinh, il allait la montrer au maître pour en évaluer le degré d’authenticité. Mais Bùi Trong Hiên a surtout pris le temps de retranscrire le système musical de ce chant rituel.

«Autrefois, les musiciens apprenaient par pure intuition, mais moi, j’ai pu réaliser une notation musicale des mesures et des temps tels qu’ils m’ont été appris par le maître, nous dit-il. À mon tour, j’ai reproduit toutes ces valeurs musicales par des schémas et des compositions pour faciliter la compréhension de mes élèves. Le ca trù est un genre musical singulier caractérisé par une très forte continuité des mesures et des temps. Pour bien l’interpréter, il n’y a pas d’autre moyen que d’intérioriser son schéma.»

Étude des musiques traditionnelles

Bùi Trong Hiên, chercheur à l’Institut culturel et artistique du Vietnam, qui a réussi à restaurer la pratique de hat cua dinh.

Les recherches minutieuses de Bùi Trong Hiên lui ont permis de synthétiser la théorie du ca trù, et plus spécifiquement du hat cua dinh, son fondement musical, qui était jusque là transmise uniquement par voie orale. Désormais, les pratiquants de cet art peuvent savoir à quelles normes se référer. Pour le professeur associé Luong Hông Quang, directeur adjoint de l’Institut culturel et artistique du Vietnam, Bùi Trong Hiên et ses collaborateurs auront trouvé une nouvelle approche efficace dans l’étude des musiques traditionnelles.

«Le projet de préservation et de valorisation du ca trù à Hanoï consiste à apprendre à des chanteurs et des musiciens les mesures et les temps de cet art traditionnel, en leur faisant comprendre sa structure musicale, nous explique-t-il. Cet enseignement est bien sûr bien plus efficace que la transmission orale basée uniquement sur des expériences personnelles qui prévalait jusqu’à présent. Nous nous focalisons sur la restauration du hat cua dinh qui a disparu depuis longtemps. Maintenant, les membres du groupe de ca trù de Phu Thi peuvent interpréter ce chant comme l’ont fait nos prédécesseurs.»

En plus de la restauration et de la pratique, Bùi Trong Hiên et ses collaborateurs ont publié un album de hat cua dinh présentant des œuvres représentatives du répertoire. Certaines n’ont pas été entendues depuis 60 ans. Bùi Trong Hiên a réussi à définir le style de jeu de plusieurs grands noms du ca trù du XXe siècle, ce qui devrait faciliter l’apprentissage des générations futures. Pour le professeur associé Vu Nhât Thang, ancien chef du département de Théorie de musiques traditionnelles à l’Académie nationale de musique du Vietnam, il s’agit d’un travail colossal.

«Bùi Trong Hiên aura réussi un ouvrage de recherches sophistiqué et de très grande qualité, estime-t-il. Il l’a fait avec précaution et méthodologie. Il faut que l’Institut culturel et artistique et l’Association des arts folkloriques du Vietnam aident à publier largement les résultats de ses recherches.»

Le 14 novembre, le projet de préservation du ca trù à Hanoï suivant une nouvelle approche a officiellement atteint son terme. Toutes les connaissances du ca trù en un siècle ont été synthétisées en une théorie fondamentale. Le patrimoine ancestral pourra donc continuer d’exister et d’être transmis.


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