Le Premier ministre Nguyên Tân Dung vient d’enjoindre la SCIC (State Capital Investment Corporation) de déter-miner les modalités et la date du retrait de l’État de dix grandes entreprises publiques. Il s’agit, à tout le moins, d’un message particulièrement fort de sa volonté d’intensifier la restructuration du secteur public économique, pour les intéressés comme pour le reste du monde des affaires.
Premier trimestre 2015, Vinamilk a réalisé un résultat net de 6.830 milliards de dôngs. |
«Après des années d’efforts, que l’on peut qualifier de discontinus, d’actionnarisation de ses entreprises publiques, cette récente impulsion du Vietnam semble qu’il est prêt à céder ses participations et à stimuler son marché boursier», analyse le 21 octobre le CNBC (Consumer News and Business Channel) du groupe américain NBC Universal News. «Cette initiative a été prise la semaine dernière, lorsque le gouvernement a ordonné à la SCIC de céder la participation de l’État au capital de dix grandes compagnies, dont Vinamilk, la plus grande société cotée du pays», a précisé le CNBC.
Vinamilk, une société en très bonne santé
Premier trimestre 2015, Vinamilk a réalisé un résultat net de 6.830 milliards de dôngs - plus de 313,5 millions de dollars - pour une croissance de 12,6% sur un an, et acquis 70% du capital de Driftwood Dairy, une société américaine du même secteur. «Vinamilk est le groupe que tout le monde au Vietnam veut posséder», a indiqué récemment Kevin Snowball, directeur général de PXP Vietnam Asset Management. Avant de faire remarquer : «Cela va se vendre au prix fort». Outre Vinamilk dont l’État détient 45,1% du capital, parmi les autres sociétés concernées figurent le producteur de logiciels FPT Corp (FPT), les compagnies Bao Minh Insurance Corp (BMI), Tiên Phong Plastic Co (NTP) et Binh Minh Plastic Co (BMP).
Les analystes pensent que ces opérations devraient être bouclées dans le courant de l’année prochaine. Selon eux, cette mesure, avec celles de relèvement ou de suppression du plafond de participation au capital d’entreprises domestiques d’acteurs étrangers, qui devraient également être effectives l’an prochain, vont donner un véritable coup de fouet au marché boursier vietnamien. La SCIC a déjà annoncé la planification de tels retraits de dix grandes entreprises publiques dont huit cotées en bourse, cessions qui pourraient dégager près de 4 milliards de dollars pour le Trésor public. «Ce serait clairement positif en termes d’accessibilité au marché», ont indiqué les analystes du Crédit Suisse dans une note de la semaine dernière. «Le désengagement de l’État - concrètement, de la SCIC chargée de la gestion de ces avoirs au nom de l’État - de telles sociétés cotées augmentera significativement le volume de titres en circulation, et donc les activités boursières. Ceci, conjugué au relèvement du plafond de participation des acteurs étrangers, pourrait conduire à une augmentation notable de la présence de ces derniers au Vietnam», ont-ils estimé.
Une ouverture significative
Fondée en 2006, la SCIC gère actuellement les capitaux de l’État dans plus de
500 entreprises de nombreux secteurs allant des services financiers à la production de biens de consommation, en passant par l’énergie, l’informatique, les télécommunications, le transport et la santé. On peut aussi remarquer que cette mesure est l’aboutissement des politiques de renouvellement et de développement des entreprises publiques lancées au début des années 90, reconnaissant l’effectivité de celles-ci. Elle se cumule avec une autre mesure conséquente remontant à l’affaire Vinashin, celle de retrait de tous les investissements des entreprises publics dans les secteurs ne relevant pas directement de leur objet social, ce qui représente au bas mot près de 17.000 milliards de dôngs des fonds étatiques. Une ouverture significative, donc et aussi...
Le processus de restructuration demeure lent et ne répond pas aux attentes, selon le vice-Premier ministre Hoàng Trung Hai. |
Toutefois, il a fallu, sensibilité des investisseurs oblige, que le ministère des Finances signifie officiellement que ce désengagement de l’État n’avait strictement rien à voir avec une pression du règlement de la dette étrangère. De facto, cette mesure était envisagée depuis longtemps par le gouvernement. Selon Trân Huu Tiên, directeur du Département des finances d’entreprises, la SCIC est une compagnie qui a pour objet social de gérer les biens publics de nature financière, y compris par leur cession proprement dite. En l’état, rien n’empêche de céder ces participations dans des secteurs économiques dans lesquels les entreprises privées ont déjà démontré leurs capacités, sinon de pures considérations d’opportunité. En revanche, la SCIC retient certains domaines impliquant par nature une large présence de l’État comme les secteurs de la santé et des infrastructures.
Justesse de la politique d’actionnarisation
Tenir les rôles qui lui sont dévolus implique de l’État une restructuration en profondeur de l’ensemble du secteur public économique, au moins dans le sens d’un retrait partiel, afin de répondre aux impératifs d’une économie de marché. L’outil majeur de cette restructuration - il y en a d’autres - est l’actionnarisation. Une telle opération est le moyen le plus sûr de désengager l’État de l’entreprise au profit d’autres acteurs économiques, mais aussi de changer de culture d’entreprise afin de tenir son nouveau rôle.
L’actionnarisation permet également de faire rentrer au capital des investisseurs, notamment stratégiques, qui vont lui apporter financement, nouvelles technologies et savoir-faire. Elle permet aussi de liquider les filiales et unités non rentables ou accusant de trop lourdes pertes. Enfin, ces opérations donnent lieu généralement à des politiques gouvernementales de soutien de la formation et de l’apprentissage professionnel, y compris de reconversion du personnel surnuméraire. Ces entreprises actionnarisées accèdent alors à un niveau supérieur de rentabilité et de compétitivité, tel que cela a été constaté depuis le lancement de la restructuration du secteur.
Fin septembre dernier, le nombre d’entreprises publiques transformées en compagnies par actions était de 340. |
La restructuration s’est accélérée en privilégiant les actionnarisations dans les segments de l’industrie, du commerce, du transport et de la construction, tout en veillant à un renouvellement effectif des technologies comme des capacités en termes de ressources humaines. Enfin, pour désengager davantage l’État, l’étude des entreprises publiques susceptibles de faire l’objet d’une actionnarisation doit être poursuivie.
2015 est la dernière année du projet de réorganisation des entreprises publiques pour la période 2011-2015. Il prévoit l’actionnarisation de 432 entreprises. Seulement 143 l’ont été en 2014, selon les dernières données du Comité central de pilotage de renouvellement et de développement des entreprises. À la fin de septembre 2015, le nombre d’entreprises étatiques transformées en compagnies par actions est de 340.
Lors d’une réunion fin juin dernier de ce Comité, son président, le vice-Premier ministre Hoàng Trung Hai, a constaté que le processus de restructuration demeurait lent et ne répondait pas aux attentes. Selon lui, l’une des raisons tient à la négligence des dirigeants des entreprises concernées, et il a demandé une collaboration plus étroite entre les ministères, les autorités locales et les entreprises afin d’accélérer le processus.
Thê Linh/CVN