Le Génie de Gióng, un mythe vivant de Hanoi

Chaque printemps, au 9e jour de la 4e lune, le mythe du Génie de Gióng renaît au village suburbain Phù Dông avec une fête populaire haut en couleur.

On fait appel à des centaines de jeunes gens pour reconstituer la bataille du héros céleste contre les envahisseurs étrangers Ân, épopée perdue dans la nuit des temps. Les participants, surtout de femmes travesties en guerrières Ân, et les commandants (hiêu) sont sélectionnés avec soin et astreints à de rigoureux interdits. Le 6e jour du 4e mois, une procession porte l'eau sacrée du puits devant le Temple de la Déesse Mère (dên Mâu) au temple du Génie. Le 9e jour, au cours de la cérémonie du sacrifice, ont lieu les chants sacrés du quartier d'Ai Lao. Ensuite se déroule la danse des oriflammes qui évoque l'évolution du combat. Les 10e, 11e et 12e jours, sont organisées les cérémonies des drapeaux, de la victoire et du sacrifice au Ciel, et à la Terre.

La légende de Gióng est le premier récit populaire qui exalte la lutte contre les envahisseurs étrangers, constante de l'histoire du Vietnam. Le Génie de Gióng dont les exploits remontent à l'époque de la formation de l'identité nationale, inaugure la lignée des héros défenseurs du pays dont les noms (les Sœurs Trung, Dame Triêu, Ly Thuong Kiêt, Trân Hung Dao, Lê Loi, Quang Trung...) désignent les rues principales de Hanoi.

Voici l'histoire du Génie de Gióng dans l'imaginaire du peuple :

Sous le règne du 6e roi Hùng, une invasion des Ân ravagea le pays. Ce n'était partout qu'incendies de villages, massacres de populations. Partout les roulements des tambours de guerre se mêlaient aux cris des victimes.

Le roi envoya de tous côtés des messagers chargés de découvrir le héros capable de sauver la Patrie.

À cette époque vivait à Ke Dong une femme qui n'était plus très jeune mais encore célibataire. Un jour, traversant le jardin planté d'aubergines, elle vit l'empreinte énorme d'un pied d'homme. On ne sait pourquoi, elle eut l'idée de comparer l'empreinte avec la sienne. À peine eut-elle posé son pied, qu'elle éprouva une étrange sensation.

À quelque temps de là, elle s'aperçut qu'elle était enceinte. Honteuse, elle abandonna son village natal pour aller vivre dans la forêt. Au bout de 12 mois, elle mit au monde un beau garçon.

Comme elle avait la nostalgie du pays, elle y revint avec l'enfant et se mit à cultiver de nouveau des aubergines et à pêcher crabes et escargots pour subvenir à ses besoins et à ceux de son petit "Gióng".

Courageuse, elle faisait face à tout, mais une chose cependant l'attristait. Gióng, qui allait sur ses 3 ans, ne parlait ni ne riait. Toute la journée, il restait immobile à l'endroit même où on l'avait posé.

Le jour où le héraut royal traversa le village, à peine les porte-voix s'étaient-ils tus que le bébé, se levant brusquement, appela :

- Ma mère, voulez-vous inviter le messager du roi à entrer quelques instants ici ?

La mère, toute heureuse, appela le messager.

- Retournez aussitôt à la Cour et priez le roi de faire fondre pour moi un cheval, un fouet, une armure et un casque de fer et je me charge d'anéantir l'envahisseur.

L'envoyé, quoique surpris, fit son rapport au roi. Le roi donna aussitôt l'ordre aux forgerons de travailler nuit et jour pour forger les armes et le cheval exigés par Gióng.

Depuis son entrevue avec le messager du roi, l'enfant grandissait à vue d'œil. Il engloutissait chaque jour des marmites de riz de plus en plus importantes et ses vêtements tous les soirs craquaient aux coutures. Sa mère, n'ayant plus assez de riz et d'aubergines, tout le village l'aida à nourrir Gióng.

Quand le cheval fut achevé, on l'amena au village. Mais Gióng frappant légèrement l'animal sur le dos, celui-ci s'effondra et les forgerons, honteux, l'emportèrent.

Ils revinrent avec un cheval 2 fois plus grand et plus lourd. Cette fois encore sous la main de Gióng, il s'aplatit. Gióng, riant, leur dit :

- Il me faut un cheval avec tous ses organes cœur, foie, poumons, entrailles.

Le roi, pour trouver du fer, fit arracher des pans entiers à la montagne et des milliers d'ouvriers jour et nuit activèrent la forge.

Au jour fixé pour le départ, le village offrit à Gióng un repas composé de 7 vans de riz cuit, et d'aubergines salées. Gióng eut tôt fait d'avaler le tout. Puis il se leva et on le vit grandir démesurément.

Les forgerons poussèrent à grand-peine le cheval de fer. Gióng coiffa le casque, mais l'armure se révéla trop petite et craqua. Les enfants du village bouchèrent les fentes avec des fleurs de roseau.

Alors, prenant le fouet de fer, Gióng sauta sur le cheval qui, avec un long hennissement, s'élança. De ses naseaux jaillirent des flammes.

L'ennemi était alors stationné à Trân Son.

Gióng, sur son cheval au galop, brandit son fouet et entra dans la masse des soldats qui tombèrent comme chaume coupé. Les survivants s'enfuirent. Gióng les poursuivit. Mais son fouet soudain se brisa. Alors Gióng arracha sur son passage des bouquets de bambous.

Tous les ennemis furent exterminés ou dispersés.

Gióng, ayant soif, attacha son cheval à un arbre et, s'approchant d'un puits, le vida entièrement.

Abandonnant près du puits le fouet brisé, il galopa jusqu'à la montagne Soc Son où il déposa armure et casque avant de grimper sur l'arbre le plus haut. Il contempla une dernière fois la terre natale, puis sur son cheval de fer, remonta au ciel.

Le roi fit élever au héros sauveur de la Patrie, un temple à Ke Dong même et lui décerna le titre de "Prince Céleste de Phù Dông". Ce temple existe toujours au village de Phù Dông. Au pied de la colline de Soc Son et dans tous les lieux où Gióng est passé, on vous montre les traces des sabots de son cheval. Ce sont aujourd'hui des étangs circulaires qui se suivent. Quant aux bambous qui poussent dans la plaine, ils conservent la couleur jaune de l'espèce nommée Dang Nga. Cette couleur proviendrait du feu que rejetaient les naseaux du cheval de feu. Ce feu brûla même un village nommé encore aujourd'hui "Chay" (Village brûlé) dans la province de Hà Bac. Chaque année, le 9e jour du 4e mois lunaire, une grande fête commémore le jour anniversaire de la victoire de Gióng sur les envahisseurs.

La pérennité d'un mythe se mesure à la survivance des pratiques folkloriques et à la création de nouvelles manifestations populaires qu'il inspire. La croissance miraculeuse de l'enfant-géant Gióng est devenue un symbole de progrès rapide, de prospérité bouleversante, de force et d'énergie. Depuis 1983, le Génie Phù Dông (de Gióng) a été baptisé Patron des Olympiades scolaires, d'un vaste mouvement de gymnastique et de sport qui mobilise des milliers d'élèves des écoles primaires. Nombre d'entreprises industrielles, de maisons de commerce, de restaurants utilisent le label "Phù Dông" (Gióng). Un restaurateur donne ce nom à ses nem, crêpes de riz fourrées et frites, spécialité vietnamienne de réputation internationale.

Huu Ngoc/CVN

(17/07/2010)

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