Le dernier des scribes publics de Hô Chi Minh-Ville

Aujourd’hui, à l’ère Internet, un seul clic de souris et hop, proches et amis ont de vos nouvelles instantanément, où qu’ils soient sur le globe ou presque. Mais les inconditionnels du support papier font de la résistance, tentant de préserver un peu d’humanité dans nos sociétés informatisées.

L’écrivain public Duong Van Ngô, qui officie à la Poste centrale à Hô Chi Minh-Ville est là pour satisfaire les désirs des inconditionnels du support papier. Assis derrière un bureau au beau milieu de la Poste centrale, un vieil homme, petites lunettes de lecture sur le nez, chemise blanche et chevelure qui l’est tout autant, consulte avec sa loupe des dictionnaires et un petit carnet qui, à en croire son état a beaucoup servi. Chaque jour, il aide les gens à écrire des lettres à leurs proches et amis. Il est le dernier Saïgonnais à exercer le métier d’écrivain public. Il est aussi le doyen de cette profession, comme l’atteste le Centre du livre des records du Vietnam.

M. Ngô aide les gens à écrire des lettres à leurs proches et amis.
Photo : Quang Châu /CVN


Un parcours professionnel sans heurts
Cet homme, le voici : Duong Van Ngô, 82 ans. D’un ton grave qui tranche avec la légèreté du timbre de sa voix, il nous raconte ce qui l’a amené à exercer cette profession qui fait aujourd’hui figure de relique. Extraits.
Il commence à travailler à la Poste de Saigon (Poste centrale aujourd’hui) à l’âge de 16 ans. Un an plus tard, il y officie en qualité de secrétaire journalier. Puis, à 22 ans, bac en poche, il devient agent à titre officiel au sein de l’établissement. Après la libération de Saigon, la Poste centrale créé un groupe d’écrivains publics. Et à l’époque, Duong Van Ngô est le plus jeune à parler et écrire couramment l’anglais et le français. Le temps passant, ses collègues partent petit à petit à la retraite. C’est en 1990, alors qu’il est le seul à tenir encore le flambeau, que son heure sonne à son tour. Mais le passionné qu’il est le pousse à demander aux dirigeants de la Poste centrale de lui donner l’autorisation de rester pour perpétuer ce métier menacé de disparaître.
Et cela fait maintenant 22 ans que M. Ngô continue d’exercer son métier de scribe. Avec une ardeur et un perfectionnisme assumés et revendiqués, il rédige des lettres en français et en anglais pour ses clients. «Les jeunes de nos jours ne savent plus ou n’écrivent plus - ou presque - de lettres. Pour moi, la lettre est une culture écrite à préserver et valoriser. Elle instaure une forme de respect, tant pour le destinataire que pour l’envoyeur», affirme-t-il, toujours d’un ton grave.

Équipements de l’écrivain public Duong Van Ngô.


Des secrets bien gardés
M. Ngô ne sait pas combien de lettres il a écrites au cours de sa carrière. En effet : «Une fois une lettre achevée, je l’oublie immédiatement et pas question de révéler son contenu ! Parce que les gens m’ont fait confiance, je dois en être digne. Je dois aussi montrer que je suis quelqu’un d’instruit», notifie-t-il, tel un grand sage. C’est aussi la règle d’or de son travail : ne jamais révéler le nom, l’âge ou les coordonnées de ses clients. Ses dizaines d’années passées à exercer la profession d’écrivain public lui ont laissé quelques souvenirs impérissables et émouvants. À l’instar de cette mère qui a parcouru plus d’une centaine de kilomètres depuis la province de Binh Phuoc à Hô Chi Minh-Ville pour lui demander de rédiger une lettre à son enfant et petits-enfants partis vivre à l’étranger, ce juste pour les informer de l’état de santé de leurs proches. «Souvent, les gens font appel à mes services pour demander ou emprunter de l’argent à un proche à l’étranger. Mais cette dame a effectué un long trajet pour une seule et louable raison. C’est quelque chose qui mérite le respect», confie-t-il, méditatif.
Aujourd’hui octogénaire, M. Ngô ne compte pas s’arrêter de sitôt : «Ici (la Poste centrale), c’est plus joyeux qu’à la maison ! Chacun a son travail, et j’ai aussi mon métier. Pourquoi devrai-je m’arrêter alors que je me porte encore comme un charme ?», s’amuse-t-il. «Malgré mon âge, et en plus d’essayer de combler mes descendants, mes amis, je peux encore donner un coup de main à des gens que je ne connais pas. Cela me rend heureux, tout simplement», conclut-il avec un clin d’oeil lancé du haut de ses lunettes. La passion et l’humilité, n’est-ce pas cela les vraies valeurs de l’Humanité ?

Diêu An/CVN

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