Le delta du Mékong pourrait disparaître sous les eaux en 2100

Élévation du niveau de la mer, salinisation des sols, érosion des terres…, le delta du Mékong, "grenier à riz" du Vietnam, pourrait disparaître sous les eaux dans une centaine d’années si une solution adéquate n’est pas trouvée.

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Affaissements de terrain dans le district de Châu Phu, province d’An Giang (delta du Mékong).

Ces dernières années, les phénomènes météorologiques extrêmes ont été de plus en plus fréquents, provoquant des pertes de revenus à des milliers d’agriculteurs du delta du Mékong. Des chercheurs de l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas ont mis en garde contre le risque de disparition quasi complète sous l’eau du delta du Mékong en 2100.

Une situation qui ne cesse de s’aggraver

En effet, les provinces comme Soc Trang, Hâu Giang, Cà Mau, et même la ville de Cân Tho, doivent faire face actuellement aux affaissements des sols et même aux inondations urbaines. Récemment, de nombreux quartiers de la ville de Cân Tho ont été submergés en raison de pluies torrentielles et de marées de vives-eaux.

"Jamais cela n’avait été aussi grave. Il s’agit clairement des effets du dérèglement climatique. Si l’une solution n’est pas trouvée,  la vie et les biens des habitants seront menacés", partage Nguyên Trung Thành, directeur d’une compagnie de matériaux de construction. Dans les provinces de Kiên Giang, Bac Liêu, Cà Mau… plusieurs tronçons sur les côtes à l’est et à l’ouest se sont affaissés de 30 à 100 m par an.

Selon le Professeur Dào Trong Tu, du Centre de conseils et de développement durable des ressources en eau et d’adaptation au changement climatique, la salinisation des terres est un autre problème. Dans la plupart des embouchures, l’eau salée a pénétré de 50 à 70 km à l’intérieur de la terre influant sur près de 40% de la superficie du delta. Avec comme conséquence 200.000 ha de rizières et de vergers endommagés, 155.000 foyers manquant d’eau douce. Chaque jour, le delta du Mékong perd une superficie équivalant à un quart d’un terrain de football.

Des études de l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas montrent que ces 25 dernières années, le delta a été touché par un affaissement moyen du sol de

18 cm, de 2,5 cm chaque année dans  certaines localités, soit dix fois de plus que la vitesse de montée du niveau de la mer.

Causes et mesures à déployer

L’exploitation intensive des eaux souterraines, combinée à la hausse du niveau de la mer dû au changement climatique - qui se produit plus rapidement que prévu -, est la cause principale de cet affaissement. D’après le Comité populaire de la province de Soc Trang, l’exploitation des eaux souterraines au service de la vie quotidienne atteint 100.000 m3 par jour ; et 400.000 m3 dans la province de Bac Liêu. Nguyên Hoà Binh, un expert sur le changement climatique, précise que la perte d’eau souterraine réduit la pression sur la structure géologique souterraine. En outre, l’augmentation de 3 à 4 mm par an du niveau de la mer, le poids des structures artificielles construites en plaine, le déclin du volume de sédiments en amont et la compression naturelle sont également des facteurs contribuant à la perte de terrains.

En outre, actuellement, près de 150 barrages hydroélectriques sont construits ou déjà mis en service dans les pays du haut Mékong, sans compris des projets de transport de l’eau du Mékong vers les bassins d’autres rivières. Cette situation a fait chuter le volume d’alluvions de 26 millions de tonnes par an à 7 millions de tonnes, et augmenter l’érosion des rives.

Une forêt de protection dans le district de Hon Dât, province de Kiên Giang (delta du Mékong).

Le delta représente 12% de la superficie totale du pays et concentre 19% de sa population. Il possède un réseau dense de rivières et canaux, et recèle des atouts dans l’agriculture, l’industrie alimentaire, le tourisme et les énergies renouvelables.

Le delta est le plus grand centre de production agricole du pays avec 95% de sa production de riz et 60% de celle de poissons destinés à l’exportation. Pourtant, il est l’un des quatre deltas du monde les plus vulnérables au changement climatique.

La salinisation des sols, l’affaissement ou l’érosion des terres provoquent de lourds dégâts, de l’ordre de 500 millions à un milliard d’USD chaque année dans l’aquaculture. Elles influent aussi sur les moyens d’existence de 14 millions de professionnels des secteurs de  l’agriculture et de l’aquaculture.

Afin de limiter les risques, les experts estiment que le Vietnam devrait renouveler ses méthodes de gestion et d’utilisation des ressources en eau. "On doit trouver des solutions adéquates afin de ralentir l’affaissement par le biais de mesures de limitation d’exploitation des eaux souterraines ou du sable. Il faut renforcer la surveillance de l’utilisation des ressources en eau dans l’ensemble du bassin. Les données doivent être actualisées continuellement pour trouver des scénarios adéquats", recommande le Docteur Nguyên Hoà Binh.

"Il faut édifier des bases juridiques de coopération internationale par le biais du Comité du Mékong et d’autres organisations internationales dans l’utilisation raisonnable des ressources en eau des six pays du bassin du Mékong", ajoute-t-il.

Pour le Professeur Vu Trong Hông, ancien vice-ministre de l’Agriculture et du Développement rural, il est nécessaire d’élaborer une stratégie de développement du delta prenant en compte le risque de submersion. En outre, des politiques d’assistance aux habitants touchés sont indispensables.

Huong Linh/CVN

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