Le dàn bâu dans la culture vietnamienne

Le dàn bâu est considéré comme le plus original des instruments de musique traditionnelle du Vietnam. Il fait partie de la culture vietnamienne depuis des centaines d’années, dont le son magnifique fascine les Vietnamiens comme les étrangers. Il est un héritage musical important de la nation.

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Le +dàn bâu+, monocorde vietnamien.

Le dàn bâu est attaché depuis longtemps à la culture et à l’identité vietnamienne. Autrefois, il permettait aux chanteurs aveugles de gagner leur vie. Aujourd’hui, il accompagne de nombreux artistes sur les scènes internationales, charmant toujours toutes sortes de publics.

«Beaucoup d’étrangers utilisent l’expression +le «pays du dàn bâu»+ ou + le «terrain du dàn bâu» lorsqu’ils parlent du Vietnam», fait remarquer l’«Artiste du Peuple» Nguyên Tiên.

Un instrument au dessus du lot

Il existe plus de dix types de monocordes dans le monde entier, mais on ne les trouve, pour l’essentiel, qu’en Asie, en Afrique et en Europe du Sud. Il existe ainsi le dàn bâu au Vietnam, l’ichigenkin au Japon, l’ektar en Inde, le tushuenkin en Chine, l’orutu au Kenya et en Ouganda, ou encore le gusle en Serbie, en Croatie et au Monténégro, selon Nguyên Binh Dinh, directeur l’Institut national de musique du Vietnam.

C’est cependant le dàn bâu qui est considéré comme le plus original de ses tous ses congénères, pour sa structure extrêmement simple. Grossièrement, l’on pourrait dire qu’il ressemble à une calebasse. «Par rapport aux monocordes des autres pays, le +dàn bâu+ est davantage unique», souligne Nguyên Tiên. «Il représente néanmoins l’âme, les caractéristiques et la langue du peuple vietnamien».

«Si nous devions choisir un instrument pour représenter la musique traditionnelle vietnamienne, afin de promouvoir l’image de notre pays, notre choix se porterait sur lui, de toute évidence», affirme Nguyên Binh Dinh.

D’une longueur de plus d’un mètre, le dàn bâu est fait de matériaux courants. Il consiste en une longue chape de bambou ou de bois, de forme rectangulaire, et d’une tige de bambou sur laquelle est attachée une corde de soie ou de métal qui rejoint la caisse sur une cheville de bois. Dans le passé, la corde était faite de fibres.

«Il produit une large gamme de sons. Comme ceux-ci privilégient principalement les harmoniques, il possède un timbre beau, profond et séduisant. Il sait parfaitement exprimer la tristesse ou la joie, et plus généralement toutes les gammes de sentiments de l’instrumentiste, et par conséquent, de son public», explique Nguyên Thi Thanh Tâm, ancienne directrice du Département des instruments traditionnels de l’Académie nationale de musique du Vietnam.

Le +dàn bâu+ fait partie de la culture vietnamienne depuis des centaines d’années, et sa musique rayonne d’une forte vitalité.

Avec sa clarté et sa brillance, ses grandes capacités de glissando et un son mélancolique, le dàn bâu évoque une nostalgie profonde chez ceux qui vivent loin de leur Patrie. Ses sons plaintifs suscitent aisément des souvenirs de bruissements des forêts de bambous, des rizières, des petits ruisseaux et de l’atmosphère de vieux temples, rappelant une enfance paisible à la campagne.

Les légendes, les histoires et le passé

Il n’y a aucune transcription historique de la naissance du dàn bâu. Mais beaucoup de légendes et d’histoires sont encore contées et transmises de génération en génération sur la façon dont il est venu au peuple vietnamien.

Selon la légende, dans un village pauvre de la campagne, un couple vivait avec leur vieille mère. Le fils, Truong Viên, fût appelé à joindre l’armée, et sa femme, Thi Phuong, prit soin de sa belle-mère. Quelques années passèrent, et Truong Viên n’était toujours pas revenu. Thi Phuong et sa belle-fille errèrent de région en région pour le retrouver. Malheureusement, les deux femmes croisèrent une bande de voleurs, et se firent tout voler. La jeune femme a même été aveuglée. Mère et belle-fille durent alors mendier pour survivre. Un jour, touchée par la piété de Thi Phuong, une fée lui donna un monocorde et lui apprît à en jouer. Après, les deux malheureuses vagabondèrent en s’engageant dans une vie de chanteuses de rue, interprétant des œuvres traditionnels accompagnés d’un monocorde. Au passage, c’est une des raisons pour lesquelles le hat xâm, ou chant des aveugles, un art populaire apparu au XIIIe siècle, et le dàn bâu, sont toujours intimement associés.

L’existence du dàn bâu est, bien sûr, mentionnée dans d’anciens documents historiques. Le Kiên van tiêu luc, un livre sur la littérature, la géographie et l’histoire du Vietnam du lettré et haut fonctionnaire nordiste Lê Quy Dôn (1726-1784), rapporte : «Dans une cour, il y avait souvent dix hommes et dix femmes assis au sol en deux rangs. Des instruments, dont des + dàn tì bà+ (luth à quatre cordes), + dàn tranh+ (cithare à seize cordes) et +dàn bâu+, étaient utilisés pour interpréter des œuvres aux mélodies ressemblant à de la musique ancienne».

Sur la base de l’œuvre de Lê Quy Dôn, de nombreux érudits estiment que des instruments à cordes tels que le dàn tì bà, le dàn tranh et le dàn bâu sont apparus au Vietnam vers le XIIIe siècle, confie le Professeur de musique Nguyên Thanh Hà.

«La naissance du +dàn bâu+ demeure un mystère. Mais des érudits affirment qu’il s’agit bien d’un instrument indigène du Vietnam, apparu avant le XIXe siècle», précise Nguyên Binh Dinh.

Un pan de l’histoire de la musique

«Le +dàn bâu+ fait partie de la culture vietnamienne depuis des centaines d’années, et sa musique rayonne d’une forte vitalité. Son existence est l’expression vivante de l’identité culturelle vietnamienne», a indiqué le Professeur de musique Thanh Tâm.

Selon Hoàng Yên, auteur de l’article «La musique à Huê : Dàn nguyêt et Dàn tranh» publié dans le Bulletin des Amis du vieux Huê en 1919, le dàn bâu a été apporté à Huê (Centre) par des chanteurs des aveugles hat xâm, du Nord, pour satisfaire certains mandarins progressistes et passionnés de sons clairs et vibrants de cet instrument singulier.

À la fin du XIXe siècle, le roi Thành Thai (1879-1954) aimait la musique jouée sur le dàn bâu. Reconnaissant le symbolisme de cet instrument vietnamien, il décida de remplacer le đàn tam thâp luc (cithare à 36 cordes) par le dàn bâu dans l’orchestre de la Cour royale qui comprenait cinq instruments de musique : le dàn tranh, le dàn ti bà, le dàn nhi (violon à deux cordes), le dàn nguyêt (luth-lune) et le dàn bâu.

Aujourd’hui, l’instrument accompagne de nombreux artistes sur les scènes internationales.

Depuis les années 1950, des troupes de dàn bâu ont été fondées, et de nombreux artistes ont recherché des moyens de développer cet instrument. Ils ont commencé à promouvoir le rôle du monocorde vietnamien en solo, selon Thanh Tâm. «1956 a été une année marquante pour le +dàn bâu+ : l’Académie nationale de musique du Vietnam - la première école musicale du pays - a organisé des classes de +dàn bâu+ et d’autres instruments traditionnels qui ont été inclus dans le programme d’enseignement de l’académie», a-t-elle ajouté.

Les meilleurs œuvres interprétées, comme Vì miên Nam (Pour le Sud), Tinh quê huong (Nostalgie du lieu natal) - ont été parmi les mélodies préférées durant les années 1960 et 1970.

L’instrument était aussi étroitement lié à la vie des soldats sur les champs de bataille. «Chaque fois que le pays était pris par les bombes et les guerres, la radio diffusait des mélodies de +dàn bâu+ sur les ondes de la Voix du Vietnam, et ces mélodies ont toujours été un grand encouragement pour les soldats sur le front», a informé l’artiste Kim Anh.

Il est un élément indispensable de la scène musicale vietnamienne, et occupe une place unique sur les scènes musicales nationales et internationales.

La passion des étrangers pour l’instrument

Le Français Sylvain Streiff a connu cet instrument unique par sa femme. Il a passé deux années, de 2013 à 2015, à apprendre à en jouer au Vietnam. Il est revenu en octobre dernier pour organiser de petits programmes musicaux avec en vedette cet instrument traditionnel. «J’ai choisi le +dàn bâu+ parce qu’il est tout à fait spécifique au Vietnam», a-t-il partagé.

Sun Jin, étudiant chinois de l’Académie nationale de musique du Vietnam, a écrit dans sa thèse de doctorat : «Le +dàn bâu+ est un instrument unique du Vietnam et il a longtemps été joué pour enrichir la vie spirituelle des Vietnamiens».

«Il y a de plus en plus de personnes - des Vietnamiens comme des étrangers - qui sont intéressés à apprendre à jouer de cet instrument», a déclaré le musicien Nguyên Tiên, ce n’est pas difficile par ailleurs. Il contribue à comprendre de manière plus approfondie l’âme et les caractéristiques du peuple vietnamien».

Afin de préserver les valeurs de cet instrument traditionnel et de les développer davantage, l’artiste Bùi Lê Chi, du Département des instruments traditionnels de l’Académie nationale de musique, a recommandé de sélectionner et de former de jeunes talents, ainsi que d’accorder des primes et autres soutiens financiers, pour encourager les artistes à s’engager davantage dans la composition.

«Les organismes compétents doivent se coordonner pour constituer un dossier de reconnaissance de cet instrument par l’UNESCO en tant que patrimoine mondial de l’Humanité», a conclu Tô Ngoc Thanh, président de l’Association des arts folkloriques du Vietnam.


Thuy Hà/CVN

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