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Une classe de ching kram. |
Une classe de ching kram. |
Le ching kram se joue à plusieurs, chaque musicien étant muni d’un tube. Il faut savoir par contre qu’un ensemble de ching kram est composé d’un nombre impair de tubes de bambou : 5, 7, 9… et cela peut aller parfois jusqu’à 19, chaque tube correspondant à une hauteur de son différente. Sa fabrication nécessite une grande précision, nous explique Aê Ap, qui est un maître artisan du district de Cu Mgar, dans la province de Dak Lak. Il faut en effet chercher dans la forêt de vieux bambous aux tailles appropriées, les couper en morceaux de 29 à 45cm de longueur et de 7 à 9cm de diamètre, nous précise-t-il.
«Ces morceaux de bambou doivent être bien séchés au soleil, jusqu’à ce qu’ils donnent les sons voulus», nous dit-il. «Le diamètre doit être le même mais la longueur diffère en fonction de la hauteur à laquelle doit correspondre le tube. Après avoir coupé et taillé les tubes, il faudra deux personnes pour vérifier que le son est bien celui qui est recherché».
Chaque tube produit un son différent, ce qui exige du fabricant des oreilles très fines et des mains habiles. Mais cela ne suffit pas. Après la taille, il faudra cinq mois d’acclimatation pour que l’instrument révèle sa sonorité définitive. À ce moment-là, le fabricant réajuste le son en raccourcissant le tube ou en en taillant l’embouchure. «Autrefois, bien avant la naissance des gongs en cuivre, les Êdê avaient déjà su créer leur ching kram», dit avec fierté Ami Hroi, un autre maître artisan de Cu Mgar.
«Le ching kram est une pure innovation Êdê», nous explique-t-il. «Je l’adore, il est petit mais donne des sons puissants. Le gong en cuivre, lui, est plus cher et aussi bien plus difficile à jouer».
Plus modeste, le ching kram produit néanmoins autant de sonorités et de rythmes que le gong en cuivre. La simplicité du matériau et du jeu en font surtout un instrument plus populaire, nous affirme Aê Zim, un artisan du district de Cu Kuin, toujours dans la province de Dak Lak : «On ne joue du gong en cuivre que lors des cérémonies de culte ou de funérailles», nous indique-t-il. «En revanche, il n’existe aucune restriction pour le ching kram, on en joue quand on veut et il peut interpréter autant de mélodies que le gong. De plus, pour posséder un gong, il faut l’acheter alors que beaucoup peuvent fabriquer eux-mêmes leur ching kram».
Capable de toutes variations, le ching kram crée non simplement une musique distrayante après des heures de travail mais aussi un langage magique reliant les humains au monde spirituel. C’est pourquoi malgré toute modernisation sociétale, cet instrument au jeu collectif continue de rythmer la vie des Êdê et de les unir.