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Le chef autodidacte Marc Meneau dans la cuisine de son restaurant L'Espérance à Vezelay. |
"J'ai appris sa mort par des proches. Le village exprime une profonde tristesse", a déclaré Christian Guyot, le maire de Saint-Père-sous-Vézelay (Yonne), village familial de Marc Meneau où il avait implanté son restaurant. "Il avait créé quelque chose de très grand. C'était un grand monument", a ajouté le maire du village de quelque 300 habitants proche d'Avallon.
Pour l'Élysée, "la gastronomie, la Bourgogne et la France perdent aujourd’hui un de leurs meilleurs ambassadeurs et les chefs français sont nombreux à lui tirer leur toque". Emmanuel Macron a présenté ses condoléances "à sa famille et ses proches, à tous ceux que sa cuisine avait réjouis et inspirés". L'un des derniers souhaits du chef, qui souffrait d'un cancer et était hospitalisé à Auxerre, aura été "un saucisson brioché", a témoigné le député UDI de l'Yonne, André Villiers, qui avait rendu visite à son ami la veille de son décès. Sous perfusion, le chef a "regardé ses poches qui le nourrissaient et il m'a dit : ce dont je rêve, c'est un saucisson brioché", a déclaré M. Villiers.
"Il symbolise l'arrachement à sa prédestination", a estimé le député : "fils de bourrelier, il perd son père très tôt mais il s'arrache à une condition qui semble le maintenir dans la modestie, grâce au travail", souligne M. Villiers. "Je n'ai jamais été en apprentissage dans les grandes maisons et j'ai appris la cuisine dans les livres", aimait à raconter le chef autodidacte, qui était né le 16 mars 1943.
"J'ai passé mes premières vacances à la bibliothèque des Cuisiniers de Paris, recherchant des recettes authentiques et les conseils des grands maîtres. Aujourd'hui encore, c'est dans les livres que je puise mes idées. Quand on est autodidacte, on ne sait pas tout faire, mais on ne peut pas tricher", racontait-il dans un portrait-interview publié sur son site officiel.
"Marc Meneau restera pour toujours une référence de la gastronomie française moderne", a réagi Gwendal Poullennec, directeur des Guides Michelin. "Roi des associations produits nobles-produits pauvres, et oscillant avec subtilité entre tradition et innovation, Marc Meneau avait le talent d'imaginer des recettes aujourd'hui passées à la postérité : de l'huitre en gelée d'eau de mer au cromesquis de foie gras en passant par les pommes de terre au caviar", a-t-il ajouté.
Marc Meneau disait être venu à la cuisine par "amour" pour son épouse Françoise, fille de restaurateurs bourguignons. Il avait repris le café-épicerie de sa mère Marguerite, à Saint-Père-sous-Vézelay, qu'il transforme vite en restaurant. C'est là qu'il obtient sa première étoile au guide Michelin, en 1972. La reconnaissance lui donne la possibilité de voir plus grand : il crée dans le même village L'Espérance, qui devient vite un des hauts lieux de la gastronomie.
Serge Gainsbourg et le musicien Mstislav Rostropovitch y auront leur rond de serviette. La deuxième étoile est décrochée en 1975, puis la troisième en 1983, année où Marc Meneau est élu "Meilleur cuisinier français de l'année" par Gault et Millau. Esprit novateur, il se lance dans des repas en tubes ou miniaturisés. C'est l'un des premiers grands chefs à planter un potager bio.
Il perd cependant une étoile en 1999. Il la récupérera cinq ans plus tard mais, en 2007, sa société est placée en liquidation judiciaire. Il réussit une première fois à rouvrir L'Espérance mais une seconde liquidation survient en 2015. Un an plus tard, le restaurant emblématique est racheté par le groupe Hôtel & Food Disrpt Partners.
Le groupe avait promis une réouverture de L'Espérance en 2019 mais "les projets n'ont pas encore abouti", a précisé le maire de Saint-Père. "C'est dramatique", a regretté le député André Villiers. "La société repreneuse avait annoncé 15 millions d'euros d'investissements mais il ne se passe rien. L'Espérance est aujourd'hui à tous les vents".
AFP/VNA/CVN