Le bétel face à la modernisation

Si la pratique de mastication du bétel n’est plus aussi populaire que par le passé, elle reste présente dans le rituel des cultes et garde toujours sa valeur symbolique.

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Bétel et noix d’arec sont indispensables lors des cérémonies de fiançailles et de mariage au Vietnam.
Photo : CTV/CVN

Prenez une feuille de bétel, un quartier de noix d’arec, un petit morceau de racine d’artocarpus, une pointe de chaux éteinte et mâchez lentement ! La mastication de la chique au goût amer-piquant vous donne une certaine ivresse qui active la circulation sanguine, fait briller les yeux de la femme, colore en rose ses joues et fonce le rouge de ses lèvres. Au bout d’une dizaine de minutes, on crache une salive vermeille de saveur âcre et le résidu avec.

La médecine traditionnelle trouve dans le bétel des vertus préventives et curatives. Antiseptique, il chasse la mauvaise haleine, prévient la carie dentaire et les rhumatismes, calme les douleurs gastro-intestinales, sert d’emplâtre contre les furoncles et enlève les boutons de chaleur.

Une valeur de symbole

Plus qu’un ingrédient médical ou un stupéfiant genre haschisch ou marijuana, le bétel a pris chez nous, depuis des siècles, valeur de symbole. Symbole de fidélité conjugale, d’union fraternelle et de convivialité. Symbole né d’une très vieille histoire que le peuple vietnamien s’est transmise de génération en génération.

Bétel en forme de phénix.
Photo : ST/CVN

Le bétel a profondément marqué notre culture traditionnelle au plan sacré comme profane… Il fait partie des offrandes culturelles déposées aux occasions solennelles sur l’autel des génies ou des ancêtres, en même temps que l’eau pure, les fleurs et l’alcool de riz. Quand on recevait quelqu’un, on l’invitait à prendre une chique de bétel et une tasse de thé avant d’engager la conversation. Le bétel exprimait le respect quand il était présenté aux supérieurs, le remerciement quand il était remis aux participants à un mariage ou un enterrement.

Les femmes surtout mâchaient du bétel toute la journée. Elles portaient avec elles un petit sac de chiques attaché à leur ceinture.

Quand vous avez accepté la chique de bétel offerte par une personne, vous êtes lié à elle par le "nghia" - obligation, dette morale. Selon une vieille chanson populaire, "cela vous engage à la saluer chaque fois que vous la rencontrez".

La pratique devient très sérieuse quand il s’agit de relations entre filles et garçons. Les parents prudents conseillaient à leur fille : "Une jeune fille ne doit pas chiquer du bétel offert par un inconnu".

Quand une jeune fille offrait une chique de bétel à un jeune homme, c’est un message qu’elle lui envoyait, exprimant par là son vœu secret :

"Puissé-je devenir noix d’arec,
Puissiez-vous être transformé en gaine d’aréquier pour m’envelopper au fil des heures"
.

Ou bien, c’était un tendre reproche à l’indifférent :

"Du bétel, j’en ai, mais hélas pas d’arec !
C’est à toi de me colorer les lèvres en rouge"
.

(Chanson populaire)

Une vaste aire culturale et culturelle

Lors de la Fête de Lim à Bac Ninh (Nord), avant leur représentation de "quan ho" (chant alterné), les chanteuses offrent aux invités des chiques de bétel.
Photo : CTV/CVN

Point n’est étonnant que le bétel ne peut manquer lors des cérémonies de fiançailles et de mariage. Il fut un temps où la famille du fiancé devait offrir à celle de sa future femme deux ou trois mille feuilles de bétel accompagnées de quelques centaines de noix d’arec.

La pratique du bétel a subi un premier recul au cours des 80 années d’occupation française. En ville, les mœurs s’étaient plus ou moins occidentalisées. On ne se laquait plus les dents en noir, en conséquence, on ne mâchait plus de bétel.

Après la Révolution d’Août 1945 qui a mis fin à la colonisation française, la guerre et les rapides transformations sociales ont bouleversé la société traditionnelle sans épargner les campagnes. À l’heure actuelle, seules des Vietnamiennes de plus de 60 ans chiquent du bétel, surtout dans les villages. Le commerce de noix d’arec et de bétel, jadis prospère, dépérit.

La nouvelle vague de modernisation, accentuée par le raz-de marée de la mondialisation, annonce-t-elle la mort de la chique de bétel ?

Je crois que non. On chique de moins en moins, mais le bétel reste présent dans le rituel des cultes et garde sa valeur symbolique. Les mariages snobs les plus occidentalisés ne peuvent se dispenser du bétel et de noix d’arec.

Quel est le sort réservé au bétel chez d’autres peuples marqués par la culture du bétel ? Car l’aire culturale et culturelle du bétel dont G. Lebrun a dressé une carte d’extension englobe une vaste région du Sud-Est Asie-Pacifique avec le Dekkan indien, le territoire chinois au sud du Yangtsé, l’actuelle entité Sud-Est Asie, les archipels de Micronésie et Mélanésie.

Huu Ngoc/CVN
(Mars 2003)

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