L’adaptation française de Kim Vân Kiều : plus qu’un théâtre musical !

Pendant une semaine, le public vietnamien et étranger à Hô Chi Minh-Ville et Hanoï a assisté à trois représentations issues de l’adaptation de Truyện Kiều (en français Kim Vân Kiều) du poète Nguyên Du par l'Attrape Théâtre à Paris. Plus qu’un théâtre musical, Kim Vân Kiều est le pont culturel entre le Vietnam et la France.

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Le chant de Kiêu (Sarah Bloch, gauche) et de Hoan Thu (Odile Heimburger).

Le Centre de la littérature de Hô Chi Minh-Ville, l’Institut d’échanges culturels avec la France (IDECAF) et l’Institut français de Hanoï (L’Espace) ont fait salle comble lors des trois représentations de Kim Vân Kiều les 20, 21 et 25 septembre. Des moments inoubliables pour le public qui a découvert cette adaptation du chef-d’œuvre du grand poète Nguyên Du par une troupe française, pour la première fois en théâtre musical.

Kim Vân Kiêu raconte la vie de Kiêu, une jolie femme de l’Ancien régime qui doit se sacrifier pour sauver sa famille. Adapté par le groupe Hông Linh et présenté au public parisien en 2017, le spectacle Kim Vân Kiều a reçu de nombreuses distinctions. Son metteur en scène, Christophe Thiry, aussi directeur du Théâtre Attrape à Paris, a décidé d’apporter cette histoire aux spectateurs vietnamiens.

"Dès le début, j’ai senti très vite la nécessité de travailler avec tous les domaines artistiques : repartir les dramaturgies, couper les scènes,... +Truyện Kiều+ contient de l’humour, de la légèreté, de la profondeur, de la poésie, de la tendresse et même de la cruauté... Un grand ouvrage qui porte des valeurs universelles !", explique Christophe Thiry.

Au-delà des barrières culturelles

Kim Vân Kiều reprend la version originale vieille de plus de deux siècles dans son intégralité. Mais au départ, les artistes ne comprennent pas immédiatement les différences culturelles entre les deux pays. Certes, la troupe a essayé de réécrire certaines scènes "pour que l’histoire soit claire, et compréhensible par tous", précise le comédien Pascal Durozier.

"On a été régulièrement confronté à des incompréhensions et des malentendus d’un point de vue de la moral, des traditions, de la société et des relations familiales dans cette histoire, raconte le bassiste et comédien Nicolas Simeha, qui joue So Khanh. Au début, j’étais un peu fermé dans mon interprétation. Maintenant, j’essaie de faire passer plus d’émotions, percevoir ce qui me touche dedans."

Le comédien Nicolas Simeha chante "Dạ cổ hoài lang" en vietnamien.

L’une des grandes particularités de cette pièce théâtrale, est le décor extrêmement minimaliste à l’exception des instruments de musique. Selon Christophe Thiry, ce choix a été inventé par le metteur en scène anglais Peter Brook, qui souhaitait concentrer l’attention du public uniquement sur les gestes et la narration.

Outre le piano, la guitare basse, la contrebasse et le chant, les deux musiciens vietnamiens Mai Thanh Son et Mai Thành Nam ont apporté à l’orchestre les instruments traditionnels tels que le đàn nguyệt (luth vietnamien), le đàn bầu (monocorde), les phách (cliquettes en bambou), ou le trống da trâu (tambour de peau de buffalo). Ils ont aussi contribué à la fusion entre la musique traditionnelle vietnamienne et le jazz contemporain.

"Nous respectons l’idée initiale de la troupe, mais la plus grande difficulté est notre distance géographique. Nous aidons les artistes français à prononcer correctement le vietnamien. Personnellement, pour aider Nicolas [Simeha] à chanter, j’ai dû aussi apprendre l’accent du Sud", exprime Mai Thanh Son.

"Nous sommes une équipe mixte, donc nous cherchons à exprimer nos émotions via la musique. Nous avons apporté notre savoir-faire et partagé nos avis sur chaque scène, chaque personnage", souligne l’artiste Sarah Bloch qui interprète Kiêu, le personnage principal.

Un échange multidimensionnel pour les artistes

Les représentations de 2017 dans la capitale parisienne ont permis à la troupe de se forger une réputation. Les artistes comprennent le besoin du public, et pour eux, Kim Vân Kiều répond aussi à leur propre besoin artistique. "Le public français était heureux, même si culturellement, nous avons peu de points communs. En fait, en tant qu'artistes, nous adorons et recherchons la folie comme celle de +Kim Vân Kiêu+", exprime Christophe Thiry.

La mort debout de Tu Hai.

Parmi les spectateurs, il y avait quelques Vietnamiens curieux de la littérature et de la musique traditionnelle. Cependant, jouer Truyện Kiều devant un public vietnamien, et en plus sous le format du théâtre musical était risqué. Le public initial de cette pièce "est les Occidentaux qui ne connaissent pas l’ouvrage de Nguyên Du". En fait, la troupe "n’a rien changé par rapport à la version parisienne".

Mais finalement, la réaction du public vietnamien étonne tous les artistes. "À Hô Chi Minh-Ville, les gens étaient très émus, certains spectateurs ont pleuré. Ça m’a énormément touché. À Paris, la communauté vietnamienne a aussi bien réagi, le public français a beaucoup aimé, mais a été étrangement moins réactif qu’ici", raconte la comédienne Odile Heimburger, qui joue Hoan Thu, la femme jalouse.

"C’est une soirée très enrichissante, une sorte d’échange culturel Vietnam-France. Les artistes sont tous polyvalents : ils jouent, ils dansent, ils chantent. Aujourd’hui, il y a énormément de monde, ce qui prouve que les Vietnamiens adorent ce genre de performance théâtrale", partage Pham Lê Huy, ancien étudiant de France, à la fin du spectacle du 25 septembre à l’Espace.


Le metteur en scène Christophe Thiry (tunique rouge) avec les artistes, le 25 septembre à l’Espace - Institut français de Hanoï.

Le succès de Kim Vân Kiều montre que la porte reste ouverte aux artistes étrangers dans l’interprétation des chefs-d’œuvre vietnamiens. "Les choses n’arrivent jamais par hasard. Cet ouvrage ne m'étonne pas si l’Europe le découvre récemment. En même temps, on est devant plusieurs questions sur l’existence et la fragilité de l’humanité. Et cette œuvre nous ramène à cette réalité", confirme le metteur en scène Christophe Thiry.

"La coopération que nous souhaitons mener ici est révélatrice, c’est-à-dire construire des ponts entre la culture française et la culture vietnamienne à travers des programmations culturelles", souligne Thierry Vergon, directeur de l’Institut français de Hanoï, qui confirme l’organisation dans un proche avenir, de nombreux projets de collaboration entre les artistes vietnamiens et français.

Texte et photos : Dang Duong/CVN

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