Dông Hô, des estampes et des hommes

Les estampes populaires de Dông Hô sont nées dans un petit village de la province septentrionale de Bac Ninh. Cette région rizicole densément peuplée a beaucoup d’atouts sur le plan culturel, à commencer par les célèbres estampes de Dông Hô, résultat d’un savoir-faire unique apprécié depuis des siècles.

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Les visiteurs à la découverte de la production des estampes de Dông Hô.

La famille de l’artisan Nguyên Huu Qua se situe au bord de la rivière Duông, dans le village de Dông Hô, commune de Song Hô, district de Thuân Thành, province de Bac Ninh. C’est une des rares familles de ce village encore spécialisée dans la production des estampes de Dông Hô. Le salon de la famille, d’une superficie de 25 m2, est considéré comme un petit musée des estampes de Dông Hô avec des dizaines d’œuvres de différentes dimensions suspendues jusqu’au plafond de la chambre.
L’artisan Nguyên Huu Qua, d’une apparence simple, reste toujours accessible aux visiteurs. Il leur raconte l’histoire des estampes de Dông Hô avec tout son enthousiasme. Selon lui, ces estampes sont du même acabit que celles de Hàng Trông dans le Vieux quartier de Hanoï et de Kim Hoàng, en banlieue de la capitale. Autrefois, les estampes de Dông Hô étaient vendues pour les besoins du Têt. Les habitants collaient ces peintures sur les mûrs pour décorer leur maison à l’occasion du Nouvel An lunaire. Une belle tradition des Vietnamiens du delta du fleuve Rouge. Aujourd’hui, c’est devenu un loisir pour les passionnés des arts populaires.
«La production des estampes de Dông Hô remonte à très longtemps», affirme M. Qua, avant d’ajouter que sur une stèle érigée dans la maison commune du village au XVIe siècle, on peut voir l’image de deux rats qui égrugent du riz. «C’est une preuve tangible que les estampes de Dông Hô sont nées durant ce siècle et se sont développées jusqu’à maintenant», souvient-il.
Les estampes traduisent les rêves des paysans

Les estampes de Dông Hô reflètent la vie spirituelle et matérielle des habitants.

Toutes les étapes de la production des estampes sont réalisées entièrement à la main, fruit de la dextérité, de la patience et du sens esthétique des artisans. Les estampes de Dông Hô reflètent la vie spirituelle et matérielle des habitants vivant dans le delta du fleuve Rouge. Elles traduisent les rêves pluriséculaires des travailleurs d’une famille en harmonie et d’une société fondée sur l’égalité et le bonheur. En ce sens, les estampes de Dông Hô ont largement contribué à la préservation des valeurs culturelles traditionnelles du pays.
«La vitalité des estampes de Dông Hô s’explique par le contenu de chaque œuvre. Malgré des difficultés évidentes qui ont bien failli leur être fatales au cours de l’histoire, la production de ces estampes perdure et se perpétue, contre vents et marées», estime M. Qua.
Les estampes de Dông Hô s’articulent principalement autour de cinq grands thèmes qu’elles expriment par des symboles culturels forts. Le premier montre le souhait des habitants d’avoir une vie meilleure, avec les oeuvres sur la famille des coqs et celle des cochons. Le 2e thème reflète les scènes de la vie quotidienne comme par exemple, une famille harmonieuse dans l'œuvre intitulée Recueil des noix de coco. L'autre image, intitulée Combat de jalousie, montre au contraire un couple en désaccord. Le 3e thème est réservé aux événements historiques, exaltant les héros du pays qui menèrent des batailles courageuses pour protéger le pays. Le 4e thème est dédié aux histoires célèbres comme celle de Kiêu ou de Thach Sanh. Pour le 5e et dernier thème, les peintures décrivent la vie spirituelle des habitants.
Une technique d’impression spéciale

L'artisan Nguyên Huu Qua retouche les œuvres.

Quant à ces couleurs, brillantes et vivantes, elles proviennent de produits 100% naturels. Par exemple, le rouge est obtenu à partir de graviers rouges, le vert, à partir des feuilles, le jaune, à partir du sophora du Japon, le blanc, à partir de la nacre de mollusques bivalves de la famille des +Pectinidae+. Enfin, le noir est obtenu à partir des cendres de feuilles de bambou et de paille de riz gluant.
Les estampes de Dông Hô sont imprimées sur le papier Diêp, un papier spécial. Les producteurs prélèvent puis réduisent en poudre la nacre de ces fameux bivalves puis la mélange à de la colle de riz. Ce mélange est ensuite enduit sur le papier do, fait à partir d’écorce d’un arbre tropical appelé «rhamnoneuron».
Les artisans utilisent une technique de gravure pour fabriquer les estampes. Chaque gravure, présentée sous forme de planche, correspond à une couleur. Ce qui explique le fait que le nombre de couleurs sur une estampe équivaut au nombre de gravures utilisées. «L’impression respecte le principe suivant : les couleurs fortes comme le rouge et le vert seront imprimées d’abord, puis les couleurs plus légères comme le jaune et le blanc, et enfin, le noir», explique l’artisan.
On rêve d’une nouvelle vitalité des estampes

Nguyên Huu Qua restaure les gravures.

«Autrefois, tout le village vivait de la production des estampes. Mais au fil du temps, le métier s’est peu à peu perdu. À présent, seules quelques familles poursuivent la production des estampes traditionnelles, ce qui est, vous en conviendrez, bien dommage», regrette Nguyên Huu Qua. Beaucoup de gravures anciennes des estampes de Dông Hô ont été égarées ou abimées. Soucieux de la préservation du métier traditionnel du village, l’artisan Nguyên Huu Qua n’est pour autant pas fataliste. Il espère bien voir dans les prochaines années les estampes de Dông Hô retrouver leur vitalité.
Pour tenter de réussir son pari, il se focalise sur la restauration et la production des gravures. Un travail qui nécessite du temps et des efforts pour rendre vivants les détails figurant dans les gravures. «Actuellement, je possède quelques 1.000 gravures anciennes et nouvelles. Je n’ai pas beaucoup de gravures anciennes, environ 100 planches, mais certaines ont été faites il y a 200 ans ou plus. Pour une datation précise, il faut mener des examens scientifiques», précise-t-il.
Les estampes de Dông Hô font partie des trésor des beaux-arts du pays. Ces estampes traditionnelles sont d’ailleurs classées au patrimoine culturel immatériel national, preuve, s’il était encore besoin de le souligner, de leur valeur inestimable.

Texte et photos : Vân Anh/CVN

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