La Tunisie tente de sauver sa saison avec le tourisme russe

"La nécessité de travailler est plus forte que la peur d'être contaminé", confie Aymen Abdallah, surveillant une plage de sable fin quasi déserte à Sousse, station balnéaire tunisienne où seuls des touristes russes ont commencé à débarquer, en plein reconfinement.

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Contrôle sanitaire à l'arrivée de touristes européens à l'aéroport international Enfidha-Hammamet, àproximité de la ville tunisienne de Sousse, le 22 mai.
Photo : AFP/VNA/CVN

Engluée dans la crise sociale, la Tunisie tente de sauver ce qui peut l'être d'une saison touristique qui s'annonce plombée -une de plus- par la mauvaise situation sanitaire.

"Si nous ne travaillons pas, nous mourrons de faim", souligne Aymen, lunettes de soleil et masque. Ce maître-nageur trentenaire est soulagé de reprendre après huit mois sans travail dans une industrie qui n'en finit plus d'essuyer les tempêtes depuis une décennie.

Le 29 avril, le pays a rouvert ses frontières aux tours opérateurs, qui transportent la majorité des vacanciers séjournant en Tunisie. Pourtant, les décès liés au COVID-19 venaient d'atteindre un pic, et la hausse des hospitalisations laissait craindre une pénurie d'oxygène, au point que le pays a décrété un nouveau confinement d'une semaine début mai.

Depuis, jusqu'à dix vols par semaine atterrissent à l'aéroport d'Enfidha, qui dessert les villes touristiques comme Hammamet et Sousse, essentiellement en provenance de Russie et d'Europe de l'Est.

D'ordinaire marginale par rapport aux contingents d'Europe occidentale, cette clientèle avait déjà joué les bouées de sauvetage après les attentats de 2015 au musée du Bardo et à Sousse (60 morts dont 59 touristes), qui avaient mis à genou ce secteur crucial de l'économie.

Mais on est encore bien loin du compte : les recettes globales ont baissé de 54% par rapport à la même période de l'an dernier, pourtant déjà marquée par la pandémie. L'écart est de plus de 60% par rapport à 2019, avec 144 millions d'euros au 10 mai, contre 404 millions d'euros il y a deux ans.

"C'est vide"

"D'habitude, toute la plage est remplie, là c'est vide", abonde Aymen.

Les hôtels ne sont autorisés à fonctionner qu'à 50% de leur capacité, et peinent à atteindre cette jauge.

"Avec une occupation de l'hôtel à seulement 30%, il n'y a pas de gain", déplore Adel Mlayah, directeur adjoint du Mouradi Palace.

Une patrouille de la police tunisienne sur une plage de Sousse, le 22 mai.
Photo : AFP/VNA/CVN

L'hôtel, qui embauche habituellement 260 à 270 employés, n'en a recruté cette année que 110 à 120.

Si certains pays d'Europe de l'Ouest ont mis en place des restrictions de voyages, des touristes russes, tchèques ou polonais font fi de la pandémie.

"Il n'y a pas tant de pays où nous pouvons aller. La Turquie a fermé ses frontières, c'est pourquoi nous avons choisi la Tunisie", explique Andrej Radiokove, arrivé de Moscou.

Il n'est pas vacciné, comme la plupart de ses compagnons de voyage, mais "nous avons eu le COVID il y a deux mois, nous n'avons pas peur", explique-t-il.

La Tunisie débute cette saison avec plus de 12.000 décès, sur une population de 12 millions d'habitants -mais les vacanciers semblent peu au fait de la situation sanitaire.

"Moins regardante"

Près de la piscine du Mouradi, une poignée d'entre eux se déhanchent au rythme de musiques électroniques russes, galvanisés par trois animateurs.

"La clientèle d'Europe de l'Est est moins réticente, moins regardante sur la maîtrise de la pandémie", confirme Zied Maghrebi, directeur marketing de l'hôtel Movenpick voisin. "Nous nous sommes rabattus sur ces clients car ils n'ont pas peur de voyager".

"Les restrictions (sanitaires) ne sont pas aussi strictes que dans d'autres pays", se réjouit Serafim Stoynovski, étudiant en droit de nationalité bulgare. "Nous avons choisi la Tunisie pour ces raisons. On peut sortir pour une promenade, aller au restaurant ou boire un café comme on veut".

Contrairement aux autres voyageurs, soumis à un isolement de cinq à sept jours à leurs frais, les touristes voyageant via les tours opérateurs doivent seulement présenter un test PCR négatif.

Leurs sorties sont néanmoins encadrées. "Ils peuvent participer à des excursions, mais elle sont organisées (...) par les agences de voyages de l'hôtel afin qu'elles respectent le protocole sanitaire", souligne le commissaire régional du tourisme de Sousse, Taoufik Gaied.

Seul espoir pour revenir à une fréquentation plus large : la vaccination, qui avance en Europe mais reste balbutiante en Tunisie, où environ 2% de la population est vaccinée.

"Nous nous accrochons à tout espoir", dit M. Gaied, qui espère voir arriver un million de touristes cette année, contre neuf millions en 2019.

AFP/VNA/CVN

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