La traque aux buffles ensauvagés à Quang Tri

Laissés à pâturer jour et nuit seuls dans la brousse, nombre de buffles domestiques ont pris la poudre d’escampette et repris goût à liberté. À Quang Tri est apparu un nouveau job, celui de chasseur de buffles féraux, c’est-à-dire redevenus sauvages.

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Lê Minh, le chef du groupe des chasseurs de buffles ensauvagés à Quang Tri (Centre).
Photo : TN/CVN

"La chasse aux buffles ? Ce n’était pas pour moi un métier, mais une aventure qui m’attirait et que je pratiquais à l’occasion. Un travail risqué qui demande un savoir-faire, de la santé et aussi du courage", confie Lê Minh, un paysan de la province de Quang Tri (Centre), réputé pour ses succès dans la capture des buffles féraux (ou marrons, c’est-à-dire retournés à l’état sauvage ou semi-sauvage par le phénomène du marronnage ou féralisation : c’est l’évolution, partiellement ou totalement, d’animaux domestiques vers l’état sauvage après avoir été abandonnés ou s’être échappés).

Une traque qui ne s’improvise pas

Il y a cinq ans, à la tête d’un groupe de chasseurs, il a réussi à capturer sept buffles marrons sur la colline Mau (relevant du district de Cam Lô), qui terrorisaient la population locale.

Actuellement, Lê Minh et son épouse tiennent une gargote, près du faubourg d’Ai Tu. Lê Duc Hung, lui, est patron d’une petite boulangerie. Les souvenirs du temps passés, lorsqu’ils effectuaient ces chasses insolites, semblent revivre dans leur tête, notamment pour Lê Minh dont le ton enflammé témoigne d’une passion encore vive.

Dans sa province natale de Quang Tri, après la campagne de labourage, les villages des districts de Hai Lang, Triêu Phong, Cam Lô, ou le secteur de Khe Lap … ont l’habitude de laisser les buffles pâturer librement jour et nuit dans la brousse. Un certain nombre de ces bêtes, laissées à elle-même, ont repris goût à la liberté. Redevenues farouches, elles sont redoutées des habitants car elles n’hésitent pas à charger. Certaines personnes se sont faites encorner et en sont mortes.

En mai 2016, dans le secteur de la colline Mau, une troupe de neuf buffles ensauvagés est apparue, attaquant à l’occasion les gens travaillant en forêt. Une personne est morte et cinq ont été blessées. L’administration locale a réfléchit à des mesures. Repousser les bêtes vers d’autres régions n’aurait fait que déplacer le problème. Les anesthésier avec un fusil hypodermique aurait été la solution idéale, mais l’investissement nécessaire dépassait les capacités du budget local ! Par chance, un groupe de “paysans-chasseurs”, dirigé par Lê Minh, vint proposer un contrat de capture. Ils étaient quatre : Lê Minh (56 ans) et son fils Lê Van Canh (29 ans), Trân Duc Hung (44 ans) et Trân Duc Hiêu (33 ans). "Les bêtes étaient agressives et donc le danger était réel. Mais nous aimons les défis. Un contrat fut conclu : récompense de 60% de la valeur du butin", explique le chef du groupe.

La traque commença en août 2016. Les chasseurs dissimulèrent une cinquantaine de pièges le long d’un ruisseau où les bêtes venaient souvent boire. Puis ils se mirent à guetter. Après une semaine d’attente, deux premiers buffles furent capturés (l’un de 600 kg, l’autre de 400 kg). Plus ils se débattaient, plus les câbles les enserraient. Au bout de force, les bêtes piégées se résignèrent enfin à revenir dans le giron de l’homme. "En un mois, sept des neuf buffles furent capturés. Notre mission fut un succès. Les deux bêtes restantes s’enfoncèrent encore plus en forêt, loin des hommes", conclut Lê Minh, visiblement satisfait.

L’art de capturer un buffle sauvage

Les buffles de la colline Mau, après leur capture, sont chargés dans une bétaillère.
Photo : TN/CVN

Issu du district de Dakrông, province de Dak Lak, sur les hauts plateaux du Centre, Lê Minh a pratiqué dès sa jeunesse la chasse en forêt. En 1996, il déménagea avec sa femme et leurs cinq enfants à Ai Tu, province de Quang Tri, une contrée non forestière.

Lê Minh et ses compagnons ont capturé des dizaines de buffles féraux, qui ont ainsi retrouvé leur ancien vie au service de l’homme. Une chose est remarquable, c’est qu’aucun des chasseurs ne fut blessé.

"Ces bêtes ensauvagées sont extrêmement méfiantes et très rusées. Elles sont capables de distinguer les trappes cachées au milieu des feuilles mortes. C’est pourquoi il faut les dissimuler dans la boue, à 4 cm de profondeur, le long des points d’eau où elles viennent boire tous les jours", s’enthousiasme le chasseur expérimenté.

Pour les chasseurs, le danger est maximal une fois que la bête vient d’être piégée. Elle se débat furieusement. Les chasseurs approchent avec précaution pour saisir au lasso les cornes. Le moment est compliqué car si la bête se libère, le risque est grand de se faire encorner. "Dans ce cas, il faut se sauver à toutes jambes. Plus d’une fois, nous avons dû grimper aux arbres, après avoir jeté notre veste pour faire diversion, comme des toréadors!", raconte le vieux chasseur avec un large sourire.

Ces dernières années, à cause de son âge, le chasseur expérimenté a refusé des contrats qui lui venaient de temps en temps de la part de diverses localités, et même du Laos. "Néanmoins, si un jour des bêtes se montrent trop dangereuses pour la population locale, nous reprendrons du service!", assure-t-il.

Nghia Đàn/CVN

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