La terre de Diên Biên Phu et l'amour des vétérans français pour le Vietnam

Près de 70 ans se sont écoulés depuis les terribles 57 jours et nuits de la campagne de Diên Biên Phu. La plupart des vétérans français qui ont participé à la guerre d'Indochine, en particulier sur ce féroce champ de bataille, sont décédés. Parmi ces vétérans, certains, âgés de plus de 90 ans, partagent le désir d'emporter avec eux un peu de la terre de Diên Biên Phu et leur amour pour le Vietnam lorsqu'ils quitteront ce monde. Une histoire touchante.

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Le général Philippe de Maleissye présente la bouteille de terre et la pierre qu'il a ramenée de la colline A1 (Eliane 2), théâtre des combats les plus acharnés lors de la campagne de Diên Biên Phu.

Lors de notre visite au siège de l'Association nationale des anciens prisonniers internés et déportés d'Indochine (ANAPI), le président, le général Philippe de Maleissye, nous a chaleureusement accueillis. Avec enthousiasme, il nous a présenté une petite bouteille de terre ainsi qu'une pierre qu'il avait rapportée lors de sa visite au Vietnam. Ces souvenirs étaient issus de la colline A1, également connue sous le nom d'Eliane 2, où se sont déroulés les combats les plus féroces de la campagne de Diên Biên Phu.

Selon Philippe de Maleissye, ces objets revêtent une grande signification, car ils symbolisent le lien profond entre les soldats français et la terre sur laquelle ils ont combattu. Cette terre renferme à la fois l'amour et la douleur des soldats qui ont vécu les horreurs du champ de bataille de Diên Biên Phu. Près de 70 ans après cette campagne qui a marqué l'histoire mondiale, les souvenirs traumatisants d'autrefois ont laissé place à un amour particulier pour cette terre. Avant de quitter ce monde, les anciens soldats français souhaitent simplement reposer avec une poignée de cette terre ramenée du champ de bataille de Diên Biên Phu. C'est pourquoi, à chaque visite sur place, Philippe de Maleissye rapporte un peu de cette terre pour l'offrir à ses compagnons anciens combattants en Indochine, afin de réaliser leur dernière volonté.

"Je ramène de la terre pour la donner à mes amis qui désirent l'avoir en raison de leur attachement profond à cette terre, comme une sorte de relique, un témoignage historique. De plus, lorsqu'on enterre un ancien combattant qui a vécu la bataille de Diên Biên Phu, on met dans son cercueil ou sa tombe un peu de cette terre, car c'est la bataille qui a le plus marqué sa vie", a expliqué Philippe de Maleissye.

M. Philippe de Maleissye, ancien officier de la Légion étrangère et contrôleur général des armées, est également un spécialiste de Diên Biên Phu. Il a consacré un roman-vécu intitulé La Vallée perdue (Indo Éditions) à cet épisode de l'histoire. Ce livre, publié en 2013, mêle habilement le document et la fiction. L'histoire est basée sur les récits de Pierre Holinger, un ancien combattant venu en Indochine en 1954. Holinger rejoint le 5e bataillon de parachutistes vietnamiens et participe aux derniers mois de la campagne en sautant dans le bassin de Diên Biên pour renforcer la garnison. À travers ce roman, Philippe de Maleissye analyse le legs mémoriel de cet épisode souvent méconnu de l'histoire française.

"Un pays et un peuple charmants"

Des anciens combattants et des membres de l'ANAPI partagent les récits des anciens prisonniers d'Indochine, évoquant leur profond attachement au Vietnam et leur désir d'être inhumés avec une poignée de terre de Diên Biên Phu.

Lors de sa première visite au Vietnam en 2013, Philippe de Maleissye a rapidement compris l'attachement profond que les anciens combattants français nourrissent envers le pays et ses habitants. Depuis lors, il a effectué sept voyages au Vietnam, dont le dernier remonte au mois dernier à Diên Biên Phu.

"Au nom des anciens soldats français d'Indochine que je connais, je peux dire qu'ils ont tous aimé le Vietnam. C'était peut-être leur pays préféré parmi toutes les colonies françaises de l'époque. Il y avait beaucoup d'autres pays, tels que ceux d'Afrique du Nord, d'Afrique subsaharienne, du Laos ou du Cambodge, mais le Vietnam était leur préférence. J'y suis allé et je comprends pourquoi ils l'aiment autant. C'est vraiment un pays et un peuple charmants !", a-t-il exprimé.

"Le général Philippe de Maleissye est celui qui a apporté cette terre. Chaque fois que nous enterrons un ancien combattant, nous la plaçons systématiquement dans leur cercueil, dans leur veste, en signe d'adieu. Cette terre a une signification très émouvante, car elle représente la marque indélébile qu'a laissée la bataille de Diên Biên Phu sur ces soldats. C'est un geste chargé de symbolisme et de respect", explique Eric Fornal, secrétaire général de l'ANAPI.

Des souvenirs mémorables

Philippe Delarbre, réalisateur du film documentaire Diên Biên Phu 1954 - Le sacrifice, a également été témoin de cet attachement et de cet amour des anciens combattants français envers le Vietnam. Lors de son entretien avec le colonel Jacques Allaire pour la réalisation de son film, il a été frappé par cette relation unique entre la France et le Vietnam. "Cet amour est vraiment unique au monde, il s'agit d'un lien extrêmement subtil et sentimental entre les deux pays", a-t-il souligné.

Le film documentaire Diên Biên Phu 1954 - Le sacrifice a été réalisé par Philippe Delarbre en 2014. En utilisant des images d'archives et les récits du colonel Jacques Allaire, ancien officier parachutiste du bataillon Bigeard, le film relate la bataille de Diên Biên Phu ainsi que les conditions difficiles de la captivité du narrateur. Il rend hommage à cette période tragique de l'histoire de France.

"J’appelle à la fraternité des âmes entre les combattants vietnamiens et français. Tout ça pour moi n’était que des combats fratricides et je plaide pour cette fraternité des âmes. C’est un socle à nouveau pour lequel, on peut bâtir une marche commune concertée et constructive. Et surtout à l’heure actuelle, dans les temps incertains que nous vivons, on peut construire une fraternité entre le Vietnam et la France, un pont de passerelle entre l’Asie et l’Occident. C’est très important !", a déclaré Philippe Delarbre.

En tant que secrétaire général de l'ANAPI, Eric Fornal a exprimé ses aspirations pour “perpétuer le souvenir des prisonniers d'Indochine, en particulier ceux de Diên Biên Phu”. Il souhaite "transmettre le message de paix aux jeunes" et leur permettre de "mieux comprendre la férocité de la guerre, la solidarité et le courage des soldats français, ainsi que leur amour pour le Vietnam". Il souligne également l'importance d'inclure non seulement les anciens combattants et anciens prisonniers d'Indochine, mais aussi "leurs familles, leurs descendants et tous ceux qui sont amoureux de l'Indochine et du Vietnam" dans les activités de l'ANAPI.

Texte et photos : Nguyên Thu Hà

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