La survie de la musique traditionnelle passe par l'école

Partie intégrante du programme des écoles primaires et des collèges, la musique traditionnelle est pourtant sous-estimée par de nombreux élèves, parents, voire par les enseignants eux-mêmes. Mener à bien l'enseignement de cette matière donne matière à réflexion.

Une fois par semaine, les élèves du primaire et les collégiens ont droit à un cours de musique de 45 minutes. Pendant leurs cinq années à l'école primaire, nos jeunes font connaissance avec 18 chansons folkloriques ; au collège, avec 11. Au lycée, l'enseignement de la musique est terminé.

Dans la plupart des écoles, le cours de musique se résume à la scène suivante : des dizaines d'élèves lisant le manuel et chantant en chœur sous la direction d'un ou d'une enseignante. Il n'y a pas d'équipements spécifiques pour ce cours, que ce soient cassettes, instruments, photos ou documents illustrés...

"Au début, beaucoup d'élèves sont enthousiastes car il s'agit d'œuvres mélodieuses aux belles paroles, confie Lan Huong, prof de musique au collège Ngô Sy Liên (Hanoi). Les élèves mémorisent vite mais ensuite oublient rapidement. Nos jeunes sont influencés tous les jours par différents courants musicaux contemporains, nationaux et étrangers, qui inondent les médias... La musique, les chansons traditionnelles leur sont devenus un peu étrangère".

Une matière sous-estimée qui doit être revalorisée

Thu Uyên, élève du collège Thang Long (Hanoi), s'intéresse guère au cours de musique. "La prof joue un morceau sur un clavier, elle chante et puis c'est à nous de reprendre en chœur, raconte Thu Uyên. Parfois, elle change de méthode, et nous demande de transcrire les notes d'une chanson dans notre cahier". Selon cette collégienne, les paroles des chansons folkloriques sont souvent empreintes de "vieux vietnamien", donc difficiles à comprendre, et la mélodie est assez compliquée. À cela vient s'ajouter le fait que, faute de temps, l'enseignante fait souvent l'impasse sur l'histoire et la signification de ces chansons traditionnelles, ce qui rend d'autant plus difficile leur mémorisation. "Presque toutes les chansons apprises l'année dernière, je les ai oubliées", avoue sans ambages Thu Uyên. D'après cette collégienne, la plupart de ses camarades n'aiment pas cette discipline.

Depuis longtemps, les cours de musique et d'art plastique sont les parents pauvres du système d'éducation. Parents, élèves voire enseignants les considèrent comme des matières "secondaires", bien loin derrière les matières nobles que sont maths, physique ou littérature. Certains élèves confient même qu'à l'approche des examens importants, les profs de musique les autorisent à suivre le cours pendant 20 minutes seulement et ensuite à consacrer le reste du temps aux révisions des autres matières !

Selon une étude réalisée en 2009 à l'École normale supérieure des arts, 79% des collégiens connaissent moins de dix chansons folkloriques. Certains confondent des créations contemporaines connues avec des chansons traditionnelles. Certains n'arrivent pas à distinguer des chansons folkloriques étrangères faisant partie de leur programme avec celles du Vietnam.

"Ce phénomène d'éloignement des jeunes de la musique traditionnelle prend sa source à l'école, en raison de manquements dans l'enseignement de cette matière", déplore le professeur-Docteur en musique traditionnelle, Trân Quang Hai.

"Si nous n'accordons pas d'importance à l'enseignement de la musique traditionnelle à l'école, nos jeunes, dans le contexte où les nouveaux courants musicaux nationaux et internationaux inondent le marché, s'en éloigneront de plus en plus", estime le chercheur Pham Minh Huong, de l'Institut national de la musique. Le risque que la musique traditionnelle parte à vau-l'eau est bien réel... Pour lui, la sauvegarde de ce patrimoine passe par une revalorisation de cette matière à l'école. La musique traditionnelle ne doit plus être une matière de second plan. "Il faut réorienter les jeunes vers leurs racines, les sensibiliser à la conservation des valeurs culturelles traditionnelles", souligne Pham Minh Huong.

Priorité à l'enseignement de la musique traditionnelle

Selon le professeur-Docteur Trân Quang Hai, l'enfance est la période clef. "Car des enfants ne connaissant pas les chansons folkloriques dites +fondamentales+ ne feront pas des adultes aimant et encore moins sachant interpréter la patrimoine musical traditionnel". D'après lui, un bon enseignement musical à l'école est fondamental. "À la maternelle, les enfants doivent apprendre des chansons enfantines, des comptines, des chansons folkloriques faciles à retenir. Au primaire et au collège, il faut qu'ils fassent connaissance avec les chants régionaux, par exemple les chants +trông quân+,+ quan ho+ (chant alterné) et+ xoan+ du Nord ; les +diêu ly+ et +ho+ du Centre ; le chant +dôi dap+ du Sud...".

"Faciliter l'enseignement des chansons folkloriques au collège" est un projet lancé en début d'année par le Docteur Pham Lê Hoà et ses collègues de l'École normale supérieure des arts. Ce projet, commandé par le ministère de l'Éducation et de la Formation (MEF), vise à rendre plus efficace l'enseignement musical traditionnel à l'école. Il a été adopté par le MEF après expérimentation dans six collèges de cinq provinces et villes. Les auteurs ont établi un "Recueil de chansons folkloriques du Vietnam pour les collèges" comprenant 75 œuvres représentatives des différentes régions et ethnies. De même, ce projet s'est accompagné d'une série de documents baptisés "Présentation des chansons folkloriques du Vietnam" destiné aux collégiens, et "Guide pour l'enseignement des chansons folkloriques au collège", un ensemble de DVD contenant 14 chansons folkloriques interprétées par des élèves. Le projet sera bientôt déployé dans de nombreuses écoles primaires et collèges.

Thuân Thiên/CVN

(14/11/2010)

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