Le professeur Dinh Van Nha (gauche) remet au professeur Nguyên Van Huy ses propres documents dont le prix Hô Chi Minh pour ses recherches sur des technologies de traitement de produits agricoles et alimentaires. Photo : CTV/CVN |
L’initiative de récupérer l’héritage spirituel des scientifiques appartient à un groupe de médecins de la compagnie Medlatec (Medical Laboratory and Technology Co.Ltd), spécialisée dans les travaux de recherche sur le dépistage des maladies. Lesquels voulaient fonder, avec ces travaux, un petit musée de la médecine. Par la suite, le projet s’est élargi aux hommes de science dans divers domaines, ainsi est né le CCHS. Aujourd’hui, ce dernier relève de la compagnie Medlatec (sur la gestion et les finances) qui l’a intégré dans ses locaux, situés rue Nghia Dung (Hanoi).
L’héritage de 250 scientifiques
L’un des fondateurs de ce centre est le professeur Nguyên Van Huy, créateur du fameux musée d’ethnographie, destination prisée de nombreux touristes étrangers visitant Hanoi. Lorsqu’il a pris sa retraite il y a cinq ans, l’homme a décidé de se tourner vers une autre histoire, celle des sciences, et s’est investi dans le projet du CCHS.
Au début, l’établissement a dû batailler ferme pour enrichir son fonds documentaire. «Il nous a fallu gagner la confiance des scientifiques, et les inciter à nous livrer leurs documents les plus précieux», indique Nguyên Van Huy, aujourd’hui conservateur des archives. «Par ailleurs, ces hommes de science devaient comprendre combien leur héritage scientifique était important pour l’avenir de la nation. En fait, beaucoup n’ont aucune idée de la valeur de leurs propres objets, documents, manuscrits... Par méconnaissance, certains ont vendu leurs écrits et carnets à des brocanteurs. Pourtant, ces notes personnelles nous permettent de comprendre l’histoire sous un autre angle, d’une manière concrète et plus objective, mieux que les documents dits officiels ou la presse en général», précise-t-il. D’après lui, chaque scientifique est un témoin de l’histoire et de son évolution. À partir de la vie de chaque homme de science, nous pouvons dessiner un panorama de l’histoire scientifique nationale et de l’histoire nationale en général.
Sur place, les visiteurs peuvent notamment trouver le journal tenu par l’illustre chirurgien Tôn Thât Tùng, pendant ses trois mois de séjour en Chine et en Corée, en pleine guerre de Corée, en 1951. Il s’agit de deux cahiers d’écolier couverts de notes en vietnamien, français, anglais, russe, chinois et coréen, dans une écriture fine et serrée. Ils contiennent des notes de lecture sur des expériences chirurgicales du monde entier réalisées au cours de la Seconde Guerre mondiale, sur des traitements des brûlures et blessures, sur les techniques de prévention des épidémies. Ces travaux lui avaient permis de réaliser de grandes avancées scientifiques pendant et après la bataille de Diên Biên Phu, en particulier sur les opérations crâniennes. L’on découvre aussi grâce à ces notes que Tôn Thât Tùng était également poète. Dans son journal, il exprime parfois en vers sa compassion pour les souffrances endurées par les Coréens, et sa nostalgie du Vietnam qu’il veut rejoindre le plutôt possible.
Après plusieurs années d’activité, le CCHS dispose ainsi d’environ 20.000 documents, thèses doctorales, études manuscrites et publiées, carnets de notes, objets personnels, photos... appartenant à 250 scientifiques. Et ses investigations continuent.
Bientôt un Parc scientifique à Hoà Binh
Le centre s’intéresse depuis quelques temps aux chercheurs issus de la première promotion de l’École Polytechnique du Vietnam, à Hanoi, en 1956. Car après avoir suivi cette formation, ces diplômés sont devenus des «noyaux durs» de nombreux établissements scientifiques nationaux, que ce soit en architecture, génie civil, mines, géologie et instituts de recherche. Le centre vient de rencontrer cinq grands géologues. «Leurs documents, carnets de notes sont très intéressants, révèle le conservateur Nguyên Van Huy. Avant les années 50, cette discipline ne faisait l’objet d’aucune étude au Vietnam. En fait, elle n’existait pas, et a vu le jour après l’indépendance du pays, avec la création de cette école. Grâce à ces archives, nous allons pouvoir retracer sa naissance, et ses premiers pas».
Présentation de l’exposition du CCHS sur cinq médecins émérites du pays |
En parallèle de ce projet, le CCHS rassemble actuellement un autre dossier : le LX51, qui concerne le premier contingent de scientifiques vietnamiens formé en ex-URSS (Liên xô en vietnamien, d’où vient l’abréviation LX) en 1951, pendant la guerre contre les Français. Il s’agissait de 21 cadres de différentes branches (armement, métallurgie, médecine, architecture, finances, industrie minière...) envoyés par le Président Hô Chi Minh. Avant ce départ, l’oncle Hô avait fait en 1950 un voyage secret à Pékin et Moscou pour rencontrer Mao Zedong et Staline, en vue de concrétiser l’aide multilatérale accordée par la Chine et l’URSS. Dans sa lettre d’introduction à M. Souslov, homme politique et idéologue soviétique, Hô Chi Minh avait écrit en français : «J’ai l’honneur de vous envoyer 21 camarades vietnamiens pour l’éducation politique et technique». Selon le conservateur, «les étudiants, de retour au Vietnam, ont répondu à la confiance de leur président en mettant leur nouvelles compétences au service de la résistance».
Afin de conserver et valoriser au mieux ces multiples héritages historiques, le CCHS fera prochainement construire un Parc scientifique à Hoà Binh (Nord), sur une superficie de 20 ha. Il sera à la fois un centre culturel et scientifique, une zone de villégiature et un site touristique.
Hoàng Hoa/CVN