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Le Français Philippe Devillers
Ce Français est sans doute l’un des premiers historiens occidentaux à analyser de manière impartiale la Révolution d’Août vietnamienne. J’ai fait sa connaissance dans les années 80, chez notre amie commune Françoise Corrèze, poète de la cause vietnamienne. La dernière fois que je l’ai rencontré, ce fut à Paris, lors de la Journée internationale de la Francophonie en 1997. Nous parlions à la même réunion, lui d’histoire contemporaine, moi de culture vietnamienne.
Son Histoire du Vietnam de 1940 à 1952, parue en 1952 au moment crucial de la guerre franco-vietnamienne, fut un geste de courage et de lucidité. L’auteur lançait un appel pour la fin d’un conflit insensé : «Jamais l’opinion française n’a été loyalement et clairement informée de la nature et du sens de cette lutte. De l’équivoque, on a pu ainsi glisser jusqu’au mensonge, un mensonge qui, aujourd’hui, menace la paix en Asie…». C’est que pour comprendre l’adversaire vietnamien, il faut comprendre la signification de la Révolution d’Août, aboutissement d’un long combat de libération préparé par le Viêt Minh (le Front pour l’indépendance du Vietnam, ndlr).
Dès 09h00, le 19 août 1945, des dizaines de milliers de personnes affluent en masse, au Grand théâtre (actuel Opéra de Hanoï) et se tiennent prêts pour la grande manifestation annoncée la veille par le Viêt Minh. |
Photo : Archives/VNA/CVN |
La Révolution ne sera pas une explosion. Pas davantage une rupture. Elle sera le résultat final de l’osmose... l’aboutissement logique de l’infiltration du Viêt Minh dans tous les secteurs de la vie nationale. Seul un concours extraordinaire de circonstances le rendra toutefois possible...
Le coup de force japonais a en effet radicalement modifié les données du problème... Il lui ouvrait des perspectives neuves… grâce à la destruction de toute autorité, à la faveur de l’anarchie générale. Le 6 août, la bombe d’Hiroshima scelle le destin du Japon. Le moment décisif approche. Un Congrès national élit le Comité de libération du peuple vietnamien. Le 10 août, Hô Chi Minh lance le mot d’ordre de l’insurrection générale.
Le Britannique Thomas Hodgkin
Son Vietnam-The Revolutionary Path a adopté une approche originale de la Révolution d’Août, approche d’un historien «engagé». Hodgkin ne le cache pas : «Tout historien, déclare t-il, doit être d’une manière ou d’une autre, engagé». Professeur émérite spécialiste de l’histoire africaine, il menait durant toute sa vie un combat généreux contre le colonialisme à l’échelle mondiale. Point n’est étonnant que pendant et après la guerre américaine au Vietnam, il ait choisi le Vietnam comme sujet de recherche et terrain de combat. Aux années 70 du XXe siècle, toute la famille Hodgkin était «montée sur la barricade» vietnamienne. Sa fille Elizabeth et sa belle-sœur Mary Cowan travaillaient à titre bénévole aux Éditions en langues étrangères de Hanoï. Sa femme Dorothy Crowfoot, prix Nobel de chimie, participait à l’aide médicale au peuple vietnamien...
Le 2 septembre 1945, sur la place Ba Dinh, Hanoï, le Président Hô Chi Minh a proclamé la Déclaration d’Indépendance donnant naissance à la République démocratique du Vietnam. |
À sa deuxième visite au Vietnam, en 1974, Thomas décida d’étudier la lutte de libération du peuple vietnamien. Pour lui, la Révolution d’Août 1945 fut un événement extrêmement important dans l’histoire du monde. Pour la première fois, un mouvement révolutionnaire national avait réussi à renverser le pouvoir dans un pays colonisé, à promouvoir et à maintenir sa propre structure politique et sociale. La cause profonde de la victoire de la Révolution, Hodgkin la trouve dans les trois mille ans d’histoire qui pétrit une forte conscience nationale capable de résister à toutes les invasions étrangères.
L’Américain David G. Marr
Son Vietnam 1945 paru 50 ans après la Révolution d’Août est la monographie la plus complète et la plus détaillée de cet événement créateur du Vietnam moderne. Avant d’aborder ce sujet, Marr avait publié Vietnamese Anticolonialism 1985-1925 (en 1971) et Vietnamese Tradition on Trial 1920-1945 (en 1981). J’ai eu l’occasion de collaborer avec ce Professeur de l’Australian National University à la publication de dix ouvrages représentatifs des sciences sociales et humaines de l’Occident (en traduction vietnamienne). Notre comité de sélection et de supervision comprenait David Marr, Phan Huy Lê, Luong Van Hy, Viêt Phuong et Huu Ngoc. David Marr me donnait l’impression d’un homme très sérieux, pondéré, parlant peu et réfléchissant beaucoup.
Avant 1982, il avait commencé ses travaux sur la Révolution d’Août. Il lui a fallu 13 ans pour les achever. Il a le grand avantage de parler et de lire le vietnamien, sa femme est vietnamienne. Ce qui lui a permis de s’entretenir avec des acteurs de la révolution et de puiser aux sources originales. Il a fait la navette entre l’Australie, le Vietnam, les États-Unis, la France, en quête de documents inconnus. Les archives d’Aix-en-Provence lui offraient en particulier une mine insoupçonnée. Son livre est la synthèse des différents points de vue et sources : vietnamien, français, japonais, chinois, américain. Dans cet ouvrage, David Marr a tissé une tapisserie riche et complexe sur une des périodes-clés de l’histoire du Vietnam moderne.
Huu Ngoc/CVN