La Pologne, gardienne des cellules souches en Europe, entre vrais et faux espoirs

La Pologne est devenue la première puissance européenne dans la conservation de cellules souches, élément clé d’une thérapie qui peut guérir les leucémies mais soulève des espoirs démesurés. Leur stockage est devenu une véritable industrie brassant, à l’échelle mondiale, des milliards d’USD.

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Le biologiste Krzysztof Machaj montre des cellules souches conservées à la banque de sang ombilical polonaise PBKM/FamiCord, à Varsovie.
Photo :   AFP/VNA/CVN

Plongées dans les vapeurs d’azote liquide à moins 175 degrés Celsius, des centaines de milliers de cellules souches de toute l’Europe dorment dans d’énormes tonneaux d’acier, dans la banlieue de Varsovie. Présentes dans le sang puisé sur le cordon ombilical des nouveau-nés, ces cellules, prélevées à l’accouchement, peuvent aider à guérir des maladies graves du sang (leucémies, lymphomes, myélomes), des maladies génétiques, les déficits du système immunitaire.

En Pologne, pays à forte tradition catholique, il n’est en revanche pas question d’avoir recours à des cellules souches embryonnaires car leur utilisation, par ailleurs très encadrée, soulève des problèmes éthiques.

Assurance santé

La banque de sang ombilical polonaise PBKM/FamiCord est devenue le numéro un incontesté en Europe, après la faillite début 2019 de la société suisse Cryo-Save. La 5e dans le monde, selon ses dirigeants, après deux établissements américains, un chinois et un basé à Singapour.

Depuis la première greffe de sang de cordon réalisée en France en 1988, le secteur s’est largement développé, suscitant d’énormes espoirs.

Teresa Przeborowska, mère du jeune Michal, 9 ans aujourd’hui, peut en témoigner. À 5 ans, raconte cette cheffe d’entreprise du Nord-Est de la Pologne, on diagnostique chez son fils la leucémie lymphoblastique. Une greffe de moelle est nécessaire.

Des celllules souches conservées à la banque polonaise de sang ombilical PBKM/FamiCord, à Varsovie.
Photo : AFP/VNA/CVN

Le donneur le plus compatible est son autre enfant, Magdalena, cadette du petit malade. Justement, à sa naissance, ses parents ont déposé une poche de sang ombilical à la PBKM. Pas assez pour Michal mais suffisamment pour compléter le prélèvement de moelle osseuse.

"Résultat, Michal est aujourd’hui un garçon en pleine forme, aussi bien intellectuellement que physiquement", informe sa mère.

La greffe de sang de cordon est devenue une alternative à la greffe de moelle osseuse lorsqu’il n’y a pas de donneur, avec un risque de complications moins élevé. Les cellules souches issues du sang de cordon ombilical sont comme celles de la moelle osseuse, capables de produire toutes les cellules du sang : globules rouges, plaquettes et cellules du système immunitaire. En cas d’utilisation, elles sont concentrées puis injectées au malade. Une fois transfusées, elles produisent de nouveaux globules blancs, globules rouges et plaquettes.

Au laboratoire de la PBKM, "chaque réservoir renferme une dizaine de milliers de poches de sang. Elles attendent en toute sécurité d’être utilisées dans l’avenir", dit le chef de cette unité Krzysztof Machaj. Au total, PBKM en garde environ 440.000, sans compter celles de Cryo-Save. En cas de besoin, le sang d’un patient "sera prêt à être utilisé sans qu’on ait à chercher un donneur compatible et faire tous les tests nécessaires".

Pour les familles qui ont versé d’abord près de 600 euros et paient un abonnement de 120 euros par an pour la préservation des cellules pendant une vingtaine d’années, c’est une sorte d’assurance santé, promesse d’un traitement plus rapide et plus efficace au cas où.

Mais entre les fausses illusions et les milliards brassés par le secteur, les chercheurs mettent en garde.

Produits de beauté   

L’hématologue Wieslaw Jedrzejczak, pionnier de la greffe de moelle osseuse en Pologne, qualifie les promoteurs de telles thérapies de "vendeurs d’espoir" qui "font des promesses dont la réalisation est soit impossible dans un avenir proche, soit carrément impossible pour des raisons biologiques". Il les compare aux fabricants de produits de beauté qui "promettent que leur crème rajeunira la cliente de 20 ans".

De nombreuses recherches portent sur l’utilisation de ces cellules souches pour traiter d’autres maladies, notamment nerveuses. Mais les travaux ne sont pas concluants pour le moment, avertit le réseau de scientifiques EuroStemCell.

"Il existe une liste de près de 80 maladies pour lesquelles les cellules souches pourraient s’avérer salutaires. Mais dans l’état actuel de la médecine, elles sont efficaces seulement pour une douzaine d’entre elles, telles que la leucémie ou la paralysie cérébrale", explique l’hématologue américain Roger Mrowiec, directeur du laboratoire clinique du programme de sang ombilical Vitalant (New Jersey). "Il n’est pas exact, comme on le lit parfois, qu’on peut déjà les utiliser contre la maladie de Parkinson, celle d’Alzheimer ou le diabète", poursuit-il.

Des prélèvements de sang de cordon ombilical font l’objet de tests microbiologiques à la banque polonaise de sang ombilical PBKM/FamiCord, à Varsovie.
Photo : AFP/VNA/CVN

De même, EuroStemCell met en garde contre les banques de sang privées qui "font de la publicité auprès des parents pour qu’ils paient pour congeler le sang de cordon de leur enfant (...) en cas de besoin ultérieur".

"Des études montrent qu’il est hautement improbable que le sang de cordon soit jamais utilisé pour leur enfant", affirme le réseau, car cela reviendrait à réintroduire la même maladie. Et rien ne dit qu’il pourrait être utile dans une perspective de médecine régénérative, selon l’Agence française de la biomédecine.

Certains pays, tels la France et la Belgique, sont très prudents et interdisent le stockage du sang ombilical à des fins personnelles, contrairement à la plupart des pays de l’UE.

Cryo-Save avait connu au début du siècle une croissance rapide et de nombreux Suisses, Italiens, Espagnols, Hongrois ou Grecs y ont déposé des prélèvements, payant d’avance environ 2.500 euros pour 20 ans de conservation.

Quand la société suisse a mis la clé sous la porte, un vent de panique a soufflé sur ses clients. Mais les cellules de quelque 250.000 familles européennes ont été récupérées par la PBKM dans le cadre d’un accord dit de "back-up".

La société polonaise, fondée en 2002 par deux partenaires disposant de 2 millions de zlotys (environ 450.000 euros), s’est vite développée : présente sous la marque FamiCord dans plusieurs pays, elle détient quelque 35% de parts du marché européen (ressources de Cryo-Save non comprises). Ces 15 derniers mois, des investisseurs extérieurs ont apporté 63 millions d’euros, dit son patron Jakub Baran.

Mais la société a été rattrapée par la controverse : l’hebdomadaire Polityka a publié récemment une enquête critique sur plusieurs cliniques privées qui proposent des thérapies extrêmement coûteuses utilisant des cellules souches gardées par la PBKM.


AFP/VNA/CVN

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