La poésie bouddhiste de l’ancien Vietnam

À la période des Ly-Trân (XIe-XIVe siècle), le bouddhisme est devenu religion d’État. Voici quelques très beaux poèmes bouddhistes composés à cette période-là.

Fleuve limpide et ciel d’azur dans un poème de Doan Van Kham.

Le ministre Doan Van Kham (XIe-XIIe siècle) a laissé beaucoup de poèmes dédiés aux moines de son époque, tel celui-ci a la mémoire du bonze Quang Tri.

Loin de la capitale, réfugié dans la forêt où vos cheveux ont blanchi,

Vous erriez sur ces hauts sommets embaumés, agitant doucement vos larges manches.

Que de fois, j’ai souhaité, coiffant le turban des disciples, venir, ô Vénérable, m’agenouiller sur votre natte !

Hélas ! Je viens d’apprendre qu’il ne reste de vous qu’une paire de sandales dans la cellule close.

L’oiseau nocturne, dans le jardin de l’Abstinence(1), lance son triste appel aux clartés de la lune.

Qui écrira votre oraison funèbre, là, sur votre stupa ?

Que vos fidèles compagnons ne souffrent pas de votre départ éternel,

Votre image réelle s’est inscrite à jamais sur les monts et les eaux, devant cette pagode.

Le moine Không Lô (?-1119) chante les plaisirs de la retraite :

Douce oisiveté(2) du vieux pêcheur

Sur mille lieues, le fleuve limpide, sur mille lieues, le ciel d’azur,

Une fumée flotte sur les mûriers d’un hameau solitaire(3)

Le vieux pêcheur que nul ne trouble reste plongé dans le sommeil.

Quand il s’éveille, l’après-midi, sa barque est couverte de neige (4)

Profession de foi

Entre les monts sinueux comme dragons et serpents (5), j’ai choisi un lieu propice à ma retraite.

Toute la journée, je me réjouis de cette vie simple en pleine campagne.

Quelquefois, je monte jusqu’au sommet d’un pic solitaire

Et pousse longuement un cri glaçant tout l’univers (6).

Le roi Trân Thanh Tông (1240-1290) nous laisse des croquis poétiques :

Nostalgie au jardin du harem

La poussière recouvre les portes désertes, la mousse efface les allées.

En plein jour, tout s’assoupit dans le silence que ne troublent plus les pas.

Mille couleurs vermeilles rayonnent vainement,

Pour qui se sont ouvertes ces fleurs du printemps ?

Paysage d’été

Le jardin vêt son manteau d’émeraude après la pluie, une belle image dans un poème du roi Trân Thanh Tông.

Sous la longue lueur du jour, belle est la véranda fleurie

À la fenêtre du Nord, le vent parfumé de lotus apporte la fraîcheur.

Après la pluie, le jardin a vêtu son manteau d’émeraude.

Seul un chant de cigale trouble le crépuscule.

Excursion au Yên Bang (7)

Tôt le matin, je me promène dans l’île où flottent les nuages,

Quand vient le soir, je me repose près d’une baie toute argentée de lune.

Une immense joie envahit mon cœur,

Mille beautés transparaissent au bout de mon pinceau.

Le général Trân Quang Khai (1241-1294), héros de la guerre contre l’envahisseur mongol, est également homme de lettre :

Voici les impressions de printemps

Sur les fleurs blanches des abricotiers, la pluie tombe comme de la soie.

Enfermé dans la chambre, un lecteur passionné médite…

Déjà sont gaspillés les deux tiers de sa vie !

À cinquante ans, il se sent affaibli.

L’oiseau lassé du vol rêve au pays natal, souhaitant regagner son nid.

Mais dans l’océan des bienfaits royaux, tel un poisson hérissant ses écailles, il se sent en retard.

Cependant, conservant sa vaillance d’antan.

Il voudrait déclamer ces vers et terrasser le vent de l’Est.

La lune pâlit, la nuit se défait,

Un coup de vent venu de l’Est apporte un froid rare au printemps

Les fleurs des saules pleureurs en voltigeant vont se coller au pavillon

Les bambous d’ivoire frappant au balcon troublent mon rêve

La douceur de la pluie rafraîchit la nature.

Cependant que, le cœur serré, on voit sur son visage se fane la jeunesse

On se verse trois verres d’alcool pour chasser la tristesse.

Et, frappant son épée, on évoque avec nostalgie la montagne de jadis.

Huu Ngoc/CVN

(à suivre)

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(1) Littéralement : la cour devant la Salle de l’Abstinence.

(2) Nhàn : ce mot sino-vietnamien est intraduisible. Il évoque les plaisirs de l’otium, la douce oisiveté du sage qui mène une vie retirée au milieu de la nature, souvent à la campagne, pour cultiver l’esprit et le cœur. Par extension, le mot «Nhàn » désigne aussi une attitude de l’âme détachée des soucis, des honneurs et des richesses, attitude que le sage maintient malgré les préoccupations multiples et les pires épreuves.

(3) Autre version : Ici, un hameau de mûriers, là, un autre estompé de fumée.

(4) La neige est inconnue dans le delta de notre pays. Mais les poètes employaient souvent ce mot pour désigner la brume en temps de froid intense.

(5) Selon la géomancie, science occulte des influences terrestres, il faut construire sa maison dans un site bénéfique.

(6) Thai hu : littéralement : le grand vide.

(7) La marche de Yên Bang (devenu Yên Quang sous Lê Anh Tông) désignait la province actuelle de Quang Ninh.

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