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Un bâtiment de l'Église de Shincheonji de Jésus fermé en raison de l'épidémie au nouveau coronavirus, le 1er mars à Séoul, en République de Corée. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
La République de Corée est le pays le plus touché par le virus, en dehors de la Chine, et connaît depuis une dizaine de jours une flambée de nouveaux cas, en raison de la contamination de centaines de fidèles de l'Église Shincheonji de Jésus. On estime que 60% des 4.000 cas répertoriés sur la péninsule sont liés à cette organisation accusée par ses détracteurs d'être une secte. Et les autorités sud-coréennes sont sur la trace de plus de 260.000 de ses adeptes pour vérifier leur état de santé, en ordonnant que tous ceux qui ont été en contact avec des malades observent une quarantaine, qu'ils présentent ou non des symptômes.
Le mouvement affirme que son fondateur, Lee Man-hee, 88 ans, a été testé négatif. Il a présenté lundi 2 mars ses excuses pour la responsabilité de son organisation dans la propagation du virus. Mais il est l'objet avec 11 autres responsables d'une plainte pour homicide de la mairie de Séoul, qui les accuse de ne pas avoir tout mis en œuvre pour inciter leurs membres à coopérer.
"Discrimination"
De nombreux adeptes n'ont effectivement pas répondu aux autorités, a reconnu lors d'un interview le directeur des missions internationales de Shincheonji, Kim Shin-chang.
Du désinfectant est diffusé devant un bâtiement de l'Église de Shincheonji de Jésus, le 21 février à Daegu, en République de Corée. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Il se peut que nos membres ne se montrent pas complètement coopératifs avec les autorités quant à leurs mouvements, et ce parce qu'ils redoutent que leur affiliation à Shincheonji ne soit dévoilée", a-t-il expliqué.
"La haine sociale et la discrimination contre nos membres sont tellement prégnantes que beaucoup ont peur de perdre leur emploi ou de voir naître des conflits au sein de leur famille si leur foi était révélée".
Certains médias rapportent que plus d'un millier d'adeptes n'auraient pas répondu aux autorités.
"Nous avons exhorté nos membres à tout dire aux autorités", assure M. Kim, en ajoutant que le faire relevait au final d'une "décision personnelle".
Également connu sous le nom de Temple du Tabernacle du témoignage, le mouvement fut fondé en 1984 par Lee Man-hee, le "Pasteur promis" qui aurait endossé les habits de Jésus Christ. Celui ci doit, le jour du Jugement dernier, emmener 144.000 personnes qui deviendront au paradis des prêtres immortels.
"L'œuvre du diable"
Le nombre de fidèles est cependant bien supérieur au nombre de places au paradis. Et, explique M. Kim, 36 ans, la sélection est "entre les mains de Dieu".
"Nous croyons qu'il n'y a qu'un Pasteur promis", poursuit M. Kim, un chrétien "born again" qui a rejoint Shincheonji il y a 18 ans. M. Lee, ajoute-t-il, "exerce une énergie positive qui touche le monde entier".
Lors des cérémonies religieuses, les adeptes n'ont pas le droit de porter des lunettes, des colliers ou des boucles d'oreilles, et ce, justifie M. Kim, "par respect pour Dieu", et s'asseoient par terre très près les uns des autres.
C'est à cause d'une fidèle de 61 ans que Shincheonji est devenue un des principaux vecteurs du coronavirus en République de Corée. Elle a commencé à avoir de la fièvre le 10 février mais a assisté à au moins quatre cérémonies de l'Église à Daegu - la quatrième ville du pays devenue l'épicentre du coronavirus en République de Corée - avant que son cas ne soit diagnostiqué.
Environ 3.000 adeptes étaient présents à chacune de ces cérémonies, a précisé M. Kim.
Dans un message à ses fidèles, M. Lee a parlé du virus comme de "l'œuvre du diable" destinée à "stopper la croissance de Shincheonji". "Mais nous sommes les fils de Dieu", a-t-il ajouté. "Nous triompherons de ce défi".
Ordre du mérite
Le mouvement compte 12 branches dans le pays qu'il appelle ses "12 Tribus", chacune portant le nom d'un disciple de Jésus Christ. Il est tellement puissant qu'il est capable de mobiliser des milliers de membres pour des spectacles de masse à la nord-coréenne, comme il l'avait fait en 2012 dans le Stade olympique de Séoul.
Mais M. Kim dénonce "la haine et l'ostracisme" d'une partie de la population. Au point qu'aucune plaque n'est apposée sur les murs du bâtiment de six étages qui abrite son siège à Gwacheon, au sud de Séoul.
La salle de réunion où a eu lieu l'interview, où trône une table de 30 places, est dominée par une fresque montrant une colombe descendant des cieux sur une mappemonde présentant une Corée à la taille démesurée.
Des dizaines de certificats ornent les murs, dont l'ordre national du mérite attribué à M. Lee par l'ex-présidente destituée Park Geun-hye, un titre qui lui permettra d'être inhumé dans le Cimetière national de Séoul.
M. Kim soutient que son mouvement n'a aucune affiliation politique. Mais la publication de photos de M. Lee avec Mme Park ou son prédécesseur également conservateur Lee Myung-bak en font douter certains. D'autant que leur formation politique - récemment renommée Parti de l'avenir commun - n'a pas du tout critiqué Shincheonji pour son attitude dans cette crise.
AFP/VNA/CVN