La pastèque du Têt, histoire du Robinson Crusoé vietnamien (suite)

La pastèque mûrit vers la fin de l’année dans le Nam Bô (Sud). Point étonnant qu’elle soit devenue le fruit du Têt (Nouvel An lunaire) par excellence.

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Dans le Sud, on réserve une grande superficie de terres arables à la pastèque.
Photo : Chanh Da/VNA/CVN

La pastèque trône pendant les premiers jours de la fête sur l’autel des ancêtres, comme offrande cultuelle. Et pourtant, l’adage populaire Xanh vỏ đỏ lòng (Peau verte, entrailles rouges) pour décrire le fruit à une nuance péjorative : il fait allusion aux hypocrites. La pastèque aurait même des propriétés curatives. Elle facilite la digestion, et son jus guérit une certaine fièvre. Originaire d’Afrique, la plante est cultivée dans les pays chauds. Son introduction au Vietnam fait l’objet d’une vieille légende dont le héros Mai An Tiêm, exilé sur une île déserte, rappelle Robinson Crusoé. En voici l’histoire.

Mai An Tiêm sur l’île déserte

À leur arrivée, les deux époux s’efforcèrent de cultiver la pastèque. Ils comptaient se nourrir de ce fruit en remplacement du riz qui allait s’épuiser. Un jour, un bateau de pêche ayant perdu son chemin s’échoua sur l’île. Après avoir aidé les pêcheurs à réparer leur embarcation, Mai An Tiêm leur offrit plusieurs pastèques en leur demandant de ramener du riz en échange des fruits. Il n’eut pas à attendre longtemps. Bientôt arriva un navire chargé de riz. Les gens du navire débarquèrent la provision de vivres et reçurent en échange des fruits de l’Ouest.

À partir de cette date, le menu des insulaires s’était fort bien amélioré. Assise auprès de la marmite de riz blanc fumant, la femme de Mai An Tiêm dit avec émotion :

- La Providence nous a sauvés.

Encouragés par ce succès, les deux époux continuèrent à cultiver cette plante bienfaisante, et qui leur donnait de bonnes récoltes. Les embarcations de tout genre - navires marchands, bateaux de pêche - affluaient vers l’île, amenant du riz, des vêtements, de la volaille, des bestiaux, des instruments de labour et même des semences, pour les échanger contre ces fruits de l’Ouest. Les arrivants disaient à Mai An Tiêm :

- Pour sûr, c’est un fruit unique au monde. Tous les gens de notre région souhaitent le goûter, dussent-ils offrir en échange du riz en grande quantité.

De temps en temps, les habitants préfèrent acheter de gros fruits à l’écorce gravée pour le présenter comme l’offrande sur l’autel des ancêtres.
Photo : Archives/CVN

En quelques années, la culture de la pastèque se développa dans tout le pays. Les noms des époux Mai An Tiêm étaient connus dans tout le pays. On les surnommait «Père et mère du fruit de l’Ouest».

Laissons les époux Mai à leur besogne et revenons au roi Hùng. Un jour, le roi se plaignait d’un mandarin incapable de réaliser des travaux qui lui avaient été confiés :

- Si Mai An Tiêm était ici, les choses se passeraient autrement.

N’en pouvant plus, il manda un de ses paladins pour s’enquérir de Mai An Tiêm. Le paladin lui répondit :

- Sire, il devrait être mort.

Le roi Hùng ne désespéra pas. Il fit venir un de ses esclaves, lui donna des vivres et une barque, et lui ordonna de se rendre au district Ai (1) à la recherche de Mai An Tiêm. Au bout d’un mois, l’esclave revint avec sa barque chargée de pastèques. Il dit au roi :

- Sire, recevez l’offrande des époux Mai.

Il relata les débuts difficiles qu’avaient connus les exilés, puis ajouta :

- Maintenant, les Mai habitent une maison confortable. Ils possèdent une foule de serviteurs, un superbe champ de pastèques, des rizières, de la volaille, bref, ils ne manquent de rien.

Étonné et pris de remords, le roi clama aux mandarins ayant faussement accusé Mai An Tiêm :

- Il avait raison lorsqu’il disait que ses honneurs et richesses provenaient de sa vie antérieure.

Aussitôt, il envoya des soldats vers l’île pour ramener la famille de Mai An Tiêm qui fut par la suite réhabilité.

L’endroit où avaient poussé les premières pastèques s’appelle aujourd’hui Domaine An Tiêm. Les habitants de l’île continuaient l’œuvre entreprise par les époux Mai, en fondant notamment un village baptisé «Mai An». Dans l’ancienne demeure des Mai, ils ont érigé un autel en l’honneur des ancêtres du «Melon de l’Ouest».


Huu Ngoc/CVN
Note : (1) : le district Ai se trouve à Thanh Hoa, une province au Centre du Vietnam

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