La musique traditionnelle vietnamienne adoucit les mœurs

Professeur d'ethnomusicologie à l'Université de Kent (États-Unis), le Docteur Terry E. Miller est aussi chercheur en musique traditionnelle asiatique. Il a contribué à rédiger 2 chapitres sur la musique vietnamienne de l'Encyclopédie mondiale de la musique.

Sa rencontre avec la musique vietnamienne remonte à 1968. Étudiant de musique devenu enrôlé, il est envoyé un an plus tard au Vietnam et affecté comme soldat de bureau à la base militaire de Long Binh. À l'époque, restant tout le temps à Long Binh, Miller ne savait rien sur la musique vietnamienne. La population locale lui était également étrangère.

Un jour, cet ancien étudiant de musique a entendu une mélodie sur son petit transistor. Il pensait alors que c'était de la musique vietnamienne. Une fortuité n'est rien pour une âme froide mais un signe salutaire pour une âme obsédée. Au fur et à mesure, cette musique a fait craquer le jeune GI qui a enregistré tout ce qu'il entendait à la radio. Il essayait en même temps de se renseigner auprès de ses amis, mais la plupart n'y connaissaient rien.

Un autre jour, il a trouvé par hasard dans la base de Long Binh un livre sur l'art de la scène vietnamienne. Des mots comme sân khâu (scène), rap hat (théâtre), hat bôi (théâtre traditionnel du Sud), cai luong (théâtre rénové) résonnent comme par enchantement.

Le jeune Américain a décidé de se rendre au centre-ville de Saigon pour en apprendre davantage. Pendant ses derniers cinq mois de service militaire au Vietnam, Miller a pu assister à plusieurs types de représentations musicales au Vietnam dont le cai luong et le hat bôi.

Le jeune homme s'est également rendu à maintes reprises à l'École nationale de musique de Saïgon pour mieux se renseigner sur les formations que celle-ci dispensait... Il s'est ensuite procuré des instruments de musique du pays dont le dàn sên (luth à 2 cordes souvent utilisé dans le hat bôi), le khèn (orgue à bouche) et nombre de disques de musique vietnamienne qu'il a ensuite ramenés chez lui aux États-Unis comme un vrai chercheur.

Plusieurs de ses amis l'ont raillé pour sa passion de la musique vietnamienne. Il est vrai que Miller aimait cette musique sans trop savoir pourquoi. "La musique traditionnelle vietnamienne m'a été d'une étrange séduction !", confie-t-il.

En 1971, il a envisagé de revenir à Saigon poursuivre ses études de la musique d'Asie du Sud-Est, avec comme sujet central la musique vietnamienne. Malheureusement, la guerre l'a privé de l'occasion de faire une thèse de doctorat sur le sujet. De retour aux États-Unis, il a commencé en 1975 à enseigner l'ethnomusicologie. En 1977, il est retourné étudier la musique d'Asie du Sud-Est dont celle du Vietnam. En 1983, ou en 1984, pour parler d'une manière plus officielle, il a rencontré le professeur Nguyên Thuyêt Phong à l'Université de Kent. Celui-ci l'a aidé à approfondir ses connaissances sur la musique vietnamienne afin de mieux en saisir les subtilités et l'originalité.

Depuis, ils ont effectué ensemble plusieurs voyages au pays : en 1991, 1994, 2005... au cours desquels le professeur Miller a pu participer à de nombreux colloques sur la musique traditionnelle organisés à Hanoi. "Au début, les recherches n'étaient pas faciles, mais de plus en plus de portes se sont ouvertes me permettant de pénétrer au cœur de la musique du Vietnam", raconte-t-il.

Interrogé sur ses réflexions de la situation actuelle du théâtre et de la musique traditionnelle vietnamienne, le professeur paraît nostalgique : "Évidemment, le visage de la ville a tellement changé ! Je me souviens qu'à l'époque, le +cai luong+ était très en vogue, le +hat bôi+ avait aussi sa place. J'ai toujours dans ma tête les noms de célèbres artistes tels Ut Trà Ôn, Ut Bach Lan, Viêt Hùng, Bach Tuyêt... De nos jours, le +cai luong+ et le +hat bôi+ se font rares."

"Hô Chi Minh-Ville, au lieu de maintenir l'ambiance, les activités et la vie du +hat bôi+, est devenu un lieu d'étude de cet ancien art théâtral. La plupart des styles de musique traditionnelle ont été sujets à des transformations ou à des réformes. Et il est bien dommage que les branches rénovées soient plus appréciées, mieux considérées que celles traditionnelles. Ces derniers temps, le +ca trù+ (chant des courtisanes), le +nha nhac+ (musique de cour de Huê), le +don ca tài tu+ (chant des amateurs) et la marionnette sur l'eau... ont été restaurés mais sont supplantés par les fortes vagues de la musique réformée telles la pop, la dance... À l'heure actuelle, c'est plutôt la musique occidentale qui constitue les atouts des conservatoires du pays ", poursuit-il.

Selon le docteur, si l'on fait une comparaison avec la musique thaïlandaise, cette dernière a su avoir mieux conservé ses caractères primitifs, sans doute en raison du contexte historique particulier de la culture de la cour. En effet, la musique thaïlandaise est très liée à la culture royale et de ce fait, reste vénérée par la population. Cela n'empêche pourtant pas que la musique traditionnelle vietnamienne soit très originale. "Plus je l'étudie, plus je remarque son originalité. Elle ne ressemble en rien à celle des pays voisins, que ce soit la Chine, le Laos ou le Cambodge", conclut-il.

Alors qu'il étudie la musique traditionnelle asiatique, son épouse, la professeure Sara Stone Miller fait des recherches sur la musique traditionnelle africaine et celle des noirs américains, surtout en ce qui concerne la musique religieuse : le gospel.

Pour le moment, elle travaille plutôt sur la musique de thérapie et sur la musique de films thaïlandaise. Mme Miller aime porter une gracieuse ao dài (tunique traditionnelle du Vietnam) et jouer de la flûte. "Je dois mes connaissances de la musique vietnamienne à mon mari", confie-t-elle. Elle apprécie assez la vivacité des spectacles de cai luong mais préfère le tài tu du Cochinchine avec des mélodies douces et pénétrantes.

Minh Phuong/CVN

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