Plusieurs femmes ont marqué la région de Dinh Bang, à l’instar de l’écrivaine Nguyêt Tu aujourd’hui, par ailleurs le bras droit de son mari Lê Quang Dao, ancien président de l’Assemblée nationale. Mais l’histoire retiendra d’abord, il y a presque mille ans, la maîtresse du roi Ly Thanh Tông, Y Lan (la mère du roi Ly Nhân Tông), qui, pendant le règne des Ly, exerça deux régences. Et puis, quelque 700 ans plus tard pendant la première période de la dynastie Lê postérieure, Nguyên Thi Nguyên, qui apporta du bois de fer à son époux Nguyên Thac Luong, mandarin (haut fonctionnaire sous le régime féodal), pour construire cette fameuse maison communale dans le village de Dinh Bang. Au Vietnam, ces dernières sont présentes dans toutes les localités. Elles accueillent les réunions des notables, et on y traite des questions d’administration ou de justice intérieure.
La maison communale de Dinh Bang a la forme d’une maison sur pilotis. |
Ce que dit la légende...
Selon la légende, dès petit, Nguyên Thac Luong faisait preuve d’une grande intelligence. À l’âge d’adulte, il voulait suivre une carrière professionnelle digne de ce nom, et refusa tous les petits boulots qu’on lui proposa. Il choisit finalement d’être garde-frontière et trouva un poste à Thanh Hoa où il rencontra sa femme, Nguyên Thi Nguyên. Pour ses vieux jours, M. Luong retrouva son pays natal, le village de Dinh Bang, avec son épouse, qui décida de construire une maison communale en bois de fer, une sorte de gage d’admiration pour son mari.
Sa large toiture a les angles recourbés, comme pour évoquer les pétales de lotus. |
Avant de démarrer les travaux, le couple dessina ensemble l’architecture originale : un bâtiment surélevé à un mètre du sol par des piliers en bois de fer.
Achevée en 1736, cette bâtisse est dédiée au culte des trois génies tutélaires du village de Dinh Bang : Cao Son Dai Vuong (grand roi des hautes montagnes, génie du Sol), Thuy Ba Dai Vuong (grand roi suzerain des eaux, génie des Eaux) et Bach Le Dai Vuong (génie des récoltes). Outre le sens traditionnel, les habitants locaux considèrent cette maison communale de Dinh Bang comme un symbole de la belle-fille exemplaire et de la fille attachée à la piété filiale.
Des caractéristiques cachées
La maison communale de Dinh Bang est réputée comme l’une des plus anciennes architectures du Vietnam. Sa construction a nécessité la mobilisation de centaines d’artisans. Ils ont minutieusement gravé les dizaines de colonnes de cette maison et sculpté leurs motifs. Un travail si précis qu’il est dépourvu du moindre défaut. Sa large toiture a quant à elle les angles recourbés, comme pour évoquer les pétales de lotus.
Parmi des milliers motifs du bâtiment, aucun ne se répète. |
Les travaux de construction ont commencé en 1700 et se sont prolongés jusqu’en 1736. Un record pour le pays. Aujourd’hui encore, près de 300 ans plus tard, le plancher de cette maison peut supporter le poids de plusieurs milliers de personnes à la fois. Quant aux gravures, elles forcent toujours l’admiration, chacune étant presque une œuvre à elle toute seule. À titre d’exemple, bat ma quân phi (les huit chevaux qui galopent) montre l’esprit de liberté et de paix de Dinh Bang. Chaque cheval arbore une posture différente. Le dragon est également largement représenté : Long vân dai hôi (ensemble de nuages en forme de dragons), Ngu long tranh châu (cinq dragons se disputent autour d’une gemme), Luc long ngu thiên (six dragons règnent sur le ciel).
La maison communale de Dinh Bang est actuellement entretenue par Nguyên Thac Sung, l’un des descendants de la famille Nguyên Thac. Selon Dang Dinh Luân, chef du comité de gestion du lieu, en 2000, l’État a trouvé des éléments véritablement exceptionnels lors de ses recherches effectuées en vue de restaurer la bâtisse. Chaque motif gravé - et il y en a des milliers - est unique. Que ce soit dans les formats des ornements ou dans le diamètre des 84 colonnes, les concepteurs ont fait en sorte que le bâtiment dispose d’une parfaite unité architecturale, avec un grand souci des perspectives. Un détail difficile à mesurer pour les visiteurs.
Texte et photos : Quê Anh/CVN