Le lieutenant de la goélette de la Marine, Philippe Verdier, le 18 mai dans le port de Brest. |
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"Paré à hisser la misaine", lance le maître de manœuvre depuis la proue. "Hisser", lui répond le commandant de bord Philippe Verdier, juché sur le roof passerelle d'où il dirige les manœuvres d'appareillage.
"Oh, oh, oh, oh..." : l'équipage tire en cadence sur les drisses pour hisser la voile d'une surface de 77 mètres carrés attachée au mât de misaine.
Le navire s'élance élégamment dans la rade de Brest, dans une mer agitée, avec ses 16 membres d'équipage et ses douze passagers, dont une peintre, une photographe et une infirmière de la marine, ainsi que trois élèves officiers danois.
"C'est vraiment une première pour un voilier de la marine nationale de monter si haut, au-delà du cercle polaire", explique le lieutenant de vaisseau Verdier.
Le voilier fera route vers les îles Féroé, avant de se diriger vers Reykjavík, puis la côte ouest du Groenland pour un mois de navigation, en patrouille conjointe avec un bâtiment danois dans les fjords normalement libérés des glaces. La goélette franchira ensuite le cercle polaire jusqu'en baie de Disko, par 70° Nord.
L'Étoile, une goélette de la Marine, quitte le port de Brest le 18 mai pour un périple de trois mois au-delà du cercle polaire. |
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Bien que n'y possédant aucun territoire, "la France essaie de se positionner dans cette zone géographique en y déployant des moyens militaires évidemment, mais aussi des moyens comme l’Étoile, écologiques", explique le commandant Verdier.
En 2013, la Marine avait entrepris une mission de reconnaissance de la route maritime du Nord à bord du remorqueur de haute mer Tenace. Il s'agissait en particulier, pour le commandant Olivier Crec'Hriou, "de montrer le pavillon tricolore" dans une zone qui "intéresse de plus en plus de monde".
Ressources minières et pétrolières
En 2014, c'est le patrouilleur Fulmar qui avait été déployé dans la zone, puis la frégate La Motte-Piquet et le sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Perle, avec pour mission de s'entraîner à naviguer en eaux froides et entretenir les relations avec les marines riveraines.
"Le grand public ne se rend pas forcément compte, mais les ressources pétrolières et minières sont désormais accessibles là-bas", assure le commandant Verdier, le visage fouetté par les embruns.
Avec le réchauffement climatique, la fonte de la banquise ouvre de nouvelles possibilités pour accéder à de nouvelles ressources. La région contiendrait 13% du pétrole de la planète non encore découvert et 30% des réserves de gaz naturel, ce qui ne manque pas d'attirer les convoitises.
Deux marins à la manœuvre, le 18 mai, sur la goélette de la Marine, l'Étoile, en partance pour un périple de trois mois au-delà du cercle polaire. |
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Les tensions entre pays riverains sont d'ailleurs vives depuis que la Russie, visée par des sanctions pour son rôle dans la guerre dans l'est de l'Ukraine, a commencé à montrer ses muscles en organisant des manœuvres militaires inédites dans l'Arctique.
Le recul de la banquise ouvre en outre de nouvelles routes commerciales permettant des gains de temps et de carburant non négligeables, par rapport aux routes traditionnelles.
La route du Nord, pendant du passage du Nord-Ouest, au large du Canada, permet ainsi d'éviter un détour par le canal de Panama, réduisant considérablement la distance entre océans Atlantique et Pacifique.
L’Étoile aura entre-autres pour mission opérationnelle d'effectuer des mesures météorologiques et océanographiques avec le largage de bouées dérivantes. Des exercices conjoints avec les marines danoise et islandaise sont également prévus.
La goélette Étoile, 32 mètres de long, tout en bois, a été construite - comme la Belle Poule, son sister-ship - en 1932 à Fécamp. Il s'agit d'une reproduction des goélettes qui jusqu'en 1935 faisaient la pêche à la morue sur les bancs d'Islande. Basée à Brest, elle participe à la formation et à l'entraînement des officiers et membres d'équipage de la marine nationale.