>> La direction de Credit Suisse face à la colère des actionnaires
>> Le président de Credit Suisse s'excuse devant des actionnaires dépossédés
Le président suisse Alain Berset s'entretient avec la ministre suisse des Finances Karin Keller-Sutter, à Berne, le 19 mars. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Devant les élus réunis en session extraordinaire pendant trois jours, le président de la Confédération helvétique, Alain Berset, est venu défendre le plan élaboré dans l'urgence le week-end des 18 et 19 mars pour éviter une faillite de Credit Suisse, sans demander leur avis ni aux parlementaires ni aux actionnaires.
"Le temps était compté" et le Conseil fédéral (gouvernement suisse) a cherché "la meilleure solution possible pour éviter une crise financière aux conséquences incalculables" pour la place financière, la Suisse toute entière et le reste du monde, a-t-il affirmé devant la Chambre haute.
Mais les législateurs se sont relayés pour critiquer la solution retenue qui modifie radicalement le paysage économique du riche pays alpin, dont une grande partie du prestige et de l'attrait repose sur un secteur bancaire stable, sain et de confiance.
La prise de contrôle, a selon le mot du président, "ébranlé la Suisse" où l'on s'inquiète des conséquences pour l'emploi de ce rapprochement à cause des nombreux doublons de postes, mais aussi de l'emprise que va avoir le nouveau mastodonte financier sur l'économie du pays.
Loup de Wall Street
Hansjörg Knecht, entrepreneur et élu de l'Union démocratique du centre (droite radicale), n'a pas manqué de rappeler que les entreprises familiales et PME doivent, elles, assumer les risques qu'elles prennent et leurs dirigeants en payent le prix en cas de difficultés.
Les deux banques se voient au contraire "dérouler le tapis rouge de l'aide de l'État", a protesté cet élu de la première formation politique du pays. Son parti demande un renforcement des règles concernant les établissements trop gros pour faire faillite et réclame le remboursement de bonus injustifiés.
À gauche, l'élu socialiste Carlo Sommaruga a fustigé le prix "dérisoire" déboursé par UBS pour l'acquisition de Credit Suisse, s'indignant de "la privatisation des bénéfices et la nationalisation des pertes" aux frais des contribuables.
UBS doit racheter Credit Suisse, une des trente banques au monde considérées comme trop grosses pour les laisser faire faillite, pour seulement 3 milliards de francs suisses (une somme équivalente en euros) avec de solides garanties.
Celles-ci atteignent 109 milliards de francs entre les liquidités accordées par la banque centrale suisse et les garanties de la Confédération.
En fin de journée, les élus de la chambre haute ont voté en faveur des garanties, mais de mauvaise grâce après trois jours de session parlementaire. Ils sont d'autant plus indignés que l'État avait déjà dû voler à la rescousse d'UBS en 2008.
Ce vote a plongé la chambre basse du Parlement dans un débat houleux qui a duré des heures. Après une alliance improbable entre les partis de gauche et l'Union démocratique du centre, la chambre a voté, vers minuit, contre ces garanties, à 102 voix contre 71.
Mais ce résultat, qui reflète le mécontentement des parlementaires à l'égard du gouvernement, reste purement symbolique. Les garanties ont déjà été octroyées et ne peuvent être bloquées.
"Apparemment, la crise financière de 2008 n'a pas suffi à éliminer ce type de banquier incarné par Leonardo di Caprio dans +Le loup de Wall Street+ et que nous avions vu couler avec délices", a déploré la parlementaire socialiste Eva Herzog.
Répondre de leurs actes
Le président de Credit Suisse, Axel Lehmann, lors de la dernière assemblée générale annuelle de la banque, le 4 avril. |
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Lors de son allocution, le président de la Confédération a pourtant insisté sur le fait que, "sans intervention", Credit Suisse "se serait retrouvé, selon toute vraisemblance, en cessation de paiement le 20 ou 21 mars".
La banque était déjà fragilisée par de nombreux scandales, mais un mouvement de panique s'est emparé des marchés le 15 mars dans le sillage de la faillite de la banque américaine SVB.
Certains parlementaires ont donc dit comprendre que le gouvernement n'ait pas pu laisser aux parlementaires le temps de se réunir plus tôt.
"C'est frustrant. Mais quand le toit brûle, on amène les pompiers, on ne se réunit pas pour savoir s'il faut acheter un camion de pompier", a souligné Damien Cottier, le chef de file du Parti libéral-radical (droite libérale), interrogé par l'AFP.
Pendant la session, les élus des deux chambres ont aussi débattu d'une "possible action en justice à l'égard des organes dirigeants de Credit Suisse".
"Les dirigeant-e-s à l'origine de ces manquements doivent répondre de leurs actes", a résumé pour l'AFP, Céline Vara, élue à la chambre haute pour les Verts.
Le gouvernement a pris les devants pour calmer la colère en privant les plus hauts dirigeants de Credit Suisse de leurs bonus et primes au titre des années 2022 et 2023.
AFP/VNA/CVN