France
La filière de la lentille du Puy lutte pour sauver "l’or vert" des gourmets

Le changement climatique aura-t-il raison de la lentille verte du Puy ? En Haute-Loire (France), les mauvais rendements des dernières récoltes, liés à des phénomènes météorologiques extrêmes, inquiètent cultivateurs et conditionneurs, qui se battent pour sauver “l’or du Velay”.

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Philippe Gire, producteur de lentille verte du Puy, à Saint-Martin-de-Fugères, en Haute-Loire. 
Photo : AFP/VNA/CVN

Philippe Gire cultive cette légumineuse depuis 20 ans près de Saint-Martin-de-Fugères et n’a jamais connu une année "aussi critique". Trois quintaux à l’hectare contre 14 en 2016, sa "meilleure année".

"C’est l’or du Puy. Ce sont des lentilles qui sont très précieuses, chaque graine compte", assure Huguette Trescarte, à la tête d’une entreprise de collecte et conditionnement.

La sécheresse et la chaleur extrême du mois de juillet ont perturbé la maturité de la graine. Résultat : les gousses - chacune contient habituellement deux grains - étaient vides, la récolte a été "compliquée" car les plants étaient petits, explique Philippe Gire.

Pourtant, l’agriculteur de 44 ans, qui élève aussi des vaches laitières, souhaite conserver ce complément pour mettre "du beurre dans les épinards". Comme lui, la plupart des cultivateurs de lentilles sont aussi éleveurs et apprécient ce revenu supplémentaire.

Ce producteur bio s’en sort grâce à la vente directe. Avec les nouvelles habitudes de consommation, "il y a beaucoup de demande", informe-t-il.

Cultivée sur des sols volcaniques en moyenne montagne, entre 600 et 1.200 m d’altitude, la lentille verte du Puy, trésor des gourmets qui vantent ses marbrures bleutées et son petit goût de noisette, est la seule à bénéficier d’une Appellation d’origine contrôlée (AOP). Protégée des perturbations par les monts qui entourent la zone, elle profite d’un micro-climat caractérisé par un effet de foehn, un vent sec qui donne une graine moins farineuse, selon le site internet de l’AOP.

Mais la sécheresse extrême de ces derniers étés, ou a contrario des épisodes pluvieux intenses comme en 2021, ont mis à mal cet équilibre. "La hausse des températures entraîne une nette augmentation de l’évapotranspiration avec un assèchement marqué des sols", assure David Marchal, référent territorial de Météo France.

Des lentilles vertes du Puy. 
Photo : AFP/VNA/CVN

Pour la dernière décennie, la température moyenne est proche de 11°C sur la zone du Puy et pourrait monter à 15°C à la fin du siècle. "Avec une augmentation de +4°C, les événements pluvieux devraient tripler et les périodes de sécheresse être multipliées par 5", selon le météorologue.

"En apnée"

"Les rendements sont moins bons depuis une dizaine d’années. Avant, une année moyenne se situait autour de 7, 8 quintaux/hectare. Aujourd’hui, on est content si on y arrive", affirme Franck Rocher, président de l’AOP de la lentille verte du Puy. La récolte 2022 atteint péniblement les 4,5 quintaux/hectare en moyenne.

Conséquence, les surfaces cultivées diminuent, le nombre de producteurs aussi. En l’an 2000, la production représentait 5.000 ha et 1.250 producteurs, réduite de moitié à 2.500 ha et 550 producteurs en 2022. Si "la lentille verte en général est concurrencée par d’autres cultures", pour celle du Puy "on est en apnée", déplore Huguette Trescarte.

La région Auvergne-Rhône-Alpes a injecté 2,5 millions au printemps pour sauver la filière, mais "nous avons beaucoup de craintes pour la récolte 2023 car les agriculteurs ont besoin d’herbe et vont préférer reconstituer leurs stocks de fourrage plutôt que semer des lentilles", dit la cheffe d’entreprise.

Avec la pluie puis la douceur du mois d’octobre, les champs ont toutefois reverdi, ce qui devrait améliorer les stocks et apporter un peu d’espoir.

"On s’accroche, on y croit, parce qu’on se dit qu’arrêter serait un arrache-cœur", dit Mme Trescarte. La lentille verte du Puy occupait 50% du temps de travail de son entreprise, “moins de 10%” aujourd’hui.

Faute de volumes, il lui faut remplacer "l’or du Velay" par des lentilles cultivées dans le centre de la France pour fournir les marques de grands distributeurs. Ses ventes de lentilles AOP se limitent désormais au niveau régional sous sa propre marque "La Ponote" ou dans certains magasins spécialisés.

Pour Franck Rocher, "le risque est très fort sur cette filière-là". Il préconise un changement de stratégie impliquant collecteurs et cultivateurs. "Le kilo de lentilles est vendu 10 euros au consommateur, il nous est payé 2,30 euros. Le producteur a du mal à s’y retrouver et la lentille n’est plus de l’or".

AFP/VNA/CVN

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