La course à l'esthétique au cœur du procès de l'effondrement mortel d'un terminal à Roissy

L'esthétique et l'innovation, au détriment de la solidité? Au premier jour du procès de quatre sociétés, dont Aéroports de Paris, mises en cause dans l'effondrement meurtrier du terminal 2E à Roissy en 2004, les débats ont pointé du doigt les défauts de ce bâtiment qui ne devait "ressembler à aucun autre".

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L'effondrement du terminal 2E à Roissy le 23 mai 2004.

Le groupe ADP (Aéroports de Paris), le constructeur GTM (filiale de Vinci), le bureau d'études Ingerop et le groupe d'inspection et de certification Bureau Veritas sont jugés pour homicides et blessures involontaires jusqu'à vendredi par le tribunal correctionnel de Bobigny. Le toit de l'aérogare la plus prestigieuse du deuxième aéroport européen avait cédé au petit matin du 23 mai 2004, 11 mois après son inauguration: six arcs en béton et quatre passerelles s'étaient effondrés sur une trentaine de mètres, au niveau de la jetée d'embarquement, faisant quatre morts et sept blessés.

Le terminal 2E, vitrine de Roissy, avait été dessiné par l'architecte Paul Andreu, également concepteur de l'Opéra de Pékin. Sa construction avait coûté à ADP environ 650 millions d'euros. Il est notamment reproché à ADP "des négligences", de la "maladresse" et une "sous-traitance empêchant toute vue d'ensemble du projet", tout en souhaitant "une construction innovante", a rappelé la présidente Sophie Barbaud en ouverture de ce procès extrêmement technique. Lundi après-midi 10 décembre, le tribunal s'est penché sur les causes précises de l'effondrement de ce terminal qui ressemblait "à un énorme tunnel" en verre, qui s'est affaissé sur lui-même.

Pour les experts interrogés lors de l'instruction fleuve de ce dossier, c'est la technique d'armature en béton utilisée, à dessein uniquement esthétique, qui est en cause. Le prototype, construit par GTM, a été conçu "uniquement pour voir l'aspect esthétique et non pour des études sur la structure", a indiqué à la barre le représentant du bureau d'études Ingerop. Selon lui, l'ouvrage était "très complexe" car "ADP voulait que son terminal ne ressemble à aucun autre". L'architecte "ne voulait pas avoir des bouts de béton qui dépassent", a ajouté le représentant du bureau d'études.

"Secret de fabrication d'ADP"?

Il est notamment reproché au groupe ADP - à la fois maître d'ouvrage (concepteur) et maître d'œuvre (client) - de s'être montré négligent "eu égard à la complexité et au caractère atypique de l'ouvrage envisagé", qui relevait "d'une conception innovante et audacieuse, mais aussi complexe voire hasardeuse", selon les éléments recueillis lors de l'enquête judiciaire. "On a vérifié tout au long de la conception que l'ouvrage était réalisable", s'est défendu Guillaume Sauvé, directeur Ingénierie et Aménagement d'ADP.

"Pour que ce soit réalisable, encore faut-il que cela ne s'écroule pas ! Vous n'étiez pas en train de construire un vulgaire bloc de béton", s'est énervée la présidente. Lors de l'instruction, les experts ont montré un défaut des calculs de la résistance du béton. Or ces calculs sont introuvables. Selon la présidente, ces derniers n'ont pas été transmis par ADP aux trois autres entreprises mises en causes au cours de la conception du bâtiment.

"Dans le dossier, certains experts parlent de secret de fabrication d'ADP", souligne-t-elle. "Des notes de calculs ont-elles été détruites?" demande la présidente. "Il n'y a pas obligation de garder ces notes, nous les avons détruites au fur et à mesure", a répondu Guillaume Sauvé. Les autres entreprises, qui expliquent n'avoir jamais eu "une vue d'ensemble du projet" malgré des contrôles tout au long du chantier, ont aussi mis en cause un "délai extrêmement contraignant" exigé par Aéroports de Paris. Le procès, qui portera mardi 11 décembre  essentiellement sur les expertises, se poursuit jusqu'à vendredi 14 décembre.


AFP/VNA/CVN

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