>>Une classe de danse particulière
Madame Nam explique une leçon à Dô Kim Thuy, qui suit ses cours depuis 18 ans. |
Pour l’ancienne enseignante de 83 ans, l’handicap ne doit plus être un frein pour accéder au savoir. Depuis 18 ans déjà, Hô Huong Nam a crée une classe dans l’arrondissement de Tây Hô à Hanoi dédiée aux handicapés, essentiellement jeunes, pour apprendre à lire et à écrire, mais aussi à réaliser des calculs simples. Des notions essentielles pour accéder à plus d’indépendance, et être mieux préparé pour soutenir si besoin la famille. La classe se compose d’élèves aux handicaps divers, de muets et de malentendants, ou encore de personnes avec une déficience intellectuelle.
Une classe sans tableau, ni craie
L’enseignante ne fait payer aucun frais d’études, et utilise une partie de sa pension pour acheter des manuels et des fournitures scolaires. Hô Huong Nam emploie ni tableau, ni craie. Elle préfère se rendre à chaque table pour expliquer individuellement la leçon, tout en encourageant ses élèves. Une technique éducative singulière, mais qui porte ses fruits selon elle.
« J’ai essayé d’enseigner en me servant d’un tableau et de craies mais ce n’étaient pas efficace car les élèves ne peuvent pas se concentrer pendant la leçon. Le fait d’apprendre aux handicapés exige une méthode spéciale. En fait, les élèves handicapés sont très sensibles. Ils ne contrôlent pas bien leurs sentiments et se mettent souvent en colère. Pourtant, ils sont de vrais sentimentaux. Alors, il faut une grande affection pour eux, c’est pour ça j’ai nommé la "Classe de cœur" (Lop hoc tinh thuong)» partage-t-elle.
La classe se trouve dans le collège An Duong, comprenant 18 élèves âgés de 8 à 34 ans. L’enseignante répartit la classe en plusieurs sous-groupes en fonction de l’handicap, et adapte son enseignement.
Une école pour transformer les vies
Les cours donnés par Hô Huong Nam sont gratuits. |
L’enseignement des bases de la langue vietnamienne ou des mathématiques exige beaucoup de dévouement et de la patience. Certains élèves n’arrivent pas à retenir la leçon, prennent un mois pour écrire la lettre «O» ou réaliser des calculs simples.
Mais acquérir un savoir n’est pas tout. La classe de Mme Nam est aussi un lieu d’épanouissement personnel pour ses protégés. «Les élèves handicapés n’ont pas confiance en eux-mêmes. Ils sortent rarement de la classe pendant la récréation. Ainsi, j’allume des chansons sur le pays pour qu’ils puissent se reposer», confie-t-elle.
Ses élèves témoignent à leur façon leur reconnaissance, devenant de très beaux souvenirs selon l’octogénaire : «On était le 20 novembre, et c’était la fête des professeurs vietnamiens. Un élève m’a offert une rose, et cela m’avait énormément touché». Des élèves qui s’impliquent personnellement, à l’image de l’un d’entre eux habitant à 15 kilomètres de l’école, et qui prend régulièrement des cours depuis trois ans.
Les leçons de Mme Nam transforment réellement la vie de ses étudiants, une source de motivation supplémentaire pour leurs parents. «Mon enfant suit des cours de Mme Nam depuis 15 ans. Il peut écrire et dire certains mots simples. Ce qui compte le plus, c’est qu’il peut s’intégrer au public, il devient plus modéré et sentimental. Je crois que c’est ce que Mme Nam lui a appris. C’est pourquoi je l’emmène à la classe tous les jours en dépit des difficultés», se réjouit Luong Van Ba, père de Luong Hông Duong atteint de paralysie et de déficience intellectuelle.
L’aide de Mme Nam a permis à tous ses élèves de réaliser des progrès en lecture et écriture. Certains se sont même mariés, un autre travaille actuellement comme garde malade dans un hôpital.
Elle a par ailleurs été reconnue par la ville l’un des dix "Citoyens d’élite de la capitale" en 2014 et a reçu l’Ordre du Travail de troisième classe en 2015. Un magnifique message d’espoir pour les enfants handicapés et leurs familles. Mais aussi un message inspirant, pour nous tous.