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La biologiste Laura Brennan devant le lac Michigan dans le Parc national des dunes de l’Indiana. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
La perte des Plebejus samuelis ici, même s’ils restent présents ailleurs, a “fendu le cœur” de la biologiste américaine Laura Brennan. C’était un papillon d’un “joli bleu”, “très délicat et gracieux”, se rappelle Laura Brennan.
Le Parc national des dunes de l’Indiana, où elle travaille depuis 20 ans dans le Nord des États-Unis, abritait l’une des plus grandes populations de ces papillons en 1992, quand ils ont été déclarés menacés.
Puis, sous ses yeux, ils ont disparu du parc, victimes entre autres de la hausse des températures. Comme elle, les milliers d’employés du National Park Service (NPS), l’agence fédérale en charge de ces réserves naturelles, sont confrontés à un nouveau défi : la lutte contre les conséquences de la crise climatique.
Replanter, recenser, déplacer... Cette bataille se traduit de façon très concrète dans leur quotidien et prend de plus en plus de place.
“Aujourd’hui, quasiment tout ce que nous faisons est lié au changement climatique”, dit la biologiste Dawn LaFleur, qui se démène au Parc national de Glacier, dans le Montana, pour sauver une espèce de pins.
Certains combats, comme le sien, semblent pouvoir être remportés. D’autres sont déjà perdus.
Agir “plus vite”
Contrairement aux menaces plus classiques - constructions humaines, parasites ou encore surtourisme - les gardiens des parcs n’ont ici aucune prise sur la cause du problème, dont ils ont pris conscience au début des années 1990 : les émissions de gaz à effet de serre. Et ils souffrent parfois d’un sentiment d’impuissance.
“Voir les conséquences du changement climatique émeut beaucoup d’employés des parcs”, qui y travaillent parfois pour la “troisième ou quatrième génération” et sont très “connectés à leurs environnement”, souligne John Gross, du programme de réponse au changement climatique du NPS. “Pour beaucoup, ce n’est pas un métier, c’est un mode de vie”.
Laura Brennan a grandi à seulement quelques heures de son lieu de travail.
En 2012, ses papillons, déjà en difficulté, ont été victimes de ce que les scientifiques appellent un “décalage phénologique”.
Un écosystème remis en état où une espèce de papillon aujourd’hui disparue du Parc national des dunes de l’Indiana vivait. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Au printemps de cette année-là, il fait anormalement chaud, les larves de papillons émergent. Mais la plante dont elles se nourrissent, le lupin, n’a pas encore poussé.
“Les plantes dépendent davantage des températures du sol et les insectes des températures de l’air”, explique la biologiste. De ce fait, “les larves n’avaient rien à manger. Cela a été le début de la fin”.
Des efforts acharnés avaient pourtant été entamés pour restaurer leur habitat. Le lupin ayant besoin de beaucoup de lumière pour grandir, de grandes opérations de défrichage étaient en cours. En vain.
Face aux menaces se multipliant, “nous devons pouvoir enlever ces facteurs de stress plus rapidement”, assure Laura Brennan de sa voix douce.
Sélection génétique
Dans le Montana, ce sont les pins à écorce blanche, récemment déclarés menacés, qui jouent leur survie. Ils ne poussent que dans l’Ouest des États-Unis et au Canada, en haute altitude, particulièrement sensible au réchauffement.
Déjà attaqués par un champignon (Cronartium ribicola), leur habitat est aujourd’hui menacé par le manque d’eau. La neige fond plus tôt au printemps, provoquant un état de sécheresse précoce.
Avec la hausse des températures, de petits insectes ravageurs (Dendroctonus ponderosae) menacent aussi de se propager plus en altitude. Or sauver ces pins est essentiel : les graines contenues dans leurs cônes nourrissent de nombreuses espèces, comme les grizzlys ou le cassenoix d’Amérique.
Environ 1.000 pins à écorce blanche sont donc replantés chaque année depuis plus de 20 ans dans le Parc national de Glacier - une tâche colossale sur des terrains difficilement accessibles.
Les graines sont d’abord testées génétiquement pour sélectionner les spécimens résistants au champignon. Mais aussi, depuis quelques années, à la sécheresse, explique Dawn LaFleur.
Elle, qui travaille ici depuis plus de 30 ans, confie se sentir parfois “submergée”. “Plus on passe de temps dans ces environnements, plus on réalise à quel point ils sont fragiles face au changement climatique”, confie-t-elle. Elle a toutefois “bon espoir” de pouvoir sauver ces pins.
“On ne peut pas changer quand la neige va fondre. Ou à quel point il fait chaud et sec l’été aujourd’hui, affirme-t-elle, philosophe. Donc on met au point des solutions pour s’adapter et diriger nos ressources vers ce sur quoi on a prise. C’est comme ça qu’on améliore les choses”.
AFP/VNA/CVN