Khashoggi: la pression monte à nouveau sur Ryad mais Trump fait la sourde oreille

Donald Trump a ignoré vendredi 8 février l'appel du Congrès américain à se prononcer sur le rôle du prince héritier d'Arabie saoudite dans l'assassinat de Jamal Khashoggi, une "ligne rouge" pour le royaume soumis à la pression de nouvelles révélations.

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Le président américain Donald Trump, le 7 février 2019 à Washington.
Photo: AFP/VNA/CVN

Le président des États-Unis avait théoriquement jusqu'à ce vendredi 8 février pour dire si Mohammed ben Salmane est responsable du meurtre du journaliste saoudien, tué et démembré début octobre dans le consulat de son pays à Istanbul par un commando venu de Ryad.

Il s'agit d'une échéance imposée par des sénateurs démocrates et républicains, qui ont activé le 10 octobre une loi donnant 120 jours au locataire de la Maison Blanche pour trancher.

Mais son administration, qui fait tout pour préserver une alliance jugée incontournable depuis que cette affaire a profondément terni l'image des dirigeants saoudiens, n'a pas l'intention de s'y plier.

"Le président se réserve le droit de refuser, lorsqu'il le juge approprié, d'agir en réponse aux demandes d'une commission parlementaire", a dit à l'AFP un haut responsable américain, invoquant notamment la "séparation des pouvoirs".

Comme le département d'État la veille, il a souligné que Washington avait déjà sanctionné mi-novembre 17 Saoudiens, et a promis que le gouvernement continuerait à "faire en sorte que ceux qui sont responsables du meurtre de Jamal Khashoggi rendent des comptes".

L'échéance de vendredi 8 février n'était "pas une +demande+", "c'est une obligation légale", a protesté le sénateur démocrate Patrick Leahy, accusant la Maison Blanche d'"aider les responsables à échapper à la justice".

Le Sénat américain, pourtant contrôlé par le camp républicain du président, a déjà unanimement adopté une résolution jugeant le prince "responsable" du meurtre. L'administration Trump affirme ne pas disposer de preuve irréfutable de l'implication directe du jeune et puissant dirigeant saoudien, bien que les sénateurs, après avoir été informés à huis clos à l'automne des conclusions de la CIA, aient assuré avoir été confortés dans leur mise en cause de celui que l'on surnomme "MBS".

Sans attendre une réponse de la Maison Blanche, des sénateurs des deux bords politiques ont présenté une proposition de loi pour interdire notamment certaines ventes d'armes à l'Arabie saoudite, en raison du meurtre du journaliste mais aussi du rôle controversé de Ryad dans "le conflit dévastateur au Yémen".

 "Une balle" 

Jamal Khashoggi, le 15 décembre 2014 à Manama, à Bahreïn.
Photo: AFP/VNA/CVN

Pour "éviter que le président Trump ne mette sous le tapis le meurtre de M. Khashoggi", "le Congrès doit désormais prendre ses responsabilités", a déclaré le sénateur démocrate Bob Menendez. Son collègue républicain Lindsey Graham, souvent proche des positions de Donald Trump, a une nouvelle fois accusé le prince héritier d'être "plus que toxique".

Le prince "n'est pas impliqué dans le meurtre" et s'en prendre à lui "est une ligne rouge", a mis en garde vendredi 8 février le ministre d'État saoudien aux Affaires étrangères Adel al-Jubeir, lors d'une visite à Washington.

Il a aussi appelé le Congrès américain à "prendre du recul, regarder l'ensemble de la relation" américano-saoudienne.

Sa visite coïncide avec de nouveaux développements embarrassants pour le prince. Ryad a toujours nié son implication dans le meurtre, mettant en cause des responsables moins haut placés, présentés comme des éléments "incontrôlés" et actuellement devant la justice saoudienne.

Selon le New York Times, un an avant l'assassinat, Mohammed ben Salmane avait dit à un proche conseiller, Turki Al-Dakhil, qu'il utiliserait "une balle" contre le journaliste s'il ne rentrait pas en Arabie saoudite et ne mettait pas en sourdine ses critiques à l'égard du régime.

Adel al-Jubeir a refusé de commenter les informations sur cette conversation interceptée, d'après le quotidien, par le renseignement américain, qui passe au peigne fin plusieurs années de communications téléphoniques du prince.

Parallèlement, la rapporteure spéciale de l'ONU sur les exécutions extrajudiciaires a affirmé jeudi 7 février détenir des "preuves" montrant que le meurtre du journaliste, dont le corps n'a toujours pas été retrouvé plus de quatre mois après les faits, avait été "planifié et perpétré par des représentants de l'État d'Arabie saoudite".

À la lumière de ces nouvelles révélations, la fiancée turque de Jamal Khashoggi s'est dite prête à rencontrer le président Trump, peut-être en mars, mais à condition qu'il change d'"attitude".

Lors de la présentation à Istanbul d'un livre sur la vie du journaliste, Hatice Cengiz, la voix entrecoupée de sanglots, a toutefois expliqué compter davantage sur le Congrès américain pour "suivre cette affaire de plus près".

AFP/VNA/CVN

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