Kazuo Ueda désigné à la tête d'une Banque du Japon sous pression

Le professeur d'économie Kazuo Ueda, 71 ans, a été désigné mardi 14 février par le gouvernement nippon pour devenir le prochain gouverneur de la Banque du Japon (BoJ), une tâche s'annonçant très difficile après dix ans d'une politique ultra-accommodante.

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Le siège de la Banque centrale du Japon à Tokyo.
Photo : AFP/VNA/CVN

La désignation de M. Ueda a été annoncée dans un document du gouvernement transmis à des journalistes au Parlement. La validation ultérieure de ce choix par les parlementaires ne fait aucun doute étant donné la large majorité dont dispose la coalition au pouvoir dans les deux chambres.

M. Ueda, dont le mandat doit commencer en avril, est un éminent universitaire qui a déjà siégé au conseil de politique monétaire de la BoJ de 1998 à 2005.

Décrit comme prudent et réfléchi, mais aussi comme un bon communicant, il arrive à un moment charnière pour la BoJ : sa politique monétaire ultra-accommodante dans le contexte mondial d'inflation élevée et de hausses de taux semble condamnée, mais la détricoter sans causer trop de dommages s'annonce extrêmement périlleux.

Selon le journal Nikkei, le gouvernement souhaitait initialement désigner l'actuel gouverneur adjoint de la BoJ, Masayoshi Amamiya. Mais celui-ci aurait refusé le poste suprême, s'estimant mal placé pour réexaminer une politique monétaire dont il a été l'un des principaux architectes.

M. Ueda sera épaulé par deux nouveaux gouverneurs adjoints : Shinichi Uchida, 60 ans, actuel directeur exécutif de la BoJ, et Ryozo Himino, 62 ans, ancien chef de l'Agence japonaise des services financiers (FSA).

Un vestige des "Abenomics"

En poste en 2013, le gouverneur sortant de la BoJ Haruhiko Kuroda a mené une politique monétaire ultra-accommodante avec des outils non conventionnels et des programmes d'achats d'actifs vertigineux, essentiellement des titres de la dette publique japonaise.

La BoJ a ainsi mis en musique la première flèche des "Abenomics", le remède de cheval préconisé par le Premier ministre d'alors, Shinzo Abe, pour stimuler la croissance et vaincre la déflation qui minait l'économie japonaise depuis les années 1990.

Mais l'institution n'a jamais atteint son objectif de générer une hausse des prix de 2% de manière stable, du fait notamment de problèmes structurels au Japon comme la faiblesse chronique des hausses de salaires et le déclin démographique accéléré du pays, qui handicape sa croissance.

La hausse des prix à la consommation dépasse largement 2% depuis l'an dernier dans l'archipel. Mais il s'agit d'une inflation essentiellement liée à la flambée des prix mondiaux de l'énergie et de biens alimentaires sur fond de crise en Ukraine, et donc transitoire, estime la BoJ jusqu'à présent.

L'institution a ainsi campé sur ses positions, malgré une intense pression spéculative pour la forcer à changer de cap et le plongeon du yen l'an dernier à cause du décalage grandissant entre sa politique et les resserrements monétaires menés aux États-Unis et en Europe.

"Bombe à retardement"

La BoJ a toutefois lâché du lest fin 2022, en relevant le plafond des rendements des obligations japonaises à dix ans qu'elle tolère. Mais cela n'a fait que renforcer les spéculations quant à une prochaine normalisation de sa politique, même si l'institution s'en défend.

"Plus (la BoJ) maintiendra son contrôle de la courbe des rendements - dans un monde où les taux d'intérêt augmentent - plus les conséquences à long terme seront graves et plus il sera difficile d'organiser un pivot +en douceur+", a averti l'analyste de Markets.com Neil Wilson dans une note en janvier, considérant la situation comme une "bombe à retardement".

Une normalisation désordonnée de la politique de la BoJ provoquerait non seulement une crise au Japon, mais "pourrait également avoir des conséquences de grande ampleur" sur les marchés mondiaux, a souligné M. Wilson.

M. Ueda devrait donc avancer prudemment sur une pente aussi glissante. D'autant que la BoJ est moins indépendante du politique que ne le sont la Réserve fédérale américaine (Fed) ou la Banque centrale européenne (BCE).

Si l'économie nippone tombait dans une grave récession et que la Bourse de Tokyo chutait brutalement, "le risque augmenterait pour le Premier ministre Kishida d'être poussé à la démission. Par conséquent, le gouvernement ne voudra pas d'un resserrement monétaire précoce de la BoJ", ont estimé les économistes du Crédit agricole dans une récente note.

Et l'État japonais désire probablement continuer à pouvoir emprunter "de manière stable" au vu de la considérable expansion de ses dépenses dans les prochaines années, notamment pour doubler son budget de la défense, a aussi relevé le cabinet d'études Oxford Economics.

AFP/VNA/CVN

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