>>Un incendie ravage le Musée national de Rio de Janeiro, joyau culturel du Brésil
Manifestants devant le musée national de Rio devasté par un incendie, le 3 septembre. |
Dans le centre de Rio, la place Cinelandia était noire de monde en fin d'après-midi, plusieurs milliers de personnes, dont beaucoup d'étudiants en art, manifestant leur indignation contre ce que les dirigeants du musée eux-mêmes ont considéré comme une "tragédie annoncée". En fin de matinée, près de 500 étudiants et chercheurs liés au musée, la plupart vêtus de noir, s'étaient rassemblés devant les décombres encore fumants, formant une chaîne humaine pour "enlacer" l'ancien palais impérial du XIXe siècle.
Auparavant, des manifestants avaient jeté des pierres sur les policiers et forcé l'entrée de l'enceinte du Musée, a constaté un photographe de l'AFP. Certains scandaient "Dehors Temer!" à l'adresse du président brésilien. "Il ne suffit pas de pleurer. (...) Il faut que la population soit indignée. Une partie de cette tragédie aurait pu être évitée", a lancé Alexandre Keller, directeur du musée. "Le gouvernement doit aider le musée à reconstruire son histoire", a-t-il ajouté, pointant du doigt les coupes budgétaires pour la conservation du musée.
Le président Michel Temer a annoncé dans un communiqué la création d'un fonds financé par un groupe d'entreprises publiques et privées pour permettre "la reconstruction du musée dans les plus brefs délais". Le ministre de l'Éducation, Rossieli Soares, a par ailleurs affirmé à des journalistes que 10 millions de réais (environ 2,07 millions d'euros) seraient débloqués de façon "immédiate" et qu'une aide internationale serait sollicitée. L'UNESCO a déploré "la plus grande tragédie de ces derniers temps pour la culture brésilienne" et a dénoncé "la fragilité des mécanismes de préservation des biens culturels" dans le pays.
"Seuls 10% préservés"
Considéré comme le plus grand musée d'histoire naturelle d'Amérique Latine, le Musée national, qui a célébré en juin son bicentenaire, abritait environ 20 millions de pièces de valeur inestimable et une bibliothèque de plus de 530.000 titres.
Un pompier devant l'entrée du musée national de Rio dévasté par un incendie, le 3 septembre |
Parmi les pièces inestimables carbonisées, une collection égyptienne, une autre d'art et d'artéfacts gréco-romains, des collections de paléontologie comprenant le squelette d'un dinosaure trouvé de la région de Minas Gerais, ainsi que le plus ancien fossile humain découvert au Brésil, "Luzia". Un des seuls vestiges préservés est l'énorme météorite de plus de cinq tonnes qui trône toujours devant l'entrée, désespérément seule au milieu des cendres et des murs calcinés.
"Les seules choses qui ont pu être sauvées sont quelques céramiques, la météorite et quelques pierres", a expliqué la directrice adjointe du Musée, pour qui seulement "10%" des collections ont été préservées. "Je suis venu dire au revoir", a commenté sobrement un étudiant qui participait à la manifestation, avant d'enlacer un collègue, comme lui ému aux larmes.
"C'est le Brésil tout entier qui part en fumée, c'est une catastrophe indescriptible pour ceux qui défendent l'histoire et la culture", a déclaré Valeria Rivera, technicienne de restauration, qui travaillait au musée depuis 2012. Plombé par une dette publique abyssale et des scandales de corruption à répétition, le Brésil, qui sort timidement d'une récession historique, a effectué ces derniers mois de nombreuses coupes budgétaires dans les secteurs de la recherche, de la culture et de la science.
Le ministre de la Culture, Sergio Sa Leitao, a reconnu que "la tragédie aurait pu être évitée" et que "les problèmes s'étaient accumulés au fil du temps" pour l'établissement. L'incendie du Musée national a également suscité l'émotion en dehors du Brésil. "L’incendie du musée de Rio est une tragédie. C'est une histoire et une mémoire majeures qui partent en cendres. La France mettra ses experts au service du peuple brésilien pour aider à la reconstruction", a réagi sur Twitter le président français Emmanuel Macron.
En 1978, un incendie dramatique avait déjà dévasté le Musée d'Art Moderne de Rio, carbonisant notamment plusieurs toiles de Miro et de Picasso.
AFP/VNA/CVN