Inflation et dépréciation monétaire au programme de la rentrée des classes au Vénézuela

Comment payer à ses enfants 12 crayons quand le salaire minimum n’atteint pas 3 USD ? Pour les parents d’élèves vénézuéliens la rentrée des classes se résume à une équation à deux variables : dépréciation de la monnaie et hyperinflation à 7 chiffres.

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Des mères de famille achètent des cahiers sur un marché à Caracas, le 11 septembre 2019.
Photo : AFP/VNA/CVN

"Tout est ultra cher", se plaint Asiscla Velasquez, 57 ans, en jetant un coup d’oeil à la liste des fournitures scolaires de sa petite-fille de 13 ans qui retourne au collège lundi 16 septembre, comme tous les élèves du pays.

Au Venezuela, les courses de pré-rentrée tiennent surtout de la course contre la montre. Plus les parents d’élèves attendent avant d’acheter crayons, cahiers et cartables, plus chute leur pouvoir d’achat en bolivars, la devise vénézuélienne. Pour preuve : entre juillet et septembre le USD est passé de 6.721 à plus de 21.200 bolivars.

Et pendant que la valeur nominale des salaires payés en bolivars reste la même, les prix des biens vendus en bolivars explosent : l’inflation devrait même atteindre 1.000.000% cette année, selon le Fonds monétaire international (FMI).

Alors, la maigre retraite de professeur des écoles que touche Asiscla Velasquez ne suffit même pas pour acheter les cahiers dont sa petite-fille a besoin.

"Les salaires réels sont pulvérisés", résume l’économiste Jesus Casique, directeur de Capital Market Finance. Et les perspectives ne sont pas bonnes, selon lui, dans ce pays où le salaire mensuel minimum équivaut à environ 1,40 USD auquel s’ajoute un "bon alimentaire" de 1,20 USD...

Il y a encore peu, Asiscla Velasquez considérait taille-crayons, colle et autres feutres comme des babioles qu’elle achetait "sans aucun problème".

Pour aider son fils à se maintenir à flot et payer les frais scolaires de sa petite-fille, elle donne des cours particuliers aux camarades de classe de celle-ci.

Planche à billets

Un vendeur de fournitures scolaires compte son argent à Caracas, le 11 septembre 2019.
Photo : AFP/VNA/CVN

"Certaines personnes prennent peur" en voyant les prix, explique Royner Vasquez, vendeur de fournitures scolaires dans un marché de Caracas. Et il le reconnaît : les ventes ont baissé.

Pour tenter de faire front, le président socialiste Nicolas Maduro a approuvé cette semaine le déblocage de l’équivalent de 130 millions de USD pour équiper les écoles et trois autres millions destinés à l’achat de cartables ou de cahiers distribués ensuite gratuitement aux élèves.

Mais le fond de l’affaire, la très grave récession que traverse le Venezuela, est très loin d’être résolu.

Le Venezuela souffre de la dégringolade de sa production de pétrole, dont l’exploitation représente 97% de ses revenus, et de l’éventail de sanctions économiques qu’a prises l’administration américaine pour mettre Nicolas Maduro sous pression. Le PIB s’est contracté de 47,6% entre 2013 et 2018.

Et, pour compenser le déficit public - entre 12 et 14% du PIB cette année - le gouvernement a fait marcher la planche à billets, ce qui a fait exploser l’inflation, selon l’économiste Jesus Casique.

Au début de l’année, le gouvernement a pris une série de mesures pour réduire les liquidités et a encore un peu plus assoupli le contrôle des changes qu’il maintient depuis 2003 pour essayer de capter des devises étrangères.

Les remesas, bouée de sauvetage

Des parents d’élèves achètent des fournitures scolaires à Caracas, le 11 septembre 2019.
Photo : AFP/VNA/CVN

Pendant un temps, l’inflation et la dépréciation du bolivar ont quelque peu décéléré, mais elles sont reparties de plus belle au printemps.

Pour les Vénézuéliens, bien souvent, les remesas, l’argent envoyé par leurs proches installés à l’étranger, sont la seule bouée de sauvetage. Elles représentent environ 3 milliards de USD par an, selon des estimations indépendantes.

C’est grâce aux remesas qu’Elba Seijas élève la fille de 9 ans d’une amie partie tenter sa chance à l’étranger, comme les 3,6 millions de Vénézuéliens qui ont quitté le pays depuis 2016. Sans les remesas envoyées par la mère de la fillette, explique Elba, il lui serait "impossible" d’acheter les fournitures scolaires.

Mais le USD n’est pas non plus la panacée : selon le cabinet Ecoanalitica, le pouvoir d’achat du billet vert au Venezuela a été divisé par 10 depuis 2018.

AFP/VNA/CVN

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