Industrie : le COVID-19 limite l’approvisionnement en matières premières

Les secteurs utilisant des matériaux importés de Chine sont gravement touchés par l’épidémie de COVID-19. La fabrication et la transformation, qui représentent la part du lion du secteur industriel, sont les plus durement impactées.

>>Entreprises cherchent matières premières désespérément

"Un virus peut avoir des conséquences plus puissantes que n’importe quelle action terroriste", a considéré le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus.

En effet, si le bilan continue de s’alourdir, le coronavirus ne sera pas sans conséquence sur de nombreux secteurs industriels. Au Vietnam, les plus durement touchés sont le textile, l’électronique, l’automobile, ainsi que l’industrie du cuir, de la chaussure et des sacs à main, selon le ministre de l’Industrie et du Commerce, Trân Tuân Anh. Fin février à Hanoï, il a présidé une réunion visant à faire le point sur l’impact du COVID-19 concernant l’économie du pays. "Le secteur de la fabrication et de la transformation du Vietnam dépend largement des matériaux et des pièces importés de République de Corée, de Chine et du Japon", a-t-il expliqué.

Le COVID-19 pèse de plus en plus sur les entreprises exportatrices, dont celles des secteurs du textile-habillement, de la chaussure et du cuir.
Photo : VNA/CVN


L’an dernier, par exemple, les composants électroniques importés de ces trois pays au Vietnam représentaient respectivement 16,8 milliards, 13,8 milliards et 1,7 milliard d’USD. Par ailleurs, à la pénurie de matières premières s’ajoutent les difficultés d’écoulement des produits. Ces trois pays représentent une part importante du marché des produits les plus exportés du Vietnam tels que les vêtements, les chaussures, les sacs à main et ordinateurs.

Une production au ralenti

Cette année, le Vietnam vise environ 42 milliards d’USD d’exportations textiles et quelque 24 milliards de produits du cuir et de la chaussure. Un objectif difficile à atteindre dans ce contexte de crise causée par le COVID-19 : l’industrie textile nationale importe actuellement 99% du coton, 70% des fibres et 80% des tissus, la Chine étant en tête des fournisseurs.

D’après Truong Van Câm, secrétaire général de l’Association du textile et de l’habillement du Vietnam (Vitas), plusieurs entreprises textiles vietnamiennes importent des matières premières de Wuhan. "Les fermetures d’usines dans les provinces touchées par le virus ont affecté un grand nombre d’entreprises. Le nouveau coronavirus menace une pénurie de matières premières dans les mois qui viennent", a-t-il déploré.

Partageant cet avis, un responsable du ministère du Plan et de l’Investissement a indiqué que le textile, l’électronique, l’automobile, la chaussure, la sidérurgie, la fabrication sont pour les secteurs les plus impactés, car leurs matières premières proviennent majoritairement de Chine.

Par ailleurs, les difficultés d’importer des intrants de production nécessaires à de nombreux d’investissements chinois perturbent l’avancement des projets au Vietnam. Beaucoup de cadres, ingénieurs et experts chinois manquent à l’appel en raison des restrictions de voyage dues à l’épidémie.

Au 1er trimestre 2020, la croissance du secteur industriel du Vietnam devrait ralentir en raison des impacts négatifs du SARS-Cov-2, a prévu le Département général des statistiques (GSO).

Selon le GSO, le secteur de la fabrication et de la transformation ne devrait progresser que de 2,38% contre les 10,47% estimés avant l’épidémie. Le textile ne connaîtrait qu’une croissance de 1,9%, l’habillement de 1,5% et le secteur du cuir et de la chaussure augmenter de 0,5%. Sans le COVID-19, la croissance de ces filières auraient d’atteindre respectivement 10,5%, 7,9% et 8,5%. La production automobile et de métaux pourrait également ralentir, n’augmentant que de 6,9% et 5,2%.

Le GSO a donc proposé au gouvernement de remédier aux goulets d’étranglement afin d’accélérer la mise en œuvre des grands projets d’investissement public à l’échelle nationale. Il s’agit d’entreprendre des mesures de soutien, telles que la recherche de fournisseurs alternatifs, la réduction des droits d’import et d’export, la stimulation de la consommation intérieure.

De son côté, le Premier ministre Nguyên Xuân Phuc a souligné l’importance de combattre l’épidémie et de stimuler le développement socio-économique, appelant à trouver des solutions pour stabiliser la production domestique et soutenir le secteur tertiaire. Il faut également restructurer l’économie et réduire les dépenses publiques et les taxes appliquées à certains services. Le gouvernement doit aider les entreprises à trouver de nouvelles opportunités pour compenser les pertes du marché chinois, a-t-il indiqué.

Les efforts des entreprises

En 2020, le Vietnam vise 24 milliards d’USD d’exportation de produits du cuir et de la chaussure. Un objectif difficile à atteindre.
Photo : VNA/CVN

Face aux difficultés liées à l’approvisionnement en matières premières, les entreprises ont rapidement trouvé des solutions pour importer d’autres pays ou stimuler la fabrication de produits. Ainsi, le Groupe national du textile et de l’habillement du Vietnam (Vinatex) a décidé de se concentrer sur la production de masques de protection, en particulier des masques antibactériens de la SARL unipersonnelle de tricotage Dông Xuân (Dêt Kim Dông Xuân). C’est une mesure de sauvetage, visant à aider les entreprises textiles à faire face aux difficultés causées par le COVID-19.

Hormis Dêt Kim Dông Xuân, d’autres compagnies de confection comme Nhà Bè, Huê, Hô Guom… se sont aussi lancées dans la production de masques de protection, produisant chaque jour de 450.000 à 500.000 unités. Cependant, environ 90% des sociétés nationales sont des petites et moyennes entreprises (PME), nécessitant le soutien de l’État pour accélérer leur production.

Le Vietnam importe actuellement environ deux tiers des matières premières de Chine. Le volume importé avant le Têt traditionnel (Nouvel An lunaire) répond seulement aux commandes de février et l’industrie textile s’attend à une pénurie en mars. À l’heure actuelle, l’approvisionnement en matières premières et la logistique sont deux difficultés majeures pour les entreprises textiles et du cuir et de la chaussure. Le transport de marchandises par voies routière, ferroviaire et aérienne reste limité. Par conséquent, les entreprises ne peuvent pas garantir l’approvisionnement de leurs produits.

Selon Vitas, un certain nombre d’entreprises envisagent d’importer leurs matières premières vers d’autres marchés tels que l’Inde, le Bangladesh ou le Brésil... pour compenser la pénurie à venir. Une solution temporaire car les prix des partenaires chinois sont toujours plus bas que ceux des autres pays fournisseurs. Une alternative qui pourrait entraîner une hausse des coûts des produits finis, réduisant la compétitivité des marchandises du Vietnam. De plus, le salaire des travailleurs et les frais d’entretien des machines sont aussi des préoccupations de taille.

"Dans le cas où l’épidémie en Chine continuerait de sévir dans les prochains mois, ces secteurs, au Vietnam et partout ailleurs, devront affronter de grands défis", a estimé un représentant de Vitas. Selon lui, le gouvernement doit soutenir les PME vietnamiennes, notamment dans l’accès aux crédits à taux préférentiel pour maintenir et assurer la production. À ce titre, le Vietnam renforcera son appel envers les multinationales à investir, surtout celles qui jouissent d’un avantage en termes de technologies, de capitaux et de compétences de gestion telles que l’Union européenne et les États-Unis.

Thê Linh/CVN

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