Industrialisation, supermarchés : le bio risque-t-il de perdre son âme ?

Alors que l'alimentation bio se démocratise de plus en plus dans les assiettes des Français, une bataille commerciale féroce se développe entre les magasins historiques spécialisés et les grandes surfaces.

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Poulet bio vendu dans un supermarché Auchan en 2017.
Photo : AFP/VNA/CVN

Tout le monde veut du bio, la tendance est là. Et en 2018, la grande distribution, qui par ailleurs traverse quelques difficultés, a enregistré quasiment la moitié des achats des ménages, avec 4,47 milliards d'euros de chiffre d'affaires sur 9,1 milliards de produits bio achetés dans l'Hexagone.
En face, les 1.500 points de vente des enseignes spécialisées historiques (la Vie Claire, Naturalia, Biomonde, L'eau vive, Biocoop, etc.) ont vendu pour 3,1 milliards d'euros, soit le tiers du total (le reste correspond aux ventes en ligne, directes ou de petits commerçants indépendants).
Mais la progression des enseignes spécialisées entre 2017 et 2018 (+7,7%) est bien moindre que celle de la grande distribution (+22,6%), qui a fortement développé ses linéaires et gammes bio en marque de distributeur comme en marque nationale.
Après une polémique au printemps sur le chauffage des serres, faisant craindre une industrialisation à marche forcée de l'agriculture bio au mépris de ses "valeurs" de respect des saisons et de la terre, suivie d'une deuxième polémique à la rentrée, cette fois sur les marges des produits frais en grande surface, l'Agence bio, chargée d'accompagner le développement de l'alimentation bio en France, a mis les pieds dans le plat.
Lors des "Assises de la bio" qu'elle a organisées jeudi 14 novembre à Paris, elle a invité de grands acteurs du secteur à venir expliquer leur vision de la bio, dont Michel-Edouard Leclerc, patron du groupe éponyme, et Benoit Soury, directeur du Bio chez Carrefour et représentant de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD).
"Dérive"
Avant ce rendez-vous, le syndicat regroupant les enseignes spécialisées, le Synadis bio, avait lancé mercredi 13 novembre une campagne de communication satirique dénonçant les risques de "dérive" du secteur avec le développement des ventes en grande distribution qui pourraient faire baisser le niveau des exigences requises sur la qualité des produits.

Poireaux bio vendus dans un supermarché à Saintes en 2018.
Photo : AFP/VNA/CVN

"Certes on fait du bio, mais notre spécialité ça reste de faire de l'argent", clame, dans un clip lancé sur les réseaux sociaux, un personnage incarnant un responsable de grand magasin en train de traverser un verger de pommiers.
Benoit Soury, historique de la filière bio en France, s'est déclaré "très choqué" par ce film, où la grande distribution endosse le mauvais rôle, alors que l'agriculteur est vu comme un vassal des grandes surfaces.
"J'ai bien aimé ce film", a au contraire réagi Michel-Edouard Leclerc en jubilant. "Il faut le voir comme une parodie des films que j'ai aimé faire, il faut le prendre au deuxième degré".
Le médiatique patron, adepte des provocations de communication au nom de la défense des consommateurs, est néanmoins resté assez évasif et même contradictoire sur sa vision de la bio.
Il a plaidé d'une part pour une augmentation vers le haut des exigences des cahiers des charges bio, qui devraient s'ouvrir aux enjeux sociaux (garantir une rémunération des agriculteurs par exemple) selon lui, tout en s'étonnant d'autre part que des producteurs bretons de tomates en serres chauffées ne puissent prétendre au label bio, alors que leurs concurrents néerlandais l'ont.
De son côté, Benoit Soury a fait valoir l'action menée dans la bio par le groupe Carrefour qui accompagne 1.800 éleveurs, agriculteurs et viticulteurs bio ou en conversion, avec des contrats sur cinq ans, et des engagements d'achat de production, voire du financement pour compenser les retards de paiement des subventions européennes.
Pour accompagner le lancement de petits projets en régions, le groupe a lancé un fonds de financement participatif (Jeparticipe) avec Miimosa qui a recueilli quelque 400.000 euros depuis le début de l'année, et un fonds "Act for Food" financé par ses actionnaires à hauteur de 1,5 million d'euros pour de gros projets structurants : le dernier en date repose sur de la production de canne à sucre bio à La Réunion.
Pour tenter de réconcilier des visions différentes, l'Agence bio réfléchit aux moyens de muscler les exigences du logo français du bio AB, qui sont pour l'instant exactement identiques à celles du logo européen en forme de feuille verte.

AFP/VNA/CVN

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