Indignation internationale après une journée noire pour les journalistes afghans

L'indignation était générale mardi 1er mai au sein de la communauté internationale après la journée noire vécue lundi 30 avril par la presse en Afghanistan, où dix journalistes ont été tués après avoir été "délibérément ciblés" selon l'ONU.

>>Double attentat suicide: plus de 20 morts dont un photographe de l'AFP

Des amis et des proches du chef de la photo à Kaboul, Shah Marai Faizi, rassemblés au moment de ses funérailles à Kaboul, le 30 avril.
Photo: AFP/VNA/CVN

Un double attentat-suicide revendiqué par le groupe jihadiste État islamique a frappé la capitale tôt lundi 30 avril, faisant au moins 25 morts, dont neuf journalistes, parmi lesquels le chef photographe de l'AFP à Kaboul, Shah Marai, 41 ans. Un reporter afghan de la BBC a été abattu quelques heures plus tard à Khost (Sud-Est). Après un premier attentat contre le siège des services de renseignement afghans (NDS), un second kamikaze portant une caméra s'est fait exploser au milieu des journalistes venus couvrir l'attaque, selon la police.

D'après Reporters sans frontières (RSF), il s'agit de l'attentat le plus mortel contre les médias depuis la chute des talibans en 2001. Des journalistes de Radio Free Europe, de la chaîne afghane Tolo News et de 1TV font partie des victimes. Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a fait part de son "indignation" après le double attentat, qui a également fait 49 blessés.

"Le ciblage délibéré de journalistes dans cette attaque souligne une fois de plus les risques que les professionnels des médias prennent en accomplissant leur travail essentiel", a-t-il affirmé.

Dans une troisième attaque, onze enfants ont été tués et seize personnes blessées, dont des militaires roumains et afghans, quand un autre kamikaze a fait exploser sa voiture piégée contre un convoi de l'Otan dans la province de Kandahar (Sud).

Acte "insensé"

La Maison Blanche a dénoncé mardi 1er mai un "acte insensé et odieux" alors que le secrétaire d'État américain, Mike Pompeo, a dénoncé des attaques "insensées et barbares". "Le meurtre de journalistes et d'autres personnes innocentes est un fort symbole de ce qu'on défend et surtout de ce à quoi on s'oppose", a pour sa part commenté le secrétaire de la Défense américain Jim Mattis.

"Le dynamisme du paysage médiatique qui s'est développé en Afghanistan perdurera, en grande partie grâce à ces journalistes (...) morts tragiquement dans l'attaque, mais dont le travail courageux et loyal a permis de poser les fondations de médias florissants, résilients et indépendants en Afghanistan", a-t-il remarqué. La BBC a confirmé que son reporter Ahmad Shah, âgé de 29 ans et qui travaillait pour la chaîne depuis plus d'un an, a été abattu par des hommes armés non identifiés à Khost et que la police enquêtait sur leurs motivations.

Ces attaques surviennent quelques jours après l'annonce d'une offensive de printemps par les talibans, rejetant tacitement une offre de pourparlers de paix formulée par le chef de l'État afghan, Ashraf Ghani.

L'ONU doit adresser "un signal fort à la communauté internationale et aux protagonistes locaux en nommant un Représentant spécial pour la protection des journalistes", a déclaré le secrétaire général de RSF Christophe Deloire, dont l'organisation a recensé le décès de 34 journalistes en Afghanistan depuis 2016.

En 2016, sept employés de la chaîne de télévision Tolo avaient péri lors d'un attentat-suicide revendiqué par les talibans. En novembre 2017, des hommes armés ont pris d'assaut la télévision privée Shamshad TV, faisant un mort. Quelques heures après cette attaque, Shamshad reprenait ses retransmissions, l'un de ses présentateurs, les mains bandées, commentant l'assaut tandis que son directeur affirmait, défiant: "Ils ne peuvent pas nous réduire au silence".

Démocratie

Né à Kaboul en 1977, Shah Marai travaillait pour l'AFP dans la capitale afghane depuis 1996 et en était devenu un pilier. Grand gaillard mince aux yeux bleus très clairs, il a largement contribué à la couverture des événements lorsque l'Afghanistan était sous le régime taliban ainsi qu'au moment de l'invasion américaine de 2001 et de tous les rebondissements qui ont suivi.

Shah Marai, chef photographe de l'AFP, à son bureau en 2010 à Kaboul.
Photo: AFP/VNA/CVN

Durant sa carrière à l'AFP, il a été battu et menacé par les talibans, et a perdu plusieurs proches dans le conflit ravageant son pays, notamment son collègue et ami Sardar Ahmad, journaliste senior du bureau de Kaboul, abattu avec sa femme et deux de ses trois enfants lors d'une attaque revendiquée par les talibans en 2014.

Marai, était père de six enfants, dont une petite fille née il y a deux semaines. Il a été enterré lundi en fin de journée dans son village natal de la plaine de Chamali, au nord de Kaboul. "Cette tragédie nous rappelle le danger auquel nos équipes doivent sans cesse faire face sur le terrain et le rôle essentiel des journalistes pour la démocratie", a réagi Fabrice Fries, PDG de l'AFP.

AFP/VNA/CVN

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