Impériale rencontre

Avec un nombre impressionnant de sites inscrits au patrimoine mondial, impossible d’échapper à la visite d’un de ces monstres sacrés à Huê (Centre), lorsque l’on séjourne au Vietnam. Témoignage.

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Vue impériale sous un soleil de plomb.

Depuis que j’ai élu domicile au Vietnam, je suis passé par différentes étapes de l’expatriation : la surprise, la découverte, l’incompréhension puis la compréhension, l’assimilation et enfin l’acculturation. Bien que le résultat puisse conduire à une sorte d’habitude blasée au contact de ce qui émerveille les touristes, je conserve toujours une part d’étonnement qui me permet de retourner plusieurs fois au même endroit, et de déceler de nouveaux charmes. C’est notamment le cas pour certains joyaux du Vietnam : la Citadelle et la Cité impériale, et les Tombeaux des empereurs Nguyên, à Huê (Centre). Pas une année sans que j’y fasse deux ou trois incursions pour les faire admirer à mes visiteurs. Et à chaque fois, je me souviens de la première rencontre avec ces vénérables pierres… ou briques !

Chaleureux accueil

Ce jour-là, l’ami d’une relation de travail doit nous piloter toute la journée pour partir à la découverte de la Cité impériale, du Tombeau de Tu Duc - empereur d’Annam (1848-1883) -, et de la Pagode de la Dame Céleste.

C’est sous une chaleur impériale que nous franchissons à 09h00 du matin la Ngo Môn, la Porte du Midi de la Cité impériale. Comme tout le monde, je donne à manger aux carpes goulues des Hô Thai Dich, et je me dis que je n’aimerais pas tomber par inadvertance dans ces étangs : m’étonnerais pas qu’elles soient cannibales ces carpes impériales !

Vue de la Porte du Midi.

Puis tout s’enchaîne : la salle d’audience solennelle aux couleurs magnifiques, la salle d’exposition à la chaleur étouffante, les chaudrons à faire frire les rebelles (sévères, les colères impériales), le temple dédié aux empereurs, où je découvre l’ensemble de la dynastie des Nguyên (1802-1945), et puis les appartements, les chambres, les bureaux, les temples, les jardins… Bref, tout ce que tous les guides touristiques présentent en long et en large.

En fait, de Cité, j’ai d’abord une impression de Tour de Babel. Autour de nous, les guides s’expriment dans la moitié des langues de la terre pour des touristes qui viennent du monde entier. Je ne serais pas surpris d’entendre parler hottentot ou patagon. J’ai d’ailleurs l’impression que nous sommes les seuls à parler en vietnamien.

Désireux de perfectionner mon vietnamien, j’entame la conversation avec des personnes qui me paraissent, de prime abord, être Vietnamiens. Les premiers sont en fait des Américains qui ne parlent pas vietnamien, les seconds ne parlent que français, les troisièmes sont Lao…

Bánh ướt, une des spécialités de Huê (Centre).

J’arrête mes cours de langue, et je termine la visite, en me liquéfiant totalement sous le soleil impitoyable qui, à mon avis, ne doit pas apprécier que la Cité impériale de Huê lui fasse de l’ombre. Heureusement, le restaurant qui nous accueille est climatisé. Quel plaisir de déguster le «bánh ướt» et le «bún thịt nướng» dans cette ambiance !

Impérieuse méditation

Pour la digestion, quoi de mieux que de visiter le Tombeau de Tu Duc. La promenade sous les pins est agréable, et l’ambiance du site force à la sérénité. Quoique… en m’imaginant l’Empereur y résidant avec ses concubines, je me perds en conjectures sur le calme qui pouvait régner en ces lieux.

Tiens, puisque l’on évoque ces concubines, je me permets une autre remarque ! D’elles, il ne reste aujourd’hui que la trace des souvenirs. Des maisons qui les accueillaient, il ne reste que quelques fragments de murs. Mais rien d’autres, pas de preuves tangibles de leur existence…

Elles en ont vu passer ces dalles en terre cuite !

Or, si l’on observe attentivement les dalles de terre cuite qui couvrent les allées et les esplanades du site, on y voit les empreintes laissées par les chats et les chiens qui vivaient du temps de l’empereur, alors que les dalles n’étaient pas encore sèches. Ces modestes animaux ont laissé, pour les générations futures, une trace plus durable que les concubines. Quelle réflexion sur la vacuité de nos vies !

Allez, pardonnez ces irrévérences, et laissez-moi terminer la visite en profitant de la quiétude du site ! J’aime à imaginer l’empereur, déambulant dans ce monde d’harmonie et réfléchissant aux vicissitudes du pouvoir en des temps difficiles.

Empire des sens

Quittant l’ombre de Tu Duc, nous rejoignons la Pagode de la Dame Céleste pour retrouver calme et tranquillité.

La pagode de la Dame Céleste.

Je suis touché par la spiritualité qui se détache de cet endroit, et j’ai même l’occasion d’échanger quelques mots avec le vénérable bonze qui s’occupe de l’éducation des nombreux petits novices qui en fréquentent l’école bouddhiste.

C’est dans la douceur d’un crépuscule d’été que nous regagnions Huê, en faisant la route buissonnière parmi des maisons-jardins nichées au milieu d’une végétation luxuriante, le long d’un paisible ruisseau. Après les fastes de l’Empire ce matin, le charme de cette escapade vespérale constitue un excellent contrepoint.

Notre journée s’achève par un repas en terrasse, sous les lanternes, au bord de la Rivière des Parfums. Nous apercevons l’ancien Pont Clemenceau, le Truong Tiên, illuminé de couleurs changeantes, comme une invitation à rester éternellement ici.

Pont Truong Tiên (ancien pont Clemenceau), qui se reflète dans la rivière Huong, à Huê.

Une journée vraiment impériale !

Gérard BONNAFONT/CVN

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