>>Un serpent comme porte-bonheur
>>Serpents venimeux : un moyen dangereux pour gagner la vie
La chasse aux serpents venimeux est considérée comme un métier rentable dans le district de Cu Chi, en banlieue de Hô Chi Minh-Ville. «Je chasse les mocassins depuis douze ans. Un métier dangereux, oui, mais lucratif, grâce auquel ma famille a une vie confortable», confie Nguyên Van Loi, 45 ans, habitant de la commune de Binh My, au bord du fleuve Saigon.
Il sort de chez lui et revient avec un grand python dans les bras. Une scène qui ébahit les visiteurs. «Je l’élève depuis des années. Il est doux et inoffensif, pas comme le mocassin qui est prêt à mordre celui qui le touche», explique Nguyên Van Loi. Pour lui, le mocassin est parmi les espèces de serpents les plus venimeuses, comme le crotale des bambous (vert et à queue rouge), le cobra (serpent à lunettes), le bongare annelé ...
Pour le chasseur de serpents, la moindre inadvertance se paie cher. |
Photo : TT/CVN |
Le salaire de la peur
Selon le chasseur, la saison de reproduction des serpents venimeux tombe entre les 6e et le 9e mois lunaires. C’est la période où ils sortent de leur repaire à la recherche de nourriture et d’un partenaire. Pour les capturer, différentes techniques sont employées : déterrage, électrocution, nasses (en bambou ou en treillage métallique) ...Van Loi est un fervent adepte de la nasse, «simple, bon marché mais très efficace». D’un mètre de long et 15 cm de diamètre, la nasse est équipée aux deux extrémités de deux couvercles au travers desquelles le reptile peut entrer, mais ne pas ressortir.
Van Loi possède une centaine de nasses qu’il place dans les broussailles et sur les berges du fleuve Saigon. Dans chacune, il introduit un crapaud vivant capturé autour de chez lui. «Le résultat est aléatoire. Un jour de chance, je peux capturer quatre ou cinq serpents, et gagner plusieurs millions de dôngs. L’autre jour, je dois rentrer bredouille», avoue le chasseur, ajoutant qu’un mocassin se négocie 300.000 dôngs et plus.
Un métier lucratif certes, mais dangereux. «Une fois mordu, on peut mourir en quelques jours si l’on est pas traité convenablement», explique Van Loi. Le chasseur doit toujours être prudent, la moindre inadvertance se paie cher. Selon lui, le mocassin piégé est particulièrement agressif. Il dresse la tête, gonfle le cou, siffle sans cesse, prêt à mordre. «Un jour que j’étais en train de saigner un mocassin pour en retirer la bile à la demande d’un client, j’ai été mordu à la main. Un accident professionnel imprévu. Dieu merci, ma main est suffisamment calleuse pour neutraliser la morsure !», s’amuse le chasseur.
Un métier lucratif certes, mais dangereux. |
Crotale des bambous
Vo Van Dung, 51 ans, habitant la commune de Tân Phu Trung, a déjà quinze ans d’ancienneté dans la chasse aux serpents. «Impossible de me souvenir du nombre de serpents que j’ai capturés», se vante-t-il. Accompagné de visiteurs curieux, il va chercher ses nasses cachées ici et là dans les broussailles aux bords des rizières. Devant une touffe d’herbes folles, il se courbe puis s’exclame : «Ah ! Une couleuvre !». Lestement, il prend la nasse avec la main gauche et saisit la tête de l’animal avec la main droite, l’en retire, puis le met dans un sac. «C’est un serpent non venimeux. Mais, gare aux mains, si c’est un cobra ou un mocassin», avertit-il.
À la différence de Nguyên Van Loi qui cible les mocassins, Vo Van Dung chasse toutes les espèces. À ses débuts, il cherchait leurs repaires. Depuis cinq ans, il choisit de les chasser avec des nasses. «J’ai plus de 60 nasses. J’y mets des rats vivants comme appâts, ils pullulent dans cette région rizicole», révèle-t-il.
Selon lui, la chasse du crotale des bambous est tout à fait différente. Ce serpent venimeux, de petite taille, est arboricole. Posé sur les branches, il est quasi invisible. Celui qui passe par là et qui par mégarde le touche risque d’être mordu. Il faut d’abord le jeter à terre, puis appuyer sur la tête avec un bâton, avant de le saisir derrière la tête et le jeter dans le sac. «C’est l’une des espèces les plus meurtrières, et le traitement de sa morsure est coûteux, parfois inefficace», explique Vo Van Dung.
Mais, une chose est paradoxale : si ce crotale des bambous peut servir à la préparation de remèdes traditionnelles, il se vend à vil prix (20.000 dôngs pièce). «Pour cette raison, je ne chasse cette espèce que lorsque l’on me passe commande».
Mille victimes par an
Selon le vice-Professeur et Docteur Trân Quang Binh, chef de la clinique des maladies tropicales de l’hôpital Cho Rây, à Hô Chi Minh-Ville, sa clinique prend en charge chaque année de 800 à 1.000 victimes de serpents venimeux, dont presque la moitié mordus par des crotales des bambous. Les patients viennent pour l’essentiel des districts de Binh Chanh, Hoc Môn, Thu Duc, Cu Chi. «La plupart des espèces de serpents venimeux sont inventoriées dans la liste des animaux sauvages dont la chasse à but commercial est interdite», tient à souligner Dao Van Dang, directeur adjoint du service de foresterie de Hô Chi Minh-Ville.