IA et musique, chant des possibles et régulation à accorder

La musicienne DeLaurentis utilise un chœur d'intelligence artificielle calqué sur sa voix et les rappeurs d'AllttA provoquent le débat avec un avatar vocal de Jay-Z. L'IA en musique oscille entre moteur de création et questions de régulation.

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Le rappeur américain Jay-Z en octobre 2021 à Los Angeles. Photo : AFP/VNA/CVN

"Impossible de remettre le génie dans sa lampe quand il en est sorti", a posté sur Instagram, Young Guru, collaborateur de Jay-Z, au sujet de l'IA.

"L'IA est partout, depuis quelques années, même si on commence seulement à ranger ça sous un vocable unique", constate Alexandre Lasch, du Syndicat national de l'édition phonographique en France (Snep).

Il ne faut pas forcément en avoir peur. "C'est le sens des choses, les technologies ont apporté beaucoup à notre industrie musicale, cette évolution va augmenter le champ des possibles", pose Clarisse Arnou, de l'Union des producteurs phonographiques français indépendants (Upfi), avant de prévenir qu'il faut "encadrer".

DeLaurentis, artiste électro française, a plongé en autodidacte dans l'IA. Cette fan du film Blade Runner - dont les protagonistes sont des "réplicants", doubles artificiels d'humains - travaille pour son prochain album (Classical Variations Vol.2, le 9 juin) et la scène avec un "chœur virtuel", développé avec l'aide d'un département technologie chez Sony et de l'Ircam à Paris (Institut de recherche et coordination acoustique/musique).

"Surprends-moi"

Son chœur version IA part de sa voix, "multipliée jusqu'à 21 voix", expose l'artiste. "Ce chœur a un comportement intelligent, avec un timbre et une respiration qui se mettent à ma hauteur". "Je peux lui dire : +tu m'accompagnes en do mineur+ ou bien +surprends-moi+, comme un jazzman qui interagit avec les autres musiciens".

Ici, tout part de DeLaurentis, créatrice et maîtresse d’oeuvre. On est dans le cas où l'IA "peut-être considérée comme un outil d'inspiration", décrit Emily Gonneau, auteure de L'Artiste, le Numérique et la Musique.

Où sont les frontières à ne pas franchir ? David Guetta a utilisé l'IA pour une voix à la façon du rappeur Eminem pour un de ses shows. Le DJ star n'a pas commercialisé ce titre, expliquant à la BBC vouloir "ouvrir la discussion pour une prise de conscience".

Pour "amener une autre pierre au débat", comme le dit leur manager français Yann Nédélec, le groupe franco-américain AllttA vient de dévoiler sur ses réseaux un titre avec un vrai-faux Jay-Z, créé à l'aide d'une IA qui simule jusqu'aux gimmicks vocaux du rappeur américain.

Le DJ français David Guetta en concert au festival "Les plages électroniques" à Cannes, le 7 août 2022.
Photo : AFP/VNA/CVN

"On n'a évidemment pas mis ce titre en distribution commerciale, on veut montrer qu'on est bien dans une zone grise et qu'il y a besoin de réguler", poursuit Yann Nédélec. Ce morceau ne figurera pas sur le nouvel album d'AllttA (Curio, le 12 mai).

"Ça pose problème"

"On ne devrait pas pouvoir prendre votre nom, votre image et votre apparence sans votre permission", déplore Young Guru. Sont ici soulevées les "questions de l'autorisation, du consentement et, en cas d'exploitation commerciale, la notion de personnalité (droit à l'image, voix)", synthétise Emily Gonneau.

"Pour la contrefaçon, il y a des actions légales types, mais le parasitisme (profiter du travail ou de la notoriété d'autrui pour s'enrichir, ndlr) et le droit de la personnalité sont plus compliqués à faire valoir", pointe Alexandre Lasch.

"Dès lors qu'on copie une voix, une mélodie, qu'on la ralentit, l'accélère, ça pose problème, l'ayant droit est rarement consulté, ni rémunéré pour sa création originale. Il y a fort à faire pour encadrer", insiste Clarisse Arnou de l'Upfi, qui est associée à une initiative internationale en ce sens (www.HumanArtistryCampaign.com).

"La technologie va beaucoup plus vite que le droit", constate Alexandre Lasch. Avec 100.000 nouveaux morceaux par jour sur les plateformes, il n'y pas assez de radars, ni de gendarmes. "Je ne suis pas si pessimiste, il va y avoir un rattrapage juridique. Mais est-ce que, d'ici là, l'écosystème et la manière de faire de la musique n'auront pas déjà changé ?", conclut Emily Gonneau.

AFP/VNA/CVN



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