Hô Xuân Huong, un phénomène littéraire

Hô Xuân Huong est une personnalité unique de la littérature vietnamienne. Ses poèmes érotiques très évocateurs ont choqué plus d’une fois le puritanisme féodal.

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La femme est l’un des thèmes préférés de la poétesse Hô Xuân Huong.
Photo : CTV/CVN

On joue une pièce sur elle. La vieille femme d’un feu mandarin lettré confucéen écrit un roman sur elle. Les chercheurs, au Vietnam et dans le monde, continuent à s’intéresser à elle.

On lui ouvre la grande porte dans l’enseignement scolaire. Ce qui équivaut à une mini-révolution sexuelle dans un pays comme le Vietnam.

Le tabou est levé sur elle.

Elle, c’est Hô Xuân Huong, poétesse du XVIIIe siècle, l’"enfant terrible" de la littérature classique du Vietnam.

Un phénomène à part

À part en tant que femme revendiquant la vie sexuelle face à la pudibonderie féodale.

Couverture d’un livre sur la poétesse Hô Xuân Huong.
Photo : CTV/CVN
Photo : CTV/CVN

À part en tant qu’écrivain battant en brèche les règles et les habitudes qui enchaînaient encore la littérature vietnamienne aux conceptions chinoises.

Dans son siècle troublé, elle dénonce avec un talent et une habileté remarquable les faux lettrés, les bonzes ignorants, les mandarins pillards et corrompus, toute une classe dirigeante conservatrice attachée aux principes confucéens qu’elle ridiculise sans pitié. Elle ose défendre ouvertement la fille-mère. Et elle le fait en nôm, idéogrammes qui inscrivent la langue nationale riche de tous les apports populaires.

À l’encontre des lettrés de l’époque, elle aborde directement les thèmes de l’amour charnel, évoque sans retenue mais sans être licencieuse les secrets du corps féminin. Elle le fait dans un style inimitable, y faisant allusion en utilisant la description des objets les plus familiers : éventail, balançoire…

Magnifier le corps humain

Sa poésie très évocatrice, frémissante de sexualité, n’en reste pas moins discrète, et, fait remarquable, elle use seulement du langage quotidien, sans recourir à ces allusions littéraires classiques si fréquentes chez d’autres auteurs. Remarquons que les jeux de mots, les évocations souvent mises en sourdine par le pouvoir incantateur du verbe vietnamien essentiellement musical, sont souvent littéralement intraduisibles.

Banni par le confucianisme, le nu est absent de l’art vietnamien ancien. Exception faite d’un certain nombre de sculptures sur bois populaires qui peuplent la pénombre des maisons communales de village. Seul dans toute la littérature classique, Nguyên Du (XVIIIe siècle) a osé chanter une jeune femme au bain dans trois vers :

Kiêu, dans un bain d’orchidées, trempe son corps, fleur printanière.

Pureté de jade, blancheur d’ivoire

Modelé impeccable, chef-d’œuvre des dieux.

Hô Xuân Huong, elle, n’hésite pas à magnifier le corps humain dans le poème La jeune fille assoupie en plein jour :

Frémissement de la bise d’été venue de l’est

(Mùa hè hây hây gió nôm dông)

À peine allongée, la jeune fille s’assoupit

(Thiêu nu nam choi quá giâc nông)

Le peigne de bambou de ses cheveux a glissé

(Luoc trúc biêng cài trên mái toc)

Le cache-seins rouge glisse et laisse voir les mamelons

(Yêm dào trê xuông duoi nuong long)

Goutte de rosée sur les deux collines du Pays des Fées

(Dôi gò bông dao suong con ngâm)

La source aux fleurs de pêcher ne jaillit pas encore

(Môt lach Dào Nguyên suôi chua thông)

L’homme de bien, hésitant, ne peut en détacher sa vue

(Quân tu dùng dang di chang dut)

Partir lui serait frustrant, mais rester est inconvenant.

(Di thì cung do, o không xong)

Telle se présente Hô Xuân Huong, provocatrice, féministe d’avant l’heure mais existe-t-elle réellement ou sa poésie est tout simplement apocryphe ?

On a parfois mis en doute jusqu’à son existence.

"À ce jour, nous ne disposons pas encore de documents officiels précis sur la vie et l’œuvre de Hô Xuân Huong", notait en 1936 le critique Trân Thanh Mai.

Depuis, les travaux textologiques basés sur ceux de Trân Thanh Mai et surtout de Hoàng Xuân Han ont affirmé l’existence de Hô Xuân Huong.

Les quelque soixante poèmes érotiques traditionnellement attribués à Hô Xuân Huong seraient-ils apocryphes ? Seraient-ils l’œuvre de lettrés anonymes, représentants de la réaction populaire contre l’hypocrisie et la pudibonderie des bien-pensants du régime féodal ? S’il en était ainsi, le mythe attachant de l’ancienne Hô Xuân Huong éclaterait. Et ce serait dommage !

Huu Ngoc/CVN
(Mai 1997)

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