Hanoi : mondialisation et droit de propriété en débat

L'Association des juristes en coopération économique (AJCE) organisera le 2 avril son 5e colloque avec comme thème "Mondialisation et droit de propriété". Le choix de ce sujet est guidé par son actualité. Dans tous les états d'Asie du Sud-Est, le droit de propriété fait l'objet d'une profonde réforme. Cette évolution relativement soudaine ne manque pas d'interpeller les observateurs, qu'ils soient professionnels, universitaires ou étudiants.

Cette effervescence autour du droit de propriété s'inscrit dans un contexte national et international bien particulier. D'une part, les législations internes des États asiatiques connaissent une évolution d'ensemble, conséquence des politiques de renouveau initiées à la fin des années 1980 (le "dôi moi" au Vietnam, les "Nouveaux mécanismes économiques" au Laos, le cadre offert par les Accords de Paris pour le Cambodge). Au plan international, c'est le phénomène de mondialisation qui s'accélère et s'étend, à mesure que s'ouvrent les économies nationales sur un marché mondial progressivement libéralisé. Les États asiatiques ont pleinement participé à ce processus, et c'est certainement dans cette région qu'il est le plus visible. En effet, certains pays ont su parfaitement profiter de cette ouverture, comme le démontre la puissance acquise par la Chine et l'essor du Vietnam, désormais présenté comme un nouveau tigre. Cette participation aux échanges économiques mondiaux a notamment pris la forme de l'adhésion massive des États asiatiques à l'OMC (2001 pour la Chine, 2004 pour le Cambodge, 2007 pour le Vietnam, en négociation avancée pour le Laos) et de la multiplication des accords bilatéraux. À l'échelle régionale, la plus grande zone de libre-échange du monde vient même de voir le jour cette année, regroupant les États membres de l'ASEAN et la Chine.

Cette mondialisation économique utilise largement le moyen du droit pour se réaliser. Ce dernier permet d'assurer la libéralisation progressive des échanges, mais répond aussi à la demande de sécurité juridique des différents acteurs. Si le droit des investissements est en premier lieu concerné, le droit de propriété apparaît comme le second pilier fondamental de cette dynamique. Il est évident que le propriétaire d'un bien ou d'une œuvre sera prêt à mener des activités économiques dans un État dans la mesure où ses droits y sont garantis. Pour les biens, il s'agit de s'assurer de l'exclusivité de la jouissance, de l'usage et de la disposition.

Pour une œuvre de l'esprit, il s'agit de la maîtrise de l'utilisation.

C'est ce dernier aspect, celui de la propriété intellectuelle, qui fût d'abord saisi par le droit international. Les accords ADPIC, adopté dès 1995 par les membres du GATT, imposent aux États candidats à l'OMC l'élaboration d'une législation spécifique portant à la fois sur le droit de propriété industrielle et le droit d'auteur. C'est ainsi qu'en moins d'une décennie, la plupart des États asiatiques ont confectionné un nouveau corps de règles sous l'influence internationale (2002-2003 pour le Cambodge, 2005 pour le Vietnam et 2008 pour le Laos). L'élaboration de ces normes suscita de nombreux commentaires. Cependant, les travaux sur leur mise en œuvre, pourtant essentielle, sont plus rares. Il reviendra dès lors aux différents intervenants d'en dresser un premier bilan.

Le propre du phénomène de mondialisation est d'induire des changements internes par l'accroissement des contacts avec l'extérieur, sur un modèle tendant à une certaine uniformisation. À cet égard, le droit de propriété est particulièrement révélateur. Si le droit de propriété intellectuelle constitue pour nombre d'États asiatiques un droit nouveau, les aspects plus traditionnels de la propriété sont également remis en cause. En effet, l'accroissement des activités économiques conduit à l'explosion des activités immobilières et foncières, comme l'illustre le développement des villes du Sud-Est asiatique. L'essor de ce marché exige l'adaptation du droit de propriété, afin qu'il offre plus de souplesse dans les opérations d'acquisition et de construction, tout en assurant davantage de sécurité au titulaire du titre de propriété. En s'inspirant des systèmes étrangers, les États de la région ont peu à peu entrepris la révision de leur législation foncière et immobilière (2001-2003 pour le Cambodge, révision de la loi foncière de 1993 en 2008 pour le Vietnam et 2003 pour le Laos).

Cependant, ce domaine reste sensible et les évolutions demeurent très progressives. Il appartiendra à nos intervenants de mesurer l'ampleur de ces réformes et d'en tracer les perspectives.

Le colloque aura lieu à la Maison du droit vietnamo-française, (87 Nguyên Chi Thanh, Hanoi).

AUF/CVN

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