Ha Long, la merveilleuse !

Le 11/11/11 à 11h11, le verdict est tombé : la baie de Ha Long, province de Quang Ninh (Nord-Est), fait partie des Sept Nouvelles Merveilles Naturelles du monde.

La baie de Ha Long rejoint ainsi le clan des 21 Merveilles : les Sept Merveilles de l’antiquité, les Sept Nouvelles Merveilles (élues le 07/07/07 à 07h07), et les Sept Nouvelles Merveilles Naturelles… Grande fierté pour le Vietnam, sueurs froides pour moi !

En dehors des fervents militants pour la baie aux 1969 îles, qui se souvient avoir vécu le 11 novembre 2011, à 11h11, un moment historique ? Il fallait sans doute être à Ha Long pour sentir le vent de la destinée souffler sur la baie. En ce qui me concerne, et je vous jure que c’est vrai, à cette date je me trouvais sur l’île de Cát Bà, la plus grosse des 1969, et à 11h11, je dormais (Ciel me pardonne !) Il m’arrive parfois de m’octroyer de longue grasse matinée, et ce jour-là, tandis que les amis que j’accompagnais étaient à la plage, j’améliorais de 20% environ mes capacités d’apprentissage de tâches d’habileté motrice ! Enfin si l’on en croit les études menées à ce sujet… Et, à mon réveil, vers midi, j’étais entré dans un monde nouveau : la baie de Ha Long était devenue une des Sept Merveilles Naturelles du monde.

Se laisser glisser entre les falaises de calcaire festonnées par l’érosion, écrins de magnifiques plages de sable blanc, est un plaisir unique.


Quelle joie !
D’aucun pourrait penser qu’à l’annonce de cette nouvelle, j’aurais pu sauter de joie et remercier tous les génies du ciel, de la terre, de l’air et de l’eau pour cette félicité. Or, je dois à la vérité de dire que j’ai subitement été saisi par une angoisse insoutenable en imaginant les scénarios-catastrophes auxquels je me trouvais brusquement confronté. Une de mes premières préoccupations a été de regarder par la fenêtre pour vérifier que tous les îlots présents dans la baie la veille au soir étaient toujours à la même place. Car enfin, aurais-je été le seul à être conscient du risque majeur qui nous guettait à l’annonce de l’élection de la baie de Ha Long ? Même le plus petit des enfants vietnamiens n’ignore pas que ce que nous croyons être des phénomènes karstiques émergeants des flots ne sont en réalité que les écailles dorsales du dragon qui sommeille dans la baie. Ce sont-ils bien rendus compte, ceux qui ont porté haut et fort la candidature de la baie, quel cataclysme ils pouvaient déclencher ? En effet, dragon ou pas, quand on nous annonce que nous avons réussi un examen, nous avons tendance à manifester notre joie de façon exubérante. Il n’est que de voir la mode actuelle des étudiants universitaires qui envoient violemment en l’air leur chapeau de graduation après leur succès aux épreuves finales. Donc, imaginez comment un dragon peut montrer sa jubilation ! Je conçois très bien qu’il ait pu surgir brusquement des eaux limpides dans lesquelles il paresse depuis des millénaires, en virevoltant au-dessus de la Mer Orientale, hurlant son bonheur à en décoiffer le Fansipan, continuer sa course victorieuse jusqu’au cap Cà Mau (extrême Sud du pays), et finalement, épuisé, aller se coucher du côté de Côn Dao (province de Bà Ria - Vung Tàu). Et alors là, hein ? Les 1969 îles installées là-bas tout au Sud, et une baie de Ha Long qui ressemblerait à une baignoire, avec vue dégagée sur les côtes mexicaines, en passant par le détroit de Haikou… On aurait l’air malin avec une merveille toute nue ! Après quelques minutes d’observation, je me suis rendu à l’évidence que, soit le dragon maîtrise mieux ses émotions que les hommes, soit il n’était pas connecté à Internet, soit il ne s’intéresse pas aux titres que peuvent lui décerner de pauvres humains ! Ma première grande peur étant sans fondement, j’aurais pu profiter tranquillement du spectacle à la fois immobile et changeant de ces éternelles figures minérales qui se mirent dans les eaux irisées de la baie. Mais, une seconde crainte me noua alors  les entrailles…Quel enthousiasme !Si la baie de Ha Long a récolté autant de voix, c’est parce que, déjà, de nombreux visiteurs ont succombé à son charme. Il faut dire que se laisser glisser entre les falaises de calcaire festonnées par l’érosion, écrins de magnifiques plages de sable blanc, est un plaisir unique. Je comprends bien qu’allongé sur son transat à l’ombre d’immenses voiles lattées de bambou, on puisse admirer les formes fières d’un lamparo accosté aux rives d’un village flottant, tout en laissant le vent du large venir rafraîchir le visage. On pourrait rêver vie idyllique à moins ! Mais justement à l’annonce de l’élection, l’objet de ma peur était que d’autres admirateurs, encore plus nombreux, ne s’abattent brusquement sur la baie comme sauterelles sur champ de maïs. Je voyais déjà des flottilles de bacs, bateaux, vedettes rapides, débarquant des bataillons de touristes, bardés d’appareils photos et de caméscopes, pour capturer les reflets des îlots dans la mer ou les derniers rayons du soleil couchant estompant les formes assoupies… J’imaginai des centaines de bateaux remplis à ras bord d’aficionados de la nuit en baie, agglutinés dans des criques, sur fond de musique karaokéenne et de rots de bière en canette… Je conjecturai les mêmes canettes fendant les airs avant de toucher les flots pour rejoindre des sacs plastiques entre deux eaux… Ma merveilleuse baie se transformait peu à peu en décharge touristique ! Vite, je m’empressai de boucler ma valise pour fuir au plus vite cet enfer avant d’être englouti par l’enthousiasme allochtone ! Heureusement, la calme olympien de mon épouse et la sérénité des habitants de l’île ont contribué à ce que je retrouve mes esprits, lesquels se sont totalement apaisés quand j’ai vu que le port n’abritait que le bateau qui devait nous conduire à Hai Phòng.  La ruée ne serait pas pour aujourd’hui !Cette baie, je la connais tellement pour l’avoir sillonnée de long en large depuis 20 ans. J’ai eu le tournis dans les petits bateaux ronds gouvernés par une rame, j’ai sommeillé sur les petits sampans qui glissent d’un village flottant à l’autre ; j’ai attrapé des coups de soleil  sur le pont des grandes jonques qui me conduisaient de la côte aux îles ; j’ai déjeuné royalement dans ces bateaux de pêche à ponts couverts, reconvertis en bateaux de promenade ; j’ai étouffé de chaleur dans les cabines de bateaux ancrés pour la nuit dans une crique isolée… J’ai traversé toutes les baies du Sud au Nord, j’ai découvert en kayak ou en barque les lacs intérieurs après avoir traversé des grottes marines. J’ai exploré toutes les grottes de la Surprise à celle du Pélican. J’ai souffert en escaladant Ti Top. Je me suis baigné en eau profonde, en bord de plage, avec ou sans méduse. J’ai failli tomber mille fois dans les viviers à poissons et ceux à huîtres perlières. J’ai été abandonné sur le ponton d’une maison flottante, sur des îlots désertiques ou sur un isthme disparaissant à marée montante. J’ai ramassé des crevettes, des escargots, des moules à en avoir un lumbago… Et pourtant, à chaque fois que quelqu’un me dit «Si je viens au Vietnam, c’est pour voir la baie de Ha Long», je refais avec lui le chemin cent fois parcouru. Et c’est à chaque fois… merveilleux, le plus naturellement du monde !À tous ceux qui la fréquente, à tous ceux qui l’ont élue, à tous ceux qui l’ont admirée ou qui l’admireront : surtout respectez-là, pour que le 11/11/3011, elle puisse encore être dans les Sept Merveilles Naturelles du monde !                     

GÉRARD BONNAFONT/CVN

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