Guadeloupe : face à la mobilisation contre le pass sanitaire, l'État impose un couvre-feu

Routes et accès au CHU bloqués, mais aussi immeubles et véhicules incendiés, et écoles fermées. L'État français a riposté vendredi 19 novembre à la dégradation de la situation en Guadeloupe, qui a pour origine la mobilisation anti-pass sanitaire, en instaurant un couvre-feu entre 18h00 et 05h00 avec effet immédiat.

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Blocages de routes en Guadeloupe pour protester contre l'obligation vaccinale, le 17 novembre 2021.
Photo : AFP/VNA/CVN

Le préfet de Guadeloupe, Alexandre Rochatte, a annoncé cette mesure jusqu'au 23 novembre "compte tenu des mouvements sociaux en cours dans le département et des actes de vandalisme", ont annoncé ses services.

Dans un communiqué, le plus haut représentant de l'État dans l'île dit tenir compte des "incendies de biens publics, barrages sur les routes, jets de pierres sur les forces de l’ordre, tirs de mortier", et interdit également la vente d’essence en jerrican.

Plus tôt dans la journée, le gouvernement avait décidé d'envoyer "dans les prochains jours" 200 policiers et gendarmes pour renforcer les forces de l'ordre, alors que les violences et les blocages se multiplient.

Vendredi soir 19 novembre, de nouveaux feux se déclaraient sur des barricades à Colin et Montebello, à Petit-Bourg (NDLR : commune de la Basse-Terre) selon Routes de Guadeloupe, après une nouvelle journée de tensions. Des barrages ont été dégagés par les forces de l’ordre et certains reconstitués un peu partout sur l’archipel. Si, en zone pointoise, la journée a été "plus calme" que la nuit, selon une source policière, des affrontements ont de nouveau eu lieu en zone gendarmerie afin de dégager des axes routiers.

"On a réduit pas mal de barrages dans la journée. Au départ, on était sur une quarantaine près d’une cinquantaine sur l’ensemble de la Guadeloupe continentale essentiellement sur les grands axes comme la RN2, la RN 1 en Basse-Terre, et la RN4, la RN 5 et les Grands Fonds (NDLR : routes sinueuses dans les terres) en Grande-Terre", indiqué le commandement de la gendarmerie selon lequel "4 ou 5 gendarmes ont été blessés" depuis jeudi soir 18 novembre. "Des blessures légères mais qui sont quand même inacceptables", a commenté cette source.

Gendarmes "assiégés"

Un barrage routier installé par des manifestants en Guadeloupe, le 17 novembre 2021.
Photo : AFP/VNA/CVN

Le procureur de la République de Pointe-à-Pitre, Patrick Desjardins, a par ailleurs annoncé l'ouverture de deux enquêtes pour "dégradation par incendie en bande organisée et vols avec dégradation en bande organisée", concernant "des attaques de magasins", dont cinq bijouteries pillées à Pointe-à-Pitre.

Quatre immeubles de la ville, qui compte de nombreuses habitations en bois, sont partis en fumée dans la nuit, suite à ces pillages, ont indiqué à l'AFP les pompiers et une source policière.

La mobilisation lancée il y a cinq jours par un collectif d'organisations syndicales et citoyennes contre le pass sanitaire et l'obligation vaccinale des soignants contre le COVID-19 se double désormais de violences commises par des émeutiers.

Après une nuit de jeudi 18 novembre à vendredi 19 novembre particulièrement violente, les écoles sont restées fermées vendredi 19 novembre et, en raison de très nombreux barrages routiers, l’activité tourne au ralenti. Devant le CHU, les seuls véhicules autorisés à entrer restent les ambulances.

Les centres de dialyse de la Guadeloupe ont d'ailleurs alerté sur "un danger de mort" pour près de 800 patients dont les barrages pourraient empêcher l'accès aux soins.

Les gendarmeries du Lamentin et de Morne-à-L'Eau notamment ont été "assiégées" par des personnes parfois "encagoulées", des gendarmes blessés "par jets de pierres" et des véhicules incendiés, selon des sources policières et le Parquet.

"Désormais, il y a un mélange des personnes sur les barricades. Beaucoup de jeunes, en colère par rapport à la situation de la Guadeloupe. L'obligation vaccinale, c'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase", estime Maïté M'Toumo, secrétaire générale de l'UGTG, en demandant "l'ouverture de négociations avec le gouvernement".

"Situation complexe"

Au CHU, "les barrages routiers pénalisent énormément le personnel qui vient de tous horizons. On est obligé d’attendre que tout le monde soit présent pour démarrer et d’attendre que la relève soit présente pour continuer", explique à l'AFP Anne-Gaëlle Pascale, cadre de santé au bloc opératoire du CHU.

"Il y a du filtrage à l'entrée, notamment pour les internes dont certains sont empêchés de passer. L'un d'entre-eux a même été agressé par une personne cagoulée", affirme à l'AFP Cédric Zolezzi, directeur adjoint du centre hospitalier, en déplorant l'absence "de dialogue".

La situation est d'autant plus complexe que depuis début novembre, "on est en personnel restreint" avec l'instauration de l'obligation vaccinale des soignants, rappelle Anne-Gaëlle Pascale. Ainsi, en chirurgie, 50% des effectifs habituellement au planning sont absents.

Selon la direction du CHU, un peu plus de 87% des agents du centre hospitalier possèdent un pass sanitaire, mais certains personnels sont suspendus pour pass non valide, à quoi s'ajoute "une vague d’arrêts maladie", "sur consigne syndicale", accuse Cédric Zolezzi.

Côté éducation, la rectrice de région académique, Christine Goff-Ziegler, a condamné jeudi 18 novembre "l'ensemble des actes de vandalisme et les entraves à la circulation" ou "à l’accès des établissements", dont les élèves "sont les premières victimes".

AFP/VNA/CVN

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