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Un magasin d'articles de golf pillé à Paris en marge de la mobilisation des "gilets jaunes", photographié le 9 décembre. |
"C'est une catastrophe pour notre économie", a déclaré dimanche 9 décembre Bruno Le Maire, ministre de l'Économie lors d'une visite aux commerçants à Paris, au lendemain du quatrième samedi 8 décembre de mobilisation des "gilets jaunes".
D'un côté, le nombre de manifestants a légèrement reculé et les blessés ont été moindres que lors du précédent samedi, marqué par des images d'émeutes à Paris. De l'autre, de nouvelles scènes de violence ont été observées à plusieurs endroits en France, visant souvent des commerces pillés quand ils n'ont pas pris les devants en restant fermés.
"C'est une période où normalement le commerce tourne bien, c'est la veille des fêtes de Noël et, là, c'est une catastrophe", a regretté M. Le Maire, qui se trouvait près de la gare Saint-Lazare, non loin d'un foyer de troubles la veille.
Le ministre a promis "des réponses (...) très directes" aux entreprises touchées, mais a renvoyé la teneur d'annonces concrètes au président de la République, Emmanuel Macron, qui doit présenter plus largement en début de semaine des mesures destinées à apaiser le mouvement.
Auparavant, le chef de l'État recevra lundi 10 décembre syndicats, organisation patronales et associations d'élus.
Le ton des propos de M. Le Maire était plus alarmiste que les précédentes positions du gouvernement: fin novembre, après les premières mobilisations, le ministre n'évoquait qu'un effet "sévère et continu".
"Cela ne concerne pas que Paris, ça concerne beaucoup de petites et grandes surfaces dans de petites et grandes villes avec des zones d'activité qui sont bloquées", a renchéri dimanche sur la chaîne LCI Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des comptes publics.
Les conséquences globales pour l'économie du mouvement, né d'une opposition à la hausse de la taxe sur les carburants puis resté vif après l'annulation de celle-ci, sont encore difficiles à mesurer. Des estimations de la Banque de France sur la croissance du quatrième trimestre, attendues lundi, en donneront une idée.
Jean Tirole prend position
Mais avant même les troubles du week-end, les remontées de différents secteurs laissaient prévoir une situation dégradée. Dans le commerce, Bercy a évoqué une baisse générale de l'activité, qui va d'au moins 15% pour la grande distribution jusqu'à 40% pour les petits commerces.
Le manque à gagner pour les commerçants sera "supérieur à un milliard d'euros", a estimé dimanche sur Franceinfo Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD).
Du côté du tourisme, les réservations de fin d'années dans les chaînes d'hôtels ont reculé d'au moins 10%, selon le Groupement national des chaînes hôtelières.
Le gouvernement n'est pas seul à exprimer sa préoccupation. La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) craint "de nombreuses défaillances" de petites entreprises à la suite du mouvement des "gilets jaunes".
"Rater la fin de l'année, c'est rater son bilan", déclare son président, François Asselin, dans la dernière édition du Journal du Dimanche.
M. Asselin, qui envisage 10 milliards d'euros de pertes globales à cause du mouvement, a formulé plusieurs demandes à Bercy: la réactivation d'une cellule lancée lors des inondations d'octobre dans l'Aude, ainsi qu'un "report des échéances fiscales et sociales" pour les groupes en difficulté.
Il en appelle également à la bienveillance des banques pour accorder des crédits ou des reports de remboursements, des propos dont M. Le Maire s'est fait l'écho dimanche en leur demandant de la "compréhension".
Les banques, via un communiqué de leur fédération, se sont engagées "à examiner avec bienveillance et au cas par cas les situations".
Au-delà des acteurs économiques, le mouvement des "gilets jaunes" force de plus en plus les chercheurs à prendre position: dans le JDD, l'économiste Jean Tirole, prix Nobel 2014, a insisté sur "l'absence de contrat social" en France.
Défendant la taxe sur les carburants, M. Tirole a proposé de l'utiliser pour diminuer d'autres impôts, d'abord sur le travail. Il a rejeté une hausse du Smic, l'une des revendications fréquentes des "gilets jaunes", car "elle risquerait d'aggraver le sous-emploi", lui préférant une hausse de la prime d'activité.
AFP/VNA/CVN