France : après les incendies, la forêt de Gironde face aux insectes ravageurs

"Double peine" pour les forêts de Gironde, dans le Sud-Ouest de la France, incendiées en 2022 : insectes ravageurs du bois, les scolytes ont proliféré cette année dans les pins affaiblis, contraignant les forestiers à trancher dans le vif face à cette "bombe à retardement".

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Des feux meurtriers à Gironde en 2022.
Photo : AFP/VNA/CVN

À La Teste-de-Buch, là où jadis s'élevaient des pins maritimes vieux de 250 ans, les machines vrombissent pour abattre, élaguer, tronçonner, stocker et évacuer les nombreux troncs infestés de parasites.

Le long de la piste 214, qui traverse la forêt, des milliers de rondins s'amoncellent, symboles d'une nouvelle urgence environnementale dans un département déjà ébranlé par les incendies monstres de l'été 2022, dans lesquels 30.000 hectares de forêt avaient brûlé.

La faute au scolyte sténographe, petit insecte volant mesurant un demi-centimètre, qui s'attaque en priorité aux pins malmenés par un incendie ou une tempête. À l'accouplement, ce coléoptère marron s'infiltre entre l'écorce et le bois, pondant 30 à 50 larves qui vont creuser des galeries et détruire les canaux de sève, jusqu'à la mort de l'arbre.

"L'année 2023 est aussi cruelle et dramatique que l'incendie", regrette Matthieu Cabaussel, l'un des syndics généraux gérant l'ancestrale forêt usagère (privée) de La Teste-de-Buch. "C'est la double peine."

"Gestion calamiteuse"

Face aux scolytes, qui s'attaquent aussi aux épicéas dans l'est de la France et plus largement dans les forêts d'Europe de l'est, un choix s'impose : la coupe.

"Exploiter les bois attaqués, c'est le seul outil de lutte", explique à l'AFP Francis Maugard, responsable risques naturels pour l'Office national des forêts (ONF).

Dans ce secteur du littoral atlantique très fréquenté l'été, l'ONF a immédiatement lancé une campagne d'abattage dans la forêt domaniale (publique) de La Teste, dont la moitié des 2.030 ha a brûlé. Quelque 80.000 m3 de bois ont été retirés, l'équivalent de vingt années de récolte.

Mais côté forêt usagère (FU), où la quasi-totalité des 3.800 ha a été frappée par l'incendie, la réaction a tardé et les coupes n'ont débuté qu'en janvier.

Une "gestion calamiteuse" pour Hervé Jactel, de l'Inrae (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement), qui critique aussi le stockage, à même la forêt, de piles de bois infestées.

"Ça a été le milieu de reproduction idéal", pointe-t-il, décrivant l'enchaînement de plusieurs générations de scolytes en 2023 sur fond de chaleur persistante. "Une vraie bombe à retardement : si l'on ne fait rien, le printemps 2024 va être plusieurs milliers de fois plus dangereux". 

"Vigilance"

Le long de la piste 214, qui traverse la forêt de La Teste, des milliers de rondins s’amoncellent, symboles d’une nouvelle urgence environnementale.
Photo : AFP/VNA/CVN

Le scolyte a déjà fait irruption dans les zones urbanisées de La Teste, contraignant des particuliers à abattre des pins dans leur jardin.

"Il y a un risque d'explosion des populations", confirme François Hervieu, de la Direction régionale de l'alimentation, l'agriculture et la forêt (DRAAF), tout en nuançant la menace : "On n'est pas en situation épidémique: on est dans une situation qui nécessite la plus grande vigilance pour évacuer les arbres en temps voulu".

Dans ce contexte, l'Association des usagers de la forêt usagère (Addufu) réclame la mise en place d'aires d'évacuation et de stockage du bois, mais cela ne ferait que "déplacer le problème", selon la DRAAF.

La nature, elle, reprend déjà ses droits : dans les sous-bois décimés, de jeunes pins en repousse pointent leurs épines parmi les souches calcinées et les fougères.

"Le cataclysme qu'on a subi est dur parce qu'à l'échelle de notre vie, on ne reverra pas une vieille forêt. Mais les écosystèmes forestiers vont très bien s'en remettre", veut croire Matthieu Cabaussel.

AFP/VNA/CVN

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