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Des danseurs de l'école de samba Uniao da Ilha lors de la dernière nuit du carnaval de Rio de Janeiro, le 24 février au Brésil. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Point d'orgue d'une des plus grande fêtes populaires au monde, cette parade devant plus de 70.000 spectateurs massés au sambodrome a tenu toutes ses promesses, avec des chars somptueux pouvant mesurer plus de dix mètres de haut et des costumes brillant de mille feux sous les projecteurs. Mais cette année, au-delà du strass et des paillettes, les écoles de samba n'ont pas lésiné sur les messages politiques, avec notamment des critiques plus ou moins voilées envers le président d'extrême droite Jair Bolsonaro.
"Noir" à la place d'"INRI"
Le ton est donné dès le début de la parade de la championne en titre Mangueira. Coiffé de sa couronne d'épines et vêtu d'une veste en jean rapiécée, Jésus danse avec ses disciples dans une favela.
Mais la joute chorégraphique tourne court: des policiers armés de matraques et coiffés de casques anti-émeute dispersent la bande et s'attaquent au christ lui-même. Une métaphore de la vie des jeunes des favelas, quartiers populaires confrontés à la violence policière. Plus de 1.800 personnes ont été tuées par les forces de l'ordre en 2019, soit environ cinq par jour. Un thème également exploré de façon spectaculaire par l'école Uniao da Ilha, avec un char montrant des hélicoptères quasi grandeur nature survolant une favela en rase-motte.
Sauf qu'au lieu de tirer des rafales de balles, leurs occupants en uniformes de policier jetaient sur la foule des t-shirt blancs en signe de paix. La tolérance religieuse était également un des grands thèmes de la soirée, notamment lors du défilé de Grande Rio, avec des chars somptueux exaltant les croyances afro-brésiliennes. Et à la fin d'un défilé de Mangueira jugé blasphématoire par des groupes ultra-conservateurs, un char monumental montrait un Jésus à la peau sombre crucifié, avec le mot "Noir" à la place d'INRI inscrit sur la croix.
Le char de l'école de samba Portela lors de la dernière nuit du carnaval de Rio, le 24 février au Brésil. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
École la plus titrée du carnaval de Rio avec 22 trophées, Portela a évoqué un des sujets les plus sensibles sous le gouvernement Bolsonaro : la question indigène. "Notre village ne s'incline pas devant le capitaine", dit un couplet de la chanson de Portela, une référence à peine voilée au chef de l'État, ancien capitaine de l'armée dont la politique environnementale en Amazonie est fortement critiquée au Brésil comme à l'étranger.
Fossile de dinosaure
"C'est important de porter des messages politiques à un moment où notre gouvernement écrase les travailleurs. Les écoles de samba représentent la classe ouvrière", a déclaré Henrique Lott, perché sur un char de près de 8 mètres de haut représentant un énorme fossile de dinosaure.
Déguisé en homme préhistorique, ce comédien de 27 ans est membre d'Estacio de Sa, qui a défilé sur le thème de la pierre. Un des chars les plus impressionnants de cette école représentait la Serra Pelada, la Montagne Pelée, où des milliers de Brésiliens ont afflué pour chercher de l'or dans les années 80. Dans une image fidèle à celles des documentaires de l'époque montrant une vraie fourmilière humaine, les corps entièrement recouverts de boue s'entrelaçaient sur le char. Et en premier plan, une énorme tête de mort dorée, représentant le désastre à la fois humain et environnemental de cette ruée vers l'or.
Une danseuse de l'école de samba Portela lors de la dernière nuit du carnaval de Rio, le 24 février au Brésil. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Deuxième école à défiler, Viradouro a présenté dans son premier char un immense aquarium rempli de 7.000 litres d'eau minérale, dans lequel nageait une sirène noire à la longue queue de poisson dorée. Pour interpréter la chorégraphie faite de plongeons gracieux et de longues séquences en apnée, Viradouro a fait appel à Anna Giulia, seule membre noire de l'équipe nationale brésilienne de nage synchronisée. Après les sept écoles du dimanche, six autres défilés auront lieu dans la nuit de lundi 24 février à mardi 25 février.
Sao Clemente, qui ouvrira le bal, va évoquer pour sa part les fausses informations qui ont émaillé la campagne présidentielle de Bolsonaro. Un autre défilé très attendu sera celui de Mocidade, un hommage à la chanteuse mythique Elza Soares, 89 ans, ex-femme du footballeur de légende Garrincha, devenue une icône de la lutte contre le racisme et l'homophobie.
AFP/VNA/CVN